Pendant les Jeux Olympiques de Londres, Vélo 101 part à la rencontre d’athlètes olympiques ou d’anciens champions pour découvrir leur attachement pour le cyclisme. Le célèbre navigateur baulois aux multiples succès est actuellement à Londres pour deux jours. Demain, il ira découvrir les épreuves du cyclisme sur piste au London Velopark.

Loïck, vous êtes à Londres pour les Jeux Olympiques, quel y est votre programme ?
Je suis venu à Londres pour deux jours, invité par Banque Populaire. Je découvre les Jeux avec un grand plaisir. De l’extérieur, à la télévision, c’est déjà fabuleux. Je suis scotché sur le Net depuis une semaine, là on voit ça de l’intérieur donc c’est très bien. La voile ne se dispute pas sur la Tamise, bien qu’on ait réussi à naviguer jusqu’ici depuis pas mal de siècles. Pour les Jeux c’était trop difficile. Je n’irai donc pas la voir mais j’irai voir de l’athlétisme aujourd’hui et du cyclisme sur piste demain.

Vous suivez des athlètes en particulier sur la piste ou en cyclisme ?
Non, pas vraiment. Je suis un pique-assiette ! J’aime regarder ce qui est joli, et pas forcément ceux qui gagnent. J’ai suivi ces derniers jours les premières rencontres franco-britanniques et les Britanniques ont été assez supérieurs, ça s’est vu. Un peu tricheurs apparemment mais il paraît qu’on a le droit… L’esprit des Jeux est assez passionnant. Je suis, comme la plupart des gens, toujours intéressé par regarder des sports « mineurs », qu’on ne regarde pas en dehors des Jeux.

Les Jeux Olympiques, est-ce un manque à votre palmarès ?
Pas du tout. C’est différent. Il existe beaucoup de sports dont l’excellence passe par les Jeux, mais d’autres s’en passent aisément. Dans le cyclisme comme par ailleurs, beaucoup de rendez-vous majeurs ne passent pas forcément par les JO. Il y a un esprit génial, une sorte d’abnégation pendant quatre ans. Mais c’est pareil pour moi quand je prépare un Vendée Globe pendant quatre ans, et que je démâte au bout de deux semaines de mer. J’ai la même déception que quelqu’un qui ne gagne pas alors qu’il s’est préparé. L’engagement est le même, mais au moment où j’avais l’âge de préparer les Jeux je faisais mes premières transats en solitaire.

Vous avez un souvenir cycliste marquant ?
Je suis issu d’une famille qui n’a pas forcément la fibre sportive. Un souvenir marquant, ce serait donc d’avoir suivi une étape du Tour avec Gérard Holtz, dans sa voiture, il y a une dizaine d’années. C’était assez génial car on était au contact de la course, et on vit alors le Tour de manière incroyable.

Ça vous a donné envie de vous mettre au vélo ?
Je m’y suis un petit peu, avant une Route du Rhum. J’avais décidé de bien me préparer. On a besoin essentiellement de foncier dans notre discipline, dans laquelle le gabarit ne fait toutefois pas la différence, et ça nous arrange ! En revanche l’endurance est fondamentale. J’ai donc chez moi un très joli vélo Look, tout jaune, qui crie depuis le garage pour que je vienne le taquiner, mais je ne suis malheureusement pas très sérieux à ce niveau.

Stéphane, votre frère, était plus branché vélo que vous ?
Exactement. Stéphane roulait beaucoup, il en fait un peu moins. Bruno n’a jamais dû rouler. Quant à moi j’ai dû faire deux fois 80 bornes. Pourtant à La Baule c’est tout plat, et d’ailleurs ça roule pas mal. Mais le fait d’en parler, ça va me remotiver !

La dimension physique est-elle importante dans la voile ?
Elle est importante, comme partout, mais pas primordiale. Ce n’est pas pour rien qu’à 53 piges je gagne encore des courses face à de petits jeunes qui seront peut-être médaillés demain. Evidemment ces mêmes mômes ne feront jamais le tour du monde en solitaire. La voile est un sport extrêmement intellectuel, sur lequel il y a beaucoup d’anticipation à faire. Mais le physique ne rattrapera jamais une lacune intellectuelle.

Franck Cammas utilisait, sur son trimaran, un vélo destinée à monter sa grand-voile, qu’en pensez-vous ?
Le challenge fabuleux qu’il a réussi il y a deux ans, c’était de gagner la Route du Rhum en solitaire, sur un trimaran, un énorme bateau, qui n’avait jamais été conçu pour le solitaire. Le problème, ce ne sont pas les manœuvres, tant qu’on les anticipe, mais le temps que ça prend. Pour hisser la grand-voile qui pèse 400 kg, il faut agir sur un winch. A la main, on met une demi-heure. Il faut beaucoup de fond. Franck Cammas a essayé de le faire en vélo, et ce n’est pas nouveau. Agir sur le winch à la force des jambes avait déjà été fait sur la Coupe de l’America il y a trente ans. L’idée est pas mal, mais…

Mais ?
Le problème, c’est le déséquilibre permanent, l’orientation. Quand on est debout sur nos deux jambes et qu’on winche, on anticipe bