Tout l’été, Vélo 101 célèbre les anniversaires : les 20 ans de l’Etape du Tour, la 50ème édition du Tour de l’Avenir, la 100ème édition du Tour de France, les 20 ans des Championnats du Monde de VTT à Métabief, la 30ème édition du Roc d’Azur…

Olaf, ton premier Roc ne s’était pas très bien passé. Raconte-nous.
C’était en 1988. J’avais chuté et c’est la plus grosse chute que j’ai connue en VTT. Je n’avais pas terminé l’édition. J’étais aux alentours de la 8ème place et je remontais les places une à une. J’ai atteint la 5ème place, j’ai vu Patrick Hosotte juste devant moi et je voulais le rattraper. J’ai pris des risques dans une descente, mais à l’époque, bien sûr, on n’avait pas de fourches à suspension. À cause des secousses et des vibrations, sur la fin, je n’avais plus de force dans les poignets. J’ai fini par lâcher le guidon dans une descente dans les cailloux et je suis tombé sur une dalle de granit en m’esquintant les mains et les coudes. Je suis remonté sur le vélo, j’ai quand même essayé de poursuivre. Mais je ne pouvais vraiment pas tenir le vélo et je me suis arrêté au bout de 300 mètres. J’avais les mains en sang.

Comment avais-tu rallié l’arrivée ?
Je me suis arrêté sur le bord du chemin. Il y avait un agriculteur qui était dans ses vignes et qui regardait la course. Quand il m’a vu en sang, il m’a dit qu’il allait me ramener au départ. Il avait une 2 CV camionnette. J’ai mis mon vélo à l’arrière et il m’a ramené. J’ai vu un médecin qui m’a alors recousu. Il a passé beaucoup de temps, car c’était tout haché ! J’ai reçu une dizaine de points de suture. Je n’ai pas dormi lors des deux-trois nuits qui suivaient. J’ai souffert comme rarement dans ma vie à cause de cette chute au Roc d’Azur. J’ai encore les cicatrices et l’os du coude en a gardé les séquelles.

Tu t’étais bien remobilisé pour l’édition suivante que tu remportes.
Oui, après mon pire souvenir de VTT je prends ma revanche en 1989 puisque je gagne. Je m’étais encore retrouvé avec les frères Hosotte, Patrick et Jean-Paul, dans le dernier tiers de la course. On était encore ensemble avec un Suisse qui va finalement terminer 2ème. C’était encore à Ramatuelle à cette époque et on avait une longue descente pour arriver sur le bord de mer. On prenait alors le sentier du littoral, mais pour y arriver, il y avait un long portage de plus ou moins 200 mètres. Et comme je viens du ski de fond, j’étais plus à l’aise que les autres en portage à pieds. C’est là que j’ai fait la différence, avec le vélo sur le dos. Ils ne m’ont pas suivi et j’ai pu creuser l’écart. J’ai fait le sentier du littoral seul pour arriver devant.

1989, c’est aussi la première édition du Roc féminin avec la victoire de Nathalie Segura. Quels souvenirs en gardes-tu ?
Je n’ai pas de souvenir d’elle en particulier sur cette course-là, mais je me souviens de la première fois que je l’avais vue arriver, en Coupe de France en 1989. Elle avait gagné aux Rousses, dans le Jura, et était montée sur le podium en mini-jupe avec un blouson en cuir. À côté d’elle, Sophie Eglin était habillée en cycliste. Ça avait étonné tout le monde : ce contraste entre cette blonde en mini-jupe dont on ne savait plus trop si elle était mannequin ou cycliste et Sophie avec sa tunique de cycliste. Elle était d’ailleurs très mal à l’aise. D’abord parce qu’elle avait été battue, et aussi parce que cette fille montrait toute sa féminité alors que Sophie était toute crottée. Depuis ce jour-là, les podiums des filles ont toujours été une démonstration de féminité. Elles montaient sur le podium bien habillées, pomponnées, nettoyées, etc. Son Roc d’Azur couronnait sa belle année puisque c’était à l’époque la finale du Championnat de France.

Y a-t-il une autre édition qui t’ait marquée ?
Oui, celle de 1990 où il avait beaucoup plu juste avant la course. On partait alors en courant sur la plage de Ramatuelle puisqu’on ne pouvait pas rouler sur le sable. C’était un départ original. Pour traverser la forêt, il fallait passer dans un marais. On avait de l’eau jusqu’à la taille ! On portait les vélos au-dessus de la tête pour éviter de les mouiller d’entrée de jeu et pour que la chaîne soit sèche pour le restant de la course. En plus, c’était assez long puisque ça durait tout de même une cinquantaine de mètres. Passé le marais on pouvait remonter sur le vélo. Les chemins étaient beaucoup plus difficiles que d’habitude à cause de la pluie. Il y avait quelques passages très boueux avec de grosses bassines d’eau.

À combien de Roc d’Azur as-tu participé ?
J’ai continué pendant une dizaine d’années et ma dernière participation remonte à 1999. Sur les derniers, j’arrivais souvent fatigué en fin de saison. Je n’ai jamais fait de performances sur ces années-là. Je n’étais plus vraiment motivé. C’était pour le plaisir d’y être, bien sûr, mais surtout parce que c’était notre dernière échéance, avec le salon, et les sponsors. On devait se vendre pour trouver un team pour l’année d’après. Tout se décidait au Roc d’Azur. Il fallait bien marcher, ça aidait, mais il fallait surtout être présent pour rencontrer les sponsors. Donc, on était au Roc d’Azur parce que c’est la course emblématique du VTT, mais aussi parce que commercialement, on se devait d’être présents.

Dirais-tu que cette dimension sportive s’est perdue depuis ?
En partie. Encore aujourd’hui, il y a beaucoup de pilotes qui sont motivés pour gagner, même s’ils viennent plus décontractés sur la Côte d’Azur. Il y a aussi ceux qui veulent améliorer leurs performances par rapport à l’année précédente. Déjà à l’époque c’était un peu comme ça. Je me souviens des descendeurs qui venaient participer décontractés, mais eux aussi venaient pour trouver une place dans une équipe.

Es-tu retourné sur le Roc après 1999 ?
Non, je n’y suis jamais retourné. J’ai coupé avec le VTT, je n’ai pas refait de courses par la suite. J’ai beaucoup voyagé et j’ai commencé à travailler. Je me suis désintéressé du vélo après. J’ai passé le cap et je me suis intéressé à autre chose. Tout au long de ma vie, je suis passé de l’une à l’autre chose. Quand j’ai arrêté le VTT, c’était pour voyager. On peut difficilement tout faire en même temps. Mais j’aime toujours le vélo ! J’en fais encore, je viendrais volontiers au Roc d’Azur, mais de là à mettre un dossard… L’esprit compet’ m’a un peu passé. J’en ai fait beaucoup, dès l’âge de 4 ans. Arrivé à 30 ans, je n’en ai plus eu l’envie. Mais je serais ravi de revenir au Roc pour voir comment il a évolué. Il y a eu un temps pour le vélo, il y a un temps pour autre chose.