Michel, peut-on dire au vu des résultats que vous êtes le manager de l’année ?
Team manager de l’année ? J’ai fait l’année comme j’ai fait les autres. Sauf qu’on a eu une athlète exceptionnelle. Mais il n’y a rien eu de plus. J’ai travaillé comme avant.

C’est votre quinzième année en tant que team manager. Qu’est ce qui a le plus changé selon vous ?
Quand je suis arrivé, il y avait beaucoup d’argent dans le VTT. On est passés très vite à un point où tous les teams n’avaient plus beaucoup d’argent. Il n’y avait plus beaucoup d’investissement. Depuis un an ou deux, on sent qu’il y en a de nouveau. Je le remarque sur les Coupes du Monde. On sent qu’il y a de l’investissement de la part des marques. On voit des gros camions comme Cannondale, Specialized etc. Ça n’existait pas il y a deux ou trois ans. Les marques réinvestissent dans le cross-country. Où est la vérité ? Les marques disent qu’elles arrêtent le cross-country pour faire de l’enduro. Je pense que le cross-country a toujours sa place. En France, Julie Bresset, Stéphane Tempier, Maxime Marotte sont médiatiques et attirent les jeunes. Le cross-country a encore un bel avenir. Des marques comme BH et Suntour investissent et y croient.

Le succès de Julie Bresset peut-il amener un public familial et féminin au VTT ?
Quand je vois l’engouement qu’il y a sur le Roc d’Azur pour les séances de dédicaces. Il y a énormément de petits, garçons et filles, qui sont devant Julie et qui ont presque la larme à l’oeil… Les parents nous disent qu’ils ont regardé les Jeux Olympiques à la télé et que depuis, ils ne parlent que de VTT, que de Julie. Elle sera le porte-drapeau du VTT, c’est certain. Elle est toujours souriante et tellement gentille. Sur le Roc, on a dû arrêter les séances de dédicaces ! Elle n’a pas arrêté de signer. Julie c’est vraiment un phénomène, c’est sûr.

Si vous deviez définir Julie Bresset en trois mots, ce serait…
La classe. On ne sait pas où sont ses limites. Sa gentillesse. Et vraiment depuis cette année son professionnalisme. Elle a compris qu’il fallait l’être à tous les niveaux : sur la technique elle nous pose de plus en plus de questions, sur la diététique, etc. Ce qu’elle n’avait pas incorporé jusqu’à l’année dernière.

Jusqu’où peut-elle aller ?
Je pense qu’elle ira jusqu’à Rio sans aucun problème. Après, je ne sais pas. Le vélo ce n’est pas sa vie. Elle ne conçoit pas d’aller rouler et de rentrer chez elle. Il faut qu’elle s’occupe. C’est pour ça qu’elle travaille au Conseil Général des Côtes d’Armor et qu’elle fait plein de choses à côté. Elle peut aller jusqu’à 35 ans comme elle peut s’arrêter à Rio, on ne peut pas savoir.

Vous accueillerez Stéphane Tempier la saison prochaine, vous élargissez votre cercle de champions…
Le plus compliqué cette année a été de réunir les fonds pour garder Julie. Ça a été un travail qui a commencé dès le 12 août et qui a été assez compliqué dès le départ parce qu’on ne connaissait pas les offres de la concurrence. Dès qu’on a connu les vraies offres (parce qu’il y a eu beaucoup de fausses offres, c’est spécifique au monde du vélo) mes deux sponsors principaux, BH et Suntour, se sont tout de suite alignés dessus. Donc ça a été relativement rapide. Quant au recrutement de Stéphane Tempier, c’est d’abord lui qui m’a contacté. Ce n’est pas moi qui suis allé le chercher chez Bianchi. Pas du tout. On a demandé une petite rallonge à nos sponsors. C’était d’abord une idée de Stéphane de venir courir avec Maxime Marotte et cela faisait deux ou trois ans que Maxime me demandait d’avoir un autre Elite avec lui. Tout s’est bien goupillé.

Vous étiez au courant des offres faites à Julie Bresset ?
Julie a un agent donc tout passait par lui. Quand il recevait une offre, il me la communiquait et quand je pouvais m’aligner, je lui disais. Donc ça s’est passé uniquement par son agent. En sachant que Julie me téléphonait régulièrement pour avoir des nouvelles. Parce que Julie est très attachée au team. Elle me demandait si je suivais toujours et s’il n’y avait pas de problème.

On a parlé d’offres allant de 600 à 750 000 euros…
Ce sont des bruits qui ont couru, comme toutes les rumeurs qu’il y a dans le vélo. Pourquoi pas un million d’euros ? Tout ça, ce n’étaient que des bruits. On a eu une seule vraie offre qui ne se situe pas à ce niveau là.

Comment vos sponsors ont réagi pour s’aligner ?
BH et Suntour ont toujours été à 50/50 dans le team. On savait où était l’offre et on la répartissait sur les deux.

Avez-vous demandé à vos autres sponsors de faire un effort ?
Les sponsors qui nous aidaient matériellement et financièrement ont tous été sollicités un peu plus haut que d’habitude. Mais pas dans des proportions aussi fortes que BH et Suntour. On n’a pas demandé de doubler la mise à nos sponsors matériels. On a demandé 10-15% d’augmentation, guère plus. Avec quelques changements de marques. On passe en roue Mavic et en pneus Michelin.

