José-Antonio Hermida (Multivan Merida Biking Team) avait presque fait une croix sur ses chances d’enfiler un jour le maillot arc-en-ciel de champion du monde. A 32 ans, l’Espagnol n’en faisait en tout cas plus une obsession. Sa carrière avait déjà été auréolée d’une médaille d’argent aux Jeux Olympiques d’Athènes, de trois titres de champion d’Europe, de nombreuses victoires sur des épreuves de la Coupe du Monde (six manches victorieuses, quatre fois 2ème du classement général, deux fois 3ème). Et puis au moment où il s’y attendait le moins, José-Antonio Hermida est allé chercher le titre mondial après lequel il courait depuis des années. A Mont-Sainte-Anne, l’attachant pilote espagnol est entré dans le temple sacré des vététistes. Un mois après la course qui a changé sa vie, le champion au look de mousquetaire aborde le passé, le présent et l’avenir.

José-Antonio, comment as-tu vécu le mois qui a suivi l’acquisition de ton titre mondial à Mont-Sainte-Anne ?
Je vis ce titre mondial de manière plus intensive que je ne l’aurais cru parce que je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi médiatique. J’avais gagné beaucoup de choses auparavant : le Championnat d’Europe, des manches de Coupe du Monde, même la médaille d’argent aux Jeux Olympiques. Mais, sans que je sache pourquoi, ma victoire au Championnat du Monde a créé un buzz médiatique brutal. Depuis que j’ai enfilé le maillot arc-en-ciel, je n’ai quasiment pas mis les pieds à la maison. Il est évident que dans ces conditions, ça me fait clairement plaisir !

Quel a été ton programme ?
Après les Championnats du Monde, le team m’a fait un programme qui prévoyait ma présence sur un événement tous les dimanches. J’ai été en Espagne, en République Tchèque, en France avec le Roc d’Azur. J’ai fait beaucoup de télévision aussi. En Espagne, je n’ai pas cessé de donner des interviews pour les magazines spécialisés ou pour des médias non spécialisés. Ca a été un mois de septembre vraiment intensif en vérité.

Dans une interview que tu nous avais confiée il y a un an, tu nous avais dit : « le jour où je suis champion du monde, j’arrête ma carrière ». Qu’en est-il désormais ?
(Il sourit) Hmm, on peut dire que j’arrête ma carrière… pour en recommencer une autre et gagner un autre titre ! Tu sais, c’est le genre de phrase que je balance comme ça et pour lesquelles je dois payer ensuite ! J’ai gagné les titres mondiaux en Juniors et en Espoirs, alors on peut dire que ce maillot de champion du monde, il boucle la boucle. Il est clair que peu de coureurs l’ont fait. Miguel Martinez, Nino Schurter, Julien Absalon et moi sommes les seuls à avoir remporté les trois titres. Disons que par la phrase que j’ai prononcée il y a un an, je voulais dire qu’une fois que tu es champion du monde, tu es au sommet de ta carrière et tu peux l’arrêter.

Mais ce ne sera pas le cas…
Bien sûr que non. Je continue avec des objectifs en 2011 comme en 2012 : la Coupe du Monde, les Championnats du Monde et les Jeux Olympiques. Pour moi, gagner le Championnat du Monde c’est comme le Prix Pulitzer pour un journaliste. C’est la reconnaissance de ton travail. Des personnes sont fières de toi.

A ton palmarès ne manquent donc plus que la Coupe du Monde et les Jeux Olympiques…
Et un autre Championnat du Monde ! Maintenant que j’ai trouvé la formule, on ne sait jamais. J’ai encore moyen d’en gagner quelques-uns. Malgré tout le gros objectif ce sont effectivement les Jeux Olympiques en 2012. C’est l’objectif majeur que je me suis fixé, pas pour arrêter ma carrière mais pour y signer une performance plus importante encore que le titre mondial. Après les Jeux de Londres, il est bien possible que je continue ma carrière, ça c’est clair. Tout dépendra du niveau que j’aurai. Peut-être que je peux encore courir au haut niveau durant deux ou trois années, on verra. Pour l’instant, le gros objectif c’est la médaille d’or olympique, mais il ne faut pas oublier que d’ici là il y aura une saison en 2011 et qu’il y aura encore beaucoup de choses à y faire.

