Romain, avez-vous à 24 ans le sentiment d’avoir terminé votre apprentissage et de devoir passer à autre chose désormais ?
Exactement. Je pense qu’on apprend tout au long d’une carrière mais avec désormais trois ans d’expérience derrière moi, je ne suis clairement plus dans la découverte. On attend de moi des résultats, davantage de responsabilités. J’ai la chance d’être très bien soutenu au sein de mon équipe, je travaille dans la sérénité, mais j’ai une exigence assez élevée envers moi-même.

Quel objectif vous fixez-vous sur le prochain Tour de France ?
C’est un peu loin encore pour vraiment faire des plans mais j’aimerais confirmer mon Top 10 avec tous les grands noms au départ, être le plus proche possible de la 5ème place. C’est mon objectif à court terme. Confirmer, ça passe aussi par des victoires puisque gagner au niveau WorldTour me fait encore défaut. J’y pense. J’ai goûté à l’adrénaline d’un final pour la victoire sur des grandes courses. Je ne suis pas passé loin. J’étais encore un peu sur la réserve l’an dernier, maintenant il faut que je puisse concrétiser ces occasions quand elles se présentent. A moi de saisir les opportunités.

Le duo Bardet-Péraud est-il prêt à être reconduit cette saison ?
Effectivement ce duo là a fait ses preuves en 2014. La recette ayant bien marché, nous repartons quasiment sur le même schéma en 2015. On espère que ça va continuer comme ça. Nous sommes plus forts ensemble. C’est du gagnant-gagnant, notamment sur le partage de la pression. On sait qu’on nous attend au tournant cette saison, ça va être important de pouvoir bien se distribuer les rôles tout au long de l’année.

Quels points avez-vous surtout travaillé cet hiver ?
J’ai essayé de travailler mes points faibles, le contre-la-montre, qui est un travail de longue haleine. J’y ai toujours quelques réserves, je me sens d’abord grimpeur et je n’ai pas envie de faire un travail au détriment de ma qualité première, mais c’est une harmonie à trouver. En tant que coureur de courses par étapes, je me dois d’être performant dans cet exercice.

Vous apporterez d’ailleurs un changement à votre programme dans cette perspective…
Oui. Après la Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège, je vais enchaîner cette année avec le Tour de Romandie dans le but de me perfectionner pour les chronos. Je veux faire une course par étapes WorldTour d’une semaine avec le challenge d’intégrer le Top 10 sur une course comme ça avec deux chronos. C’est loin d’être gagné d’avance, il me faudra de la fraîcheur sur cet objectif.

Thibaut Pinot a annoncé vouloir gagner le Tour à moyen terme. Et vous ?
Je n’ai pas la prétention d’affirmer que je veux gagner le Tour à moyen terme. Simplement parce que je n’ai pas l’expérience nécessaire pour. J’ai seulement terminé deux Grands Tours (NDLR : 15ème du Tour 2013, 6ème du Tour 2014). Par chance ils se sont bien passés. J’aurais plutôt l’ambition de dire que je veux remporter une grande classique qu’un Grand Tour à court terme.

Laquelle ?
Liège-Bastogne-Liège. Et dès cette année. Chaque édition désormais sera une chance à jouer à fond. Liège, c’est la classique qui est la plus adaptée à mes caractéristiques. C’est celle qui me convient le mieux. Aujourd’hui, il ne me manque qu’un peu de réussite pour la gagner. La physionomie de course est telle que, en forme, je suis capable d’être dans les dix coureurs qui se disputent la victoire dans les 300 derniers mètres. Etant loin d’être le plus rapide au sprint, il me faudra donc être le plus opportuniste, anticiper cela pour bénéficier des largesses qui peuvent encore m’être accordées vu mon statut.

Finalement, à vous écouter, on sent que vous n’avez pas que le Tour en tête…
Bien sûr. Mais les objectifs sont loin d’être incompatibles. Je pense vraiment que je peux axer ma première partie de saison sur les classiques sans négliger les courses par étapes d’une semaine. Puis me mettre en mode Tour de France, ce qui me laisse deux mois pour ça après les classiques. C’est amplement suffisant. J’aimerais rentrer dans ce cercle assez fermé d’une dizaine de coureurs au monde qui sont capables de briller à la fois sur les classiques et sur les courses par étapes, de mars à septembre. Courir à la manière d’un Alejandro Valverde. Avec mes moyens, c’est ce type de coureur que je veux devenir. Je ne veux pas me focaliser dès le mois de janvier sur le Tour de France.

A partir de quand faudra-t-il vraiment compter sur vous cette saison. Paris-Nice ?
Paris-Nice, je vais l’attaquer en électron libre. C’est une course qui ne m’a jamais vraiment réussi et le parcours n’est pas très favorable à mes qualités  avec deux contre-la-montre. J’y chasserai avant tout les victoires d’étapes. Et je serai en soutien de coureurs un peu plus puncheurs, un peu plus rouleurs. Il me tarde d’aller reconnaître l’arrivée à la Croix de Chaubouret, qui sera le point culminant de mon Paris-Nice. Mon premier objectif sera de confirmer mon Top 5 face aux cadors au Tour de Catalogne la semaine suivante.

Vous aviez chez les amateurs la réputation d’être attaquant, avez-vous gardé ce tempérament ?
Oui, c’est la façon dont je m’épanouis sur le vélo. C’est ma marque de fabrique. Après, il faut savoir que sur les courses par étapes ce n’est pas souvent une stratégie payante. En revanche sur les classiques, c’est cet état d’esprit, ce mode offensif, qui peut m’apporter de grosses satisfactions. Il y aura une dichotomie entre les courses par étapes et les classiques, à travers lesquelles j’espère montrer deux facettes de ma personnalité.

Propos recueillis à Paris le 2 février 2015.