La terre a semblé s’arrêter de tourner lundi à 16h20, au moment où Wouter Weylandt a rendu son dernier souffle sur le macadam brûlant du Passo del Bocco. Pour la première fois depuis vingt-six ans, le jour s’est levé hier sans le coureur belge. Une journée éprouvante, accomplie en convoi silencieux et méditatif, qui s’est terminée avec beaucoup d’émotion à l’arrivée du peloton à Livourne. C’en était trop pour le Team Leopard-Trek, affecté par la disparition de son coureur belge. C’en était trop aussi pour Tyler Farrar (Garmin-Cervélo), l’ami et compagnon d’entraînement du Flamand. Les neuf coureurs qui ont coupé la ligne main sur l’épaule hier soir, sous les applaudissements respectueux d’un public ému, ne repartiront pas ce matin de Piombino (Toscane), d’où repart le Tour d’Italie pour 191 kilomètres spectaculaires jusqu’à Orvieto (Ombrie).

« The show must go on », le spectacle doit continuer. Et de spectacle, il en est justement question aujourd’hui à l’occasion d’une étape qui fait son retour sur les strade bianche, ces routes blanches introduites avec sensation l’an passé sur le Giro. Disputée sous des trombes d’eau et marquante pour tous ceux qui l’avaient vécue, la course avait été épique au plus haut point. Aujourd’hui, ce sont 19 kilomètres presque sans interruption de ces routes d’un autre temps que les coureurs devront emprunter dans les 35 derniers kilomètres. Et au bain de boue doit succéder une progression dans un nuage de poussière, car le ciel est clair cette fois-ci et le sol est sec. Les favoris du Tour d’Italie sont sur leurs gardes. Pour la première fois, si l’on écarte l’exercice chronométré qui avait ouvert l’épreuve samedi après-midi à Turin, ils vont être mis à contribution. Ils ne gagneront rien aujourd’hui mais pourront tout perdre à la moindre faute d’inattention.

Mise en stand-by durant vingt-quatre heures, la course reprend donc ses droits au kilomètre 12, relancée par Martin Kohler (BMC Racing Team). Le Suisse est le premier attaquant du matin. Le seul au demeurant. Alors, comme Sebastian Lang l’avait fait dimanche, il entame un long cavalier seul à travers des routes au relief vallonné. Son avance plafonne à 12’40 », puis vient le temps de rendre des minutes tout en tâchant d’en conserver suffisamment pour rallier l’arrivée le premier. Mais le défi est de taille car avec un écart réduit à 5’20 » à l’entrée des strade bianche à 37 kilomètres du but, Martin Kohler n’a que peu de chances de tenir tête à un peloton emmené par les Garmin-Cervélo d’un Maillot Rose David Millar en méforme. Victime d’une chute sans gros bobos en cours d’étape, il va batailler toute la journée avant de lâcher prise à 2,5 kilomètres du but.

Dans un exercice périlleux, Vincenzo Nibali se procure un mince avantage sur les routes blanches.

A 37 kilomètres de l’arrivée à Orvieto, le peloton fait donc irruption sur les fameuses routes blanches. Ces routes ont échappé à toute civilisation. Elles sont jonchées de trous, parsemées de petits gravillons blancs, et surtout escarpées, ce qui s’avère être un exercice périlleux car l’adhérence y est moindre que sur de l’asphalte. Les montées sont éprouvantes, les descentes risquées. Avec la poussière aveuglante et asphyxiante, on descend à vue dans un nuage plus opaque que le brouillard en montagne. A ce rythme, le peloton s’écaille rapidement. Tous les favoris sans exception sont remontés aux avant-postes, presque à découvert, et on ne recense bientôt plus qu’une petite trentaine de concurrents au sein du paquet, duquel cherchent constamment à s’extraire des candidats à la victoire d’étape, comme le font un temps Dario Cataldo (Quick Step) et Bram Tankink (Rabobank) avant de jouer l’un et l’autre de malchance.

On observe également du mouvement du côté des favoris. A 30 kilomètres du but, Vincenzo Nibali (Liquigas-Cannondale) en personne prend les choses en main dans une portion descendante et diantrement spectaculaire, pour ne pas dire dangereuse. A maintes reprises, la roue arrière de l’Italien chasse sur les gravillons. Ses trajectoires sont hésitantes, disons même aléatoires, et il se retourne fébrilement pour scruter dans le nuage la réaction de ses adversaires tout aussi mal à l’aise sur ce terrain hostile. Nibali sort du premier des trois tronçons terreux avec un mince avantage sur ses poursuivants, mais si loin de l’arrivée il se résigne à insister. Cet épisode demeurera l’unique moment d’émotion au sein du groupe des favoris, qui finiront l’étape les uns auprès des autres, faisant chacun une remontée au classement général.

Reste que la bataille fait rage pour la victoire d’étape. Toujours échappé solitaire à la sortie des routes blanches, Martin Kohler se heurte au retour de deux coureurs sortis de l’arrière à 24 kilomètres du but : John Gadret (Ag2r La Mondiale) et Pieter Weening (Rabobank). Les deux hommes bouchent le trou mais Weening choisit la carte de la témérité. Il démarre à moins de 10 kilomètres du but pour terminer l’étape en solitaire. Gadret ne peut pas compter sur la coopération d’un Kohler échappé solitaire pendant 165 kilomètres. Il s’incline pour cette fois. Seul face au peloton dans la côte finale qui mène à l’arrivée, Pieter Weening conserve 8 secondes sur la ligne pour empocher l’étape et le Maillot Rose, dont Christophe Le Mével (Garmin-Cervélo) 4ème à l’arrivée ne parvient pas à hériter mais continue de s’en rapprocher. Le Français, ancien vainqueur d’étape au Giro, occupe ce soir le 4ème rang au général à 5 secondes de Weening.

Demain jeudi, la sixième étape privilégiera les puncheurs entre Orvieto et Fiuggi (216 km), avec une nouvelle arrivée à profil ascendant.

Classement 5ème étape :

1. Pieter Weening (PBS, Rabobank) les 191 km en 4h54’49 »
2. Fabio Duarte (COL, Geox-TMC) à 8 sec.
3. José Serpa (COL, Androni Giocattoli) m.t.
4. Christophe Le Mével (FRA, Garmin-Cervélo) m.t.
5. Oscar Gatto (ITA, Farnese Vini-Neri Sottoli) m.t.
6. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) m.t.
7. Alberto Contador (ESP, Saxo Bank-SunGard) m.t.
8. Michele Scarponi (ITA, Lampre-ISD) m.t.
9. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) m.t.
10. Roman Kreuziger (TCH, Astana) m.t.

Classement général :

1. Pieter Weening (PBS, Rabobank) en 14h59’33 »
2. Marco Pinotti (ITA, HTC-Highroad) à 2 sec.
3. Kanstantsin Siutsou (BLR, HTC-Highroad) m.t.
4. Christophe Le Mével (FRA, Garmin-Cervélo) à 5 sec.
5. Pablo Lastras (ESP, Movistar Team) à 22 sec.
6. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) à 24 sec.
7. Michele Scarponi (ITA, Lampre-ISD) à 26 sec.
8. Steven Kruijswijk (PBS, Rabobank) à 28 sec.
9. Alberto Contador (ESP, Saxo Bank-SunGard) à 30 sec.
10. José Serpa (COL, Androni Giocattoli) à 33 sec.

Classement par points :

1. Alessandro Petacchi (ITA, Lampre-ISD) 28 pt
2. Christophe Le Mével (FRA, Garmin-Cervélo) 26 pt
3. Pieter Weening (PBS, Rabobank) 25 pt
4. Angel Vicioso (ESP, Androni Giocattoli) 25 pt
5. Fabio Duarte (COL, Geox-TMC) 20 pt
6. Mark Cavendish (GBR, HTC-Highroad) 20 pt
7. David Millar (GBR, Garmin-Cervélo) 20 pt
8. Pablo Lastras (ESP, Movistar Team) 16 pt
9. José Serpa (COL, Androni Giocattoli) 16 pt
10. Manuel Belletti (ITA, Colnago-CSF Inox) 16 pt

Classement de la montagne :

1. Martin Kohler (SUI, BMC Racing Team) 10 pt
2. Gianluca Brambilla (ITA, Colnago-CSF Inox) 8 pt
3. Christophe Le Mével (FRA, Garmin-Cervélo) 5 pt
4. Sebastian Lang (BEL, Omega Pharma-Lotto) 3 pt
5. Roman Kreuziger (TCH, Astana) 3 pt
6. Pavel Brutt (RUS, Team Katusha) 3 pt
7. Pablo Lastras (ESP, Movistar Team) 2 pt
8. Michele Scarponi (ITA, Lampre-ISD) 2 pt
9. Valerio Agnoli (ITA, Liquigas-Cannondale) 2 pt
10. Bart De Clercq (BEL, Omega Pharma-Lotto) 2 pt

Classement des jeunes :

1. Steven Kruisjwik (PBS, Rabobank) en 15h00’01 »
2. Fabio Duarte (COL, Geox-TMC) à 15 sec.
3. Peter Kennaugh (GBR, Team Sky) à 22 sec.
4. Roman Kreuziger (TCH, Astana) à 24 sec.
5. Robert Kiserloski (CRO, Astana) m.t.
6. Francesco Masciarelli (ITA, Astana) à 31 sec.
7. Kevin Seeldraeyers (BEL, Quick Step) à 44 sec.
8. Eros Capecchi (ITA, Liquigas-Cannondale) à 46 sec.
9. Rafael Valls (ESP, Geox-TMC) à 1’17 »
10. Jan Bakelandts (BEL, Omega Pharma-Lotto) à 2’45 »

Classement par équipes :

1. Movistar Team (ESP) en 44h17’26 »
2. Astana (KAZ) à 18 sec.
3. Geox-TMC (ESP) à 34 sec.
4. Team Sky (GBR) à 59 sec.
5. Euskaltel-Euskadi (ESP) à 1’16 »
6. Androni Giocattoli (ITA) à 1’38 »
7. Liquigas-Cannondale (ITA) à 1’47 »
8. HTC-Highroad (USA) à 2’16 »
9. Ag2r La Mondiale (FRA) à 2’32 »
10. Rabobank (PBS) à 3’28 »