En offrant une course décousue et débridée, digne de celles qui ont fait sa légende au cours de son histoire, la 100ème édition du Tour des Flandres aura été fêtée dignement par l’ensemble des acteurs. Cette édition anniversaire était légitimement plus convoitée que jamais par les coureurs, prêts à en découdre sur les dix-huit monts traversés, agrémentés de quelques secteurs pavés tout aussi difficiles et légendaires. Le parcours tel qu’il a été repensé en 2012 ne laisse traditionnellement aucune place au hasard. Mais les enseignements qu’avaient fournis les premières classiques du printemps étaient cependant trop rares pour tenter de deviner ne serait-ce que les contours d’une course de toute façon trop usante pour être prévisible. Les hommes qui étaient attendus n’ont pourtant pas déçu entre Bruges et Audenarde pour livrer une édition mémorable.

Il était écrit que cette 100ème édition ne serait pas comme les autres. La première échappée, bien que ses chances soient limitées, était logiquement très prisée. Imanol Erviti (Movistar Team), Hugo Houle (Ag2r La Mondiale), Wesley Kreder (Roompot-Oranje Peloton), Lukas Postlberger (Bora-Argon 18), Gijs Van Hoecke (Topsport Vlaanderen-Baloise) et Federico Zurlo (Lampre-Merida) auront dû faire preuve d’une admirable abnégation pour s’offrir le bon de sortie espéré et convoité après un début de course mené à toute vitesse et une première heure de course bouclée à plus de 46 km/h de moyenne. Leur avance sera pourtant très vite limitée par un peloton nerveux bien décidé à batailler ferme bien que certains n’aient même pas eu l’occasion de prendre part à cette lutte, comme Tiesj Benoot (Lotto-Soudal), Arnaud Démare (FDJ) ou Greg Van Avermaet (BMC Racing Team), tous contraints à l’abandon sur chute.

La lutte sera déclenchée de loin bien que le coup tenté par les membres de l’équipe Etixx-Quick Step n’aura pas l’effet escompté. Le rapprochement à 40 secondes de l’échappée incite seulement Dimitri Claeys (Wanty-Groupe Gobert), André Greipel (Lotto-Soudal), Dmitriy Gruzdev (Astana), et Nils Politt (Team Katusha) à rejoindre Houle, Erviti et Van Hoecke, les trois derniers rescapés à l’avant. Le peloton temporise, sachant pertinemment que le plus dur reste à venir. Bien que le peloton s’étire et que les cassures se multiplient, aucun mouvement d’envergure n’est à signaler dans le mythique enchaînement Quaremont-Paterberg-Koppenberg à 50 kilomètres de l’arrivée. Tout juste permet-il à Stijn Vandenbergh (Etixx-Quick Step) et Dylan Van Baarle (Cannondale) d’anticiper les débats et à quelques outsiders comme Ian Stannard (Team Sky) ou Jurgen Roelandts (Lotto-Soudal) de se dégourdir les jambes.

Peter Sagan anticipe à 32 kilomètres de l’arrivée et résiste au retour de Fabian Cancellara après le Paterberg. 

Le Tour des Flandres semble alors s’empêtrer dans un schéma attentiste auquel il nous a habitués depuis cinq ans. Mais la course prend une toute autre tournure à 32 kilomètres de l’arrivée quand, sur un long faux-plat, les premiers favoris se dévoilent. Michal Kwiatkowski (Team Sky) et Peter Sagan (Tinkoff) retentent le même coup qu’au GP E3, rejoints par un Sep Vanmarcke (Team LottoNL-Jumbo) qui s’était déjà activé dans le Taaienberg. Malgré le pedigree des trois hommes, Fabian Cancellara (Trek-Segafredo) ne réagit pas immédiatement. Du moins pas personnellement. Le Suisse laisse le soin à ses coéquipiers, épaulés par les hommes d’Alexander Kristoff (Team Katusha) et de Lars Boom (Astana), de mener la poursuite du trio duquel il souhaite à tout prix se rapprocher avant le pied de la dernière montée du Vieux Quaremont.

Est-ce parce qu’il n’avait pas d’autre choix au vu des circonstances, ou est-ce une attaque qu’il avait préméditée, toujours est-il que Fabian Cancellara sort de sa torpeur dans l’escalade de ce mont devenu le point névralgique du Tour des Flandres depuis 2012. Le Suisse dégage une puissance phénoménale et survole les pavés du Quaremont, sortant tout le monde de sa roue, y compris Geraint Thomas (Team Sky) et Zdenek Stybar (Etixx-Quick Step) qui se sont un temps accrochés. Mais son accélération trop tardive ne lui permet pas de revoir la tête de course, occupée par Sagan et Vanmarcke sur une nouvelle accélération du champion du monde. L’effort du Slovaque repousse Cancellara à plus de 15 secondes au moment de basculer. Le bras de fer s’engage entre les deux hommes alors que le Belge atteint ses limites.

Le Paterberg situé 2 kilomètres plus loin sonne le glas des espoirs de Sep Vanmarcke, distancé par Peter Sagan tandis que derrière lui, Fabian Cancellara jette ses dernières forces dans le but de combler cet écart de 15 secondes qui ne s’est pas réduit. Les 13,2 derniers kilomètres se résument alors en un duel aussi formidable qu’haletant entre le champion du monde et son rival suisse. Bien qu’il se rapproche à 13 secondes, en partie grâce au soutien apporté par Sep Vanmarcke, le coureur de Trek-Segafredo ne pourra pas briguer une quatrième victoire sur le Ronde. Au contraire, Peter Sagan vient décrocher à Audenarde le premier monument de sa carrière. Le Slovaque devient également le cinquième coureur à remporter le Tour des Flandres ceint du maillot irisé. Le Ronde ne pouvait pas espérer un anniversaire plus dignement fêté !

Classement :

1. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff) les 255 km en 6h10’37 » (41,2 km/h)
2. Fabian Cancellara (SUI, Trek-Segafredo) à 25 sec.
3. Sep Vanmarcke (BEL, Team LottoNL-Jumbo) à 28 sec.
4. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) à 49 sec.
5. Luke Rowe (GBR, Team Sky) m.t.
6. Dylan Van Baarle (PBS, Cannondale) m.t.
7. Imanol Erviti (ESP, Movistar Team) m.t.
8. Zdenek Stybar (TCH, Etixx-Quick Step) m.t.
9. Dimitri Claeys (BEL, Wanty-Groupe Gobert) m.t.
10. Niki Terpstra (PBS, Etixx-Quick Step) m.t.