Ça ne devait être ni plus ni moins qu’une étape de transition en montagne. De celles qu’on trouve souvent dans le Tour de France lorsque la ligne d’arrivée est tracée dans la vallée. Si ce n’est qu’au Tour d’Espagne il n’est pas question de redescendre un col pour y jouer la gagne. Les arrivées au sommet se succèdent. Aujourd’hui encore alors que se referme le chapitre pyrénéen entre Graus et Sallent de Gallego (146,8 km). Les cols aragonais sont longs mais roulants, et c’est ce qui fait croire à tort que ce sont les attaquants qui se tailleront la part du lion. Pourtant, le classement général est loin d’être scellé et la vue sur Madrid est encore très encombrée. Un troisième triptyque montagneux dans les Asturies sera susceptible, jeudi, vendredi et samedi dans l’Angliru, de mettre une dernière fois en balance tous les favoris.

On a fait de cette courte étape une nouvelle occasion pour les grimpeurs inassouvis et les équipiers affranchis de se mesurer. Sous le soleil et la douceur retrouvés, tous ceux-là s’exécutent donc dès les premiers kilomètres. Et ça fait du monde ! Des paquets de dix, quinze, vingt coureurs et plus encore se précipitent en tête de course. C’est trop pour nombre d’équipes, qui endiguent la progression des attaquants et interdisent la formation d’une échappée sérieuse pendant une soixante de kilomètres, allant jusqu’à parcourir la première heure à près de 47 de moyenne. Durant ce temps, le ballet incessant des tentatives d’échappées se poursuit. Sans prendre le large, neuf garçons se positionnent en tête de course au kilomètre 62 : Flecha, Huzarski, Kohler, Martinez, Nerz, Sijmens, Sörensen, Txurruka et Uran.

Le groupe de tête a de l’allure mais cela ne suffit pas toujours. Aujourd’hui ce sont les favoris qui décideront si oui ou non ils accordent ce bon de sortie tant désiré par les seconds couteaux. Et tant que l’écart n’est pas fait, d’autres se lancent encore à la poursuite des premiers pour tâcher d’infiltrer le groupe de tête. Des groupes s’intercalent dans le Puerto de Cotefablo (12,5 km à 4 %). Et soudain, à 35 kilomètres de l’arrivée, l’équipe Astana décide de renoncer. Elle abandonne la chasse, laissant les vingt-trois coureurs sortis en plusieurs vagues se regrouper devant. Aux neuf de tête s’ajoutent Cardoso, Garate, Gastauer, Gusev, Herrada, Intxausti, Kozontchuk, Mate, Meier, Paterski, Sörensen et Szmyd. Et deux Français, puisqu’ils sont en réussite en ce moment : Warren Barguil (Argos-Shimano) et Mikaël Chérel (Ag2r La Mondiale).

Visiblement diminué, Vincenzo Nibali ne peut suivre ses adversaires passés à l’attaque.

La seizième étape du Tour d’Espagne se jouera donc à vingt-trois. Le peloton ayant baissé pavillon, les échappés n’ont plus à collaborer ardemment pour l’éloigner. De toute façon on est entré dans la phase finale de cette étape et les 15,8 derniers kilomètres à 4 % vers la station de ski de Formiga s’annoncent. Les hostilités sont ouvertes ! Et c’est Warren Barguil, trois jours après sa victoire d’étape à Castelldefels, qui s’avère le plus remuant. A l’attaque une première fois à 20 kilomètres de l’arrivée, il embraie derrière Juan-Manuel Garate (Belkin) et avec Mikaël Chérel au pied de la montée finale. Si ça rentre toujours de l’arrière, Warren Barguil a gardé pour lui l’estocade décisive qu’il s’apprête à porter. A 10 kilomètres du but, le grimpeur breton attaque de devant, proprement, sans être suivi.

Les avant-bras posés sur le cintre et les mains ballantes, Warren Barguil creuse rapidement un écart saisissant qui monte à près de 40 secondes. Mais sur cette ascension roulante, organiser une poursuite est aisé. Rigoberto Uran (Team Sky) s’exécute pour refaire progressivement son débours. A hauteur de la flamme rouge, le Colombien fond sur Barguil, et il tente judicieusement de l’abandonner à son sort en démarrant illico. Mais on ne l’a fait pas au néo-pro français qui, à 21 ans, a déjà la science de la course et le goût de la ruse qu’on attribue d’ordinaire davantage aux vieux roublards. Même quand la menace d’un retour d’Huzarski et Nerz se fait brûlante dans les derniers hectomètres, Warren Barguil préserve son calme pour inviter Rigoberto Uran à lancer le sprint… et le remonter dans les 20 derniers mètres pour couper la ligne dans un même élan. Mais les millimètres d’écart penchent en faveur du Breton !

