Ils sont les auteurs de remarquables clichés qui embellissent le sport en général et le VTT en particulier. Des photos saisissantes dans des spots extraordinaires qu’on ne se lasse jamais de contempler. On oublie pourtant trop souvent qu’il y a un professionnel derrière l’appareil. Ces hommes de l’ombre, Manu Molle et Olivier Wiedemann en font partie. Manu Molle fait de la photographie depuis vingt-cinq ans. Son activité se partage entre la presse (magazines VTT…), les marques (catalogues), les stations de ski et une boutique dont il est le patron à Risoul. De son côté, Olivier Weidemann est photographe depuis 1995, spécialiste à la base du BMX, puis initié au VTT, au motocross et à la voiture. Il réalise notamment des catalogues et des publicités. Cette fois, ce sont eux que nous avons voulu mettre sur le devant de la scène.

Manu et Olivier, quel est votre cursus à la base ?
Manu Molle : J’ai fait un CAP de photo puis je m’en suis éloigné avant d’y revenir en créant une boutique et en découvrant le filmage sur le bord des pistes. Ca m’a éclaté. J’ai créé des boutiques photos à Guillestre, à Vars et à Risoul.
Olivier Weidemann : J’ai fait un bac électrotechnique puis un BTS audiovisuel. J’ai commencé à faire des photos par hasard.

Comment êtes-vous arrivés à la photo VTT ?
Manu Molle : J’étais en contrat avec la station des Orres quand un jour j’ai assisté à un record de vitesse sur neige sur un tandem à quatre avec Christophe Moreira. A partir de là ça s’est enchaîné et j’ai commencé à travailler pour les magazines en essayant de travailler pour tous les magazines et non pas un en particulier. A côté de cela, j’ai pas mal travaillé sur le ski, les courses à pied, le trail et beaucoup de photos de montagne…
Olivier Weidemann : Je faisais le catalogue BMX pour Sunn, qui était à l’époque le plus gros team. J’ai suivi sur le VTT. En dehors du vélo, je fais surtout le deux roues même si j’ai fait une excursion rapide dans le football.

Vous ne faites pas non plus que des photos de sport ?
Manu Molle : Comme je suis en contrat avec la station, je fais aussi des photos des paysages quand il neige avec le panoramique, des concerts organisés dans la station, et même des photos scolaires voire des photos de mariage, par obligation plus que par passion !
Olivier Weidemann : Tout m’intéresse en général, je ne suis arrêté sur rien. Le deux roues, c’est le commerce. Mais j’aime autant faire du studio que de la macro ou du paysage.

Qui dirige une séance photos avec un sportif : le sportif ou le photographe ?
Manu Molle : Ca dépend si le photographe connaît le sport. Ce qui est intéressant c’est de travailler avec des gens qu’on connaît de manière à les laisser s’exprimer. Quand on ne passe pas suffisamment de temps avec le sportif, on a tendance à devenir dirigiste.
Olivier Weidemann : La photographie, c’est un peu comme un acte amoureux ! Il faut faire connaissance avec la personne. Si c’est un sportif, le laisser pratiquer son sport, s’en imprégner pour faire des photos plus ou moins personnelles. Ce qui est intéressant quand on photographie du sport, c’est de travailler sur des choses précises, techniques, personnelles. C’est un partage : chacun est libre de s’exprimer mais les deux savent ce qu’ils veulent. Et chacun s’apporte mutuellement.

Vous n’avez jamais de cahier des charges ?
Manu Molle : C’est un sport dans lequel il faudrait s’encadrer de pas mal de métiers différents mais c’est à toi de faire tout : les repérages, les renseignements… Ce que les gens nous demandent, c’est d’avoir des idées et pas d’être passifs.
Olivier Weidemann : Le cahier des charges, c’est de ramener des images. Après, ça évolue selon ton style et la motivation des gens.

Quelle relation entretenez-vous avec les pilotes lors d’une séance ?
Manu Molle : Tout dépend du temps que l’on a et le problème c’est qu’on a rarement du temps. Il faut arriver à aller vite. Quand on connaît le pilote, ça va très vite car les gars savent ce qu’ils veulent. Mais quand on ne connaît pas, c’est un défi intéressant à relever. Il faut tâcher de ne pas rester toujours sur les mêmes schémas.
Olivier Weidemann : Tout dépend à quel niveau tu évolues. Parfois on décide d’aller faire une photo sur une bosse sans se poser la question parce qu’on sait qu’on peut le faire. Mais il faut connaître les capacités du mec qui va rouler. Nous sommes là pour les servir, s’adapter très vite à ce qu’ils demandent. Parfois on peut ne faire qu’une seule prise parce qu’on sait que c’est dangereux et qu’on ne veut pas qu’ils prennent de risque. Il y a un rapport de confiance.

Quel sport est le plus photogénique ?
Manu Molle : Pour moi, le plus photogénique mais aussi l’un des plus durs à photographier est la cascade de glace. C’est super mais c’est éphémère et dangereux, ce qui en fait tout le charme.
Olivier Weidemann : Tout ce qui est un peu extrême comme le saut en parachute, la plongée sous-marine, mais je ne le pratique pas. C’est plus impressionnant par la préparation, où il faut devenir quelqu’un d’autre.

Qu’est-ce qu’une belle photo ?
Olivier Weidemann : C’est comme tout, les goûts et couleurs ne se discutent pas. Une belle photo, c’est personnel et émotionnel : elle peut te parler à toi mais pas à quelqu’un d’autre. Je trouve intéressant quand quelqu’un prend de l’émotion sur l’image.

Quel regard portez-vous sur la presse sportive ?
Manu Molle : Avec l’arrivée du numérique, nous avons un peu le sentiment d’être un peu dépréciés par rapport au support. Tout le monde a un appareil numérique, tout le monde se croit capable de faire la même chose que nous, sauf que beaucoup de gens ne se rendent pas compte du travail effectué en amont. Nous sommes dans une société de consommation de l’image. On voit plein de choses sans en prendre la mesure. C’est ce qui nous gêne par rapport à l’argentique d’autrefois, quand le savoir était partagé entre quelques pratiquants assidus.
Olivier Weidemann : La presse sportive ne m’intéresse pas à partir du moment où tout le monde, dans un stade, est côte à côte. A Rolland Garros, tu ne peux même plus bouger, il y a cinquante mecs autour de toi et tout le monde fait la même image. Avant, on pouvait se balader partout pour faire des images différentes. Aujourd’hui nous sommes parqués et formatés. C’est très dur de sortir du lot pour les sports conventionnels.

Manu, que penses-tu d’Olivier ?
Manu Molle : Je le connais depuis longtemps. Il sait ce qu’il sait faire et il reste lui-même. C’est appréciable sur le terrain. Nous sommes pareils, nous avons un peu de bouteille donc nous sommes un peu difficiles, un peu exigeants. Ca nous permet de faire des trucs pas mal.

Olivier, ton avis sur Manu ?
Olivier Weidemann : J’ai rencontré Manu par hasard à Vars. Pour moi, c’est plus un photographe-artisan à l’ancienne, un photographe de proximité dans une région. Je ne suis pas du même genre mais au final nous nous retrouvons sur les mêmes terrains. Nous avons la même philosophie sur la photographie et nous sommes complémentaires.

Propos recueillis par Jean-Eric Lacotte à Chypre.