Julien, tout d’abord comment te remets-tu de ta fracture du doigt contractée aux Championnats du Monde ?
Ca va, j’ai repris le VTT jeudi dernier. Il faut que je reprenne un peu de muscles puisque l’immobilisation m’en a forcément fait perdre. Ca fait un petit peu mal parce que je ressens assez rapidement une crampe mais je me sens tout de même en bonne voie. L’os commence à bien se consolider mais ça ne va pas me pénaliser du tout pour la saison prochaine. Et puis ça va me permettre de reprendre le cyclo-cross assez rapidement.

Malgré tout, il était exclu que tu sois sur le vélo au Roc d’Azur…
Oui, c’était un peu trop juste, déjà parce que je n’étais pas compétitif après mon arrêt et puis surtout parce que je ne pouvais pas risquer de retomber. J’ai l’autorisation de rouler mais il ne faut absolument pas que je tombe sur ma blessure parce que si l’os est consolidé, il n’est pas encore assez solide. C’est encore fragile donc il aurait été risqué de prendre un départ au Roc d’Azur.

On va forcément revenir sur ta saison 2010. 2ème de la Coupe du Monde, 5ème du Championnat du Monde, quelle analyse en fais-tu ?
Avant toute chose, cette année restera gravée dans ma mémoire puisque c’est l’année de la naissance de mon petit. Mais sportivement, la saison a été un peu difficile, avec pas mal de problèmes mécaniques. Ca a été un peu la loi des séries. J’ai eu la poisse durant une bonne partie de la saison. Ca fait partie du sport, ça fait partie du VTT surtout, qui est considéré comme un sport mécanique. Les problèmes mécaniques et les crevaisons font partie de notre discipline. Les chutes aussi, c’est un sport à risques. Il faut en être conscient. Mais je relativise : je préfère que ce soit ça qu’un manque de forme. Je pense que j’ai prouvé que j’étais au niveau pour batailler pour la victoire du début à la fin de saison. Ce n’est pas un problème de ce côté-là mais plutôt un problème de malchance et des soucis techniques qu’il va falloir résoudre pour l’année prochaine.

Jusqu’ici, tu avais toujours été épargné par les pépins, comment expliques-tu cet acharnement du destin sur ton sort cette année ?
C’est la loi des séries, tout bonnement. En général quand tu commences à avoir la poisse tu la tiens pendant un petit moment. Je ne peux pas incriminer le matériel que j’utilise car c’est le même que l’année dernière. Reprenons ma saison chronologiquement… A Houffalize, c’est de ma faute. J’ai fait un mauvais choix de pneu dans la précipitation. Il y a eu une grosse averse avant la course et j’ai pris l’option d’un pneu étroit mais trop léger. A Champéry, j’ai pris un clou donc là c’est vraiment la pure malchance. A Windham et à Mont-Sainte-Anne, c’est encore la malchance qui a frappé. J’ai pris des pierres aux mauvais moments.

Et pendant tout ce temps, les jeunes poussent derrière, on image que tu suis de près leur évolution ?
C’est logique qu’une nouvelle génération arrive. Certains confirment, d’autres un peu moins. Je pense à Burry Stander, qui a fait une superbe saison l’an dernier, cette année un petit peu moins. Nino Schurter a confirmé pour sa part qu’il faisait partie des meilleurs. Malgré tout, on voit que l’ancienne génération, la mienne, n’est pas non plus finie. José-Antonio Hermida a gagné le Championnat du Monde, ça témoigne d’un duel entre toutes les générations. Je pense que c’est hyper intéressant. L’année a été passionnante avec beaucoup de vainqueurs différents. Le public a dû se captiver devant la Coupe du Monde, c’est bien car il y a beaucoup de bagarre et ça se joue à peu de choses.

La rivalité que tu évoques entre deux générations peut-elle nous tenir en haleine jusqu’en 2012 et les Jeux Olympiques ou l’une va-t-elle prendre le dessus sur l’autre ?
J’espère. Le sport aussi évolue, on voit des circuits différents, plus courts, plus nerveux, où justement rien n’est joué car il devient plus difficile d’y faire la différence. Les ascensions sont plus courtes. Et la tactique entre de plus en plus en jeu dans la compétition. On a vu beaucoup d’arrivées au sprint. Il faut aussi s’adapter à ces nouveaux formats de compétition.