Tu dis avoir trouvé la formule pour gagner le Championnat du Monde, c’est-à-dire ?
Je crois que cette année je n’avais pas l’obsession de gagner. Cela fait deux ou trois années que je commençais à penser que si je n’arrivais jamais à gagner le Championnat du Monde, mon palmarès n’en serait pas moins bon pour autant. J’aurais pu arrêter ma carrière comme ça car j’avais gagné tellement de choses dans ma vie que je n’y aurais jamais cru autant à l’âge de 15 ans. Cette année j’étais donc plus détendu à l’approche du Mondial, et je crois que c’était ça la formule. Je suis arrivé relaxé, sans l’obsession de gagner. J’avais déjà abordé le Mondial avec cette mentalité l’année dernière, plus mature. Cette année ça a été l’année de la confirmation. Je n’étais pas nerveux, je savais que je m’étais bien entraîné, le parcours était l’un de mes préférés. Tout était parfait, j’étais tranquille et concentré sur la course.

A l’inverse, Julien Absalon s’est montré en-deçà cette année…
(Il nous coupe) Il continue à être bon ! Julien Absalon a eu beaucoup de merdes (sic) cette année. En six manches de la Coupe du Monde il a crevé trois fois. Ce n’est pas quelque chose de normal pour un champion comme lui, qui n’avait sans doute jamais crevé autant en dix ans ! Mais ça arrive. Ce sont des choses qui arrivent parfois aux autres, parfois c’est moi, parfois c’est Absalon. Mais je crois malgré tout qu’il a le même niveau qu’avant, mais il y a des coureurs qui montent et qui s’en rapprochent, comme Nino Schurter qui a su battre la famille Absalon, Rémy et Julien. Absalon est toujours Absalon, je ne pense pas qu’il ait le frein à main. Sans toutes ces crevaisons…

Le matériel en VTT, c’est important. Et quand on parle matériel on pense à l’arrivée du 29 pouces, quel est ton avis sur cette nouveauté ?
C’est avant tout un vélo en plus sur le marché. Nous sommes actuellement au même point qu’il y a dix ans, lorsque le tout-suspendu a fait son apparition. Les Américains pensaient déjà que le futur passerait par le tout-suspendu. A la fin, qu’a-t-on vu ? Les marques font aujourd’hui des vélos pour tous les types de coureurs, du freeride, du VTT, du cross-country, de la descente, du trial, de l’enduro à 120, 140, 160 millimètres… Le 29 pouces, c’est la même chose. Ce n’est pas meilleur, ce n’est pas pire que les autres vélos. C’est un VTT qui sera sans doute mieux accepté dans certains pays que d’autres. L’avantage, c’est qu’on pourra choisir. C’est simplement un vélo en plus.

De ton côté, tu rouleras toujours sur Merida l’an prochain ?
Oui, j’ai resigné mon contrat pour deux ans deux semaines avant les Championnats du Monde. Je resterai avec Merida jusqu’en 2012. Après, on verra, mais j’aimerais rester chez Merida pour beaucoup d’années encore.

On ne pourrait conclure cette interview sans te demander la signification de ce nouveau look, cette moustache particulière qui est devenue ta marque de fabrique depuis ton triomphe à Mont-Sainte-Anne. Quelle en est l’histoire ?
C’était une espèce de pari que nous avons fait entre nous dans le team avant la dernière manche de la Coupe du Monde à Windham. Nous étions à la lutte avec le team Scott-Swisspower au classement général par équipes. Alors Ralph Näf a proposé qu’on se laisse pousser la moustache à la façon des mousquetaires : tous pour un et un pour tous ! J’ai dit OK, pas de problème, je me laisse pousser la barbe puis je me raserai juste ce qu’il faut pour ressembler à un mousquetaire ! Après une semaine et demie j’avais déjà une bonne moustache alors que les autres n’avaient rien. L’un était blond et on ne voyait rien, un autre avait deux poils par-ci, deux poils par-là… Bref, ça a été une catastrophe ! Je me suis retrouvé le seul avec la moustache et j’ai dit que j’allais la garder jusqu’à la veille du Championnat du Monde. Seulement la veille j’ai oublié, je suis parti comme ça et j’ai gagné comme ça !

Et ça a créé un style…
Oui, ça a créé un peu le « mexican style ». Depuis le Mondial, je me suis rasé, c’est mieux quand on est à la maison, mais je me fais repousser la moustache pour mes apparitions sur des événements comme les salons !

Propos recueillis à Fréjus le 10 octobre 2010.