Tandis que l’on savoure une troisième victoire d’étape française en quatre jours (!), la situation change brusquement à l’échelon du peloton. Alejandro Valverde (Movistar Team) d’abord, Joaquim Rodriguez (Team Katusha) ensuite, passent à l’attaque à 4 kilomètres du sommet. Christopher Horner (RadioShack-Leopard) et Thibaut Pinot (FDJ.fr) sont en mesure de boucher le trou. Pas Vincenzo Nibali (Astana), visiblement diminué aujourd’hui. Est-ce le signe d’un nouveau tournant dans cette Vuelta ou un coup de moins bien passager ? Toujours est-il qu’à Sallent de Gallego le porteur du maillot rouge concède 22 secondes à son principal adversaire, l’Américain Chris Horner, soit une partie non négligeable de son avantage, qui passe de 50 à 28 secondes à six jours de l’arrivée du Tour d’Espagne. Après les Pyrénées, le suspense reste entier.

Demain mardi, le repos s’imposera avant un retour en douceur mercredi entre Calahorra et Burgos (189 km).

Classement 16ème étape :

1. Warren Barguil (FRA, Argos-Shimano) les 146,8 km en 3h43’31 »
2. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) m.t.
3. Bartosz Huzarski (POL, Team NetApp-Endura) à 3 sec.
4. Dominik Nerz (ALL, BMC Racing Team) à 8 sec.
5. José Herrada (ESP, Movistar Team) à 20 sec.
6. Mikaël Chérel (FRA, Ag2r La Mondiale) à 37 sec.
7. Maciej Paterski (POL, Cannondale) m.t.
8. Andre Cardoso (POR, Caja Rural) à 40 sec.
9. Amets Txurruka (ESP, Caja Rural) à 42 sec.
10. Chris-Anker Sörensen (DAN, Team Saxo-Tinkoff) à 45 sec.

Classement général :

1. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) en 64h06’01 »
2. Christopher Horner (USA, RadioShack-Leopard) à 28 sec.
3. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 1’14 »
4. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) à 2’29 »
5. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) à 3’38 »
6. Nicolas Roche (IRL, Team Saxo-Tinkoff) à 3’43 »
7. Thibaut Pinot (FRA, FDJ.fr) à 4’37 »
8. Leopold König (TCH, Team NetApp-Endura) à 6’17 »
9. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 7’33 »
10. Tanel Kangert (EST, Astana) à 9’21 »

Classement par points :

1. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 118 pt
2. Nicolas Roche (IRL, Team Saxo-Tinkoff) 105 pt
3. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) 98 pt
4. Christopher Horner (USA, RadioShack-Leopard) 84 pt
5. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 84 pt
6. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 82 pt
7. Warren Barguil (FRA, Argos-Shimano) 65 pt
8. Fabian Cancellara (SUI, RadioShack-Leopard) 61 pt
9. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) 59 pt
10. Maximiliano Richeze (ARG, Lampre-Merida) 56 pt

Classement de la montagne :

1. Nicolas Edet (FRA, Cofidis) 36 pt
2. Daniele Ratto (ITA, Cannondale) 30 pt
3. Christopher Horner (USA, RadioShack-Leopard) 22 pt
4. Andre Cardoso (POR, Caja Rural) 20 pt
5. Nicolas Roche (IRL, Team Saxo-Tinkoff) 19 pt
6. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 19 pt
7. Michele Scarponi (ITA, Lampre-Merida) 17 pt
8. Alexandre Geniez (FRA, FDJ.fr) 17 pt
9. Warren Barguil (FRA, Argos-Shimano) 14 pt
10. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) 13 pt

Classement du combiné :

1. Christopher Horner (USA, RadioShack-Leopard) 9 pt
2. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 13 pt
3. Nicolas Roche (IRL, Team Saxo-Tinkoff) 13 pt
4. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 18 pt
5. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) 27 pt
6. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) 30 pt
7. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 31 pt
8. Leopold König (TCH, Team NetApp-Endura) 31 pt
9. Michele Scarponi (ITA, Lampre-Merida) 39 pt
10. Thibaut Pinot (FRA, FDJ.fr) 54 pt

Classement par équipes :

1. Euskaltel-Euskadi (ESP) en 191h46’16 »
2. Astana (KAZ) à 1’07 »
3. Movistar Team (ESP) à 1’26 »
4. Team Saxo-Tinkoff (DAN) à 7’05 »
5. Team Katusha (RUS) à 20’38 »
6. Caja Rural (ESP) à 25’55 »
7. RadioShack-Leopard (LUX) à 31’03 »
8. Team NetApp-Endura (ALL) à 46’01 »
9. FDJ.fr (FRA) à 47’15 »
10. Team Sky (GBR) à 1h10’47 »