En ligne de mire, il y a toujours pour toi les Jeux de Londres, mais tes ambitions ont-elles évolué par rapport à l’année dernière ?
Non, l’ambition reste la même, c’est d’essayer d’obtenir un troisième titre olympique. C’est toujours ma philosophie : quand je m’aligne sur un départ de course, c’est toujours pour essayer de gagner. Cette année, j’ai encore été performant, et l’objectif c’est de rester au top jusqu’en 2012 pour les Jeux Olympiques.

A 30 ans maintenant, tu estimes donc pouvoir encore remporter de grandes compétitions internationales…
Bien sûr. Cette année je n’ai pas eu le moindre souci au niveau de la forme, toutes mes contreperformances sont dues à des soucis techniques. J’espère maintenant ne pas connaître d’ennuis physiques les deux saisons prochaines. Le VTT est un sport à risques, et j’ai été pas mal épargné par les chutes durant ma carrière. A Mont-Sainte-Anne, ce n’était que la deuxième fois que je me blessais en quinze ans de carrière ! Je touche du bois donc j’espère garder cette bonne étoile au-dessus de moi.

En raison de cette chute au Canada, tu n’as pas été en mesure d’accrocher un cinquième titre de champion du monde. La victoire de José-Antonio Hermida a-t-elle atténué ta déception ?
Ca m’a fait plaisir que ce soit lui qui gagne. Je m’entends bien avec lui, c’est un pote avec qui j’ai passé pas mal d’années. Chez Scott d’abord, chez Bianchi ensuite. C’est bien et puis ça prouve que cette génération est toujours performante. Je pense qu’on a un beau champion du monde.

Quel sera ton programme l’année prochaine ?
Grosso modo la même chose que cette année mais avec une priorité pour les Championnats du Monde de Champéry. Je ne me suis pas encore penché à fond sur le planning de la saison 2011. Je prends un peu de temps déjà pour souffler, passer un hiver tranquille, puis j’aurai bien le temps de plancher sur le calendrier. J’en ai vu les grandes lignes. La Coupe du Monde va être un peu plus difficile l’année prochaine avec une manche en plus et une organisation un peu bizarre. Il va falloir être prêt assez tôt pour l’ouverture en Afrique du Sud, après il y a un petit break, puis les manches européennes… Ca ne va pas être évident de gérer les pics de forme.

Ton hiver passera par un programme plus dense en cyclo-cross ?
Oui, je vais commencer dès la fin du mois d’octobre puis tout le mois de novembre et peut-être aussi début décembre. Je vais participer aux deux premières manches du Challenge National, la première en Alsace à Saverne, près de chez moi dans les Vosges, la seconde à Miramas, proche de Fréjus. Je risque d’être un peu juste pour la première épreuve, qui sera sans doute ma première compétition depuis les Mondiaux de VTT. J’essaierai cependant de marquer des points pour avoir une grille de départ correcte à Miramas. Là, j’aurai eu tout le mois de novembre pour travailler et monter en pression. J’aurai un niveau correct et j’essaierai pourquoi pas de faire quelque chose de bien.

Une autre discipline à laquelle on pense, c’est la route, sur laquelle s’est lancé Jean-Christophe Péraud. As-tu suivi son actualité cette année ?
Oui, comme je suis un petit peu toute l’actualité des vététistes sur la route. Jean-Christophe a vraiment bien marché sur le début de saison. C’est vraiment dommage qu’il soit tombé malade au Dauphiné et qu’il n’ait pas pu participer au Tour. Je crois qu’on aurait tous bien aimé le voir au Tour de France. Je pense qu’il y sera l’année prochaine et on le suivra. Ca me fait plaisir de voir que les vététistes ont leur place sur la route et sont capables d’y faire de grandes choses.

Mais pas toi ?
Les vététistes font de bons grimpeurs sur la route mais moi je me fais plaisir en VTT. Je fais mon sport par passion et j’ai la chance d’en faire mon métier. Je ne trouverais pas cette même passion et cette même envie sur la route. J’aime bien la route mais j’y trouve moins de plaisir donc faire toute une saison je pense que je me lasserais.

Propos recueillis à Fréjus le 12 octobre 2010.