De quelle proportion votre budget augmente-t-il ?
Je n’ai pas encore fait tous les comptes. Il me reste encore des contacts avec du sponsoring. Mais c’est grosso modo multiplié par 2,5. On va se retrouver avec un budget entre 800 000 et 1 million d’euros.

Connaissez-vous déjà votre effectif ?
Il est arrêté à 80%. On a encore quelques contacts. On va changer quelques noms. Ruben Scheire n’est pas conservé. On va avoir cinq coureurs sur la Coupe du Monde régulièrement. Julie, Lucie (Chainel), Max et Steph. On a aussi recruté le champion d’Espagne Espoir, Pablo Rodriguez. C’était la volonté de BH d’avoir un coureur Espagnol depuis plusieurs années. On n’avait pas la volonté de prendre des coureurs qui sont sur le circuit actuellement. Donc on a cherché un jeune. Et cet Espagnol est un vrai espoir.

Et pour les autres ?
On aura nos cinq pilotes en Coupe du Monde. Pour les Coupes de France, on aura Laura (Metzler) et Hélène (Marcouyre) pour le marathon. On est encore sur un ou deux coureurs pour disputer des courses uniquement en France. Laura avec son métier ne peut plus se déplacer à l’étranger.

Lucie Chainel va donc enchaîner le VTT après la saison de cyclo-cross…
Elle va faire la saison de cyclo-cross complète. La grosse différence pour l’année prochaine, c’est que la Coupe du Monde commence début mai, contre mi-mars cette année. Elle va avoir une bonne récupération. Ça va changer par rapport à cette année où elle a terminé la saison fatiguée. L’année prochaine, elle va avoir plus de deux mois entre la fin de saison de cross et le début de celle en VTT.

Elle n’est pas prévue pour le calendrier national ?
Ce sera complètement international. Elle va essayer de faire des top 10. Elle s’en est approchée cette année. Et les championnats du Monde et les championnats d’Europe.

Toujours est-il que vous avez sans doute les deux meilleures filles et presque les deux meilleurs garçons…
C’est sûr que vu des teams extérieurs, ça paraît beaucoup. Mais quand Lucie a recommencé le VTT en début d’année, tout le monde rigolait un peu en disant qu’elle n’en avait plus fait depuis cinq ans, qu’elle était championne de France de cyclo-cross. On l’a fait progresser pour arriver au niveau où elle est. Les autres pouvaient le faire. Ou ils auraient pu le faire. Ensuite, les deux meilleurs garçons, pas encore. Parce que Julien Absalon sera encore là l’année prochaine. Max et Steph, ce sera une très bonne paire. Ils voulaient courir ensemble. J’appréhende tout ça très bien. Je vais peut-être faire des jaloux dans les autres teams, mais en 15 ans sur le circuit, je n’ai jamais envié personne. Quand un team a de bons résultats, je suis content pour lui. J’espère qu’on fera pareil pour moi.

Au niveau du matériel, vous ferez la transition vers le 29″ ou vous choisirez en fonction des parcours ?
On est surtout en transition vers le 27,5″. Le 29″, ni Max, ni Steph n’en veulent. Pour Julie, encore moins, on n’en parle même pas… Elle est sur son 26″, elle ne veut pas en changer. Mais on a le 27,5″ qui va arriver au mois de janvier. Max et Steph vont passer au 27,5″, c’est sûr et certain. Pour Julie, elle attend de l’essayer, mais elle est très bien sur son 26″.

Mavic va donc développer des roues de 27,5″ spécialement pour vous ?
On va toucher les premiers protos Mavic en 27,5″ vers la mi-janvier. La gamme commerciale ne sera que pour 2014 donc on ne roulera qu’avec des protos cette année.

Pierre Lebreton est arrivé cette année. Comment répartissez-vous les rôles ?
Lui est terrain à 100%. Il s’occupe de tout ce qui est course, tactique, diététique auprès des coureurs. Il gère aussi ce qui est internet et communiqués de presse, pour envoyer les photos à tous les sponsors. Il est déjà très occupé avec tout ça (rires).

Et pour vous ?
Team Manager comme je suis arrivé aujourd’hui, je pense que c’est être un bon commerçant. Je l’ai été 28 ans de ma vie. J’ai toujours su négocier avec les fournisseurs. Je fais la même chose avec les sponsors. C’est mon rôle principal dans l’équipe de réunir le budget. Le team a toujours été une grande famille. Si Max reste avec nous depuis qu’il est venu, c’est qu’il se sent bien. On forme une grande famille. C’est ce qui est toujours ressorti de chez nous. Et c’est toujours ce que j’ai voulu. C’est la première année que Pierre est avec moi. Avant, je faisais tout tout seul. Pierre correspond à ce que je recherchais. Le vélo, c’est une petite famille, pas comme l’automobile. Je suis né dedans. Quand quelque chose se dit, tout le monde le sait, c’est un petit cercle. Je ne me vante pas de dire que je connais tout le monde dans le milieu, mais pas loin…

Propos recueillis à Fréjus le 14 octobre 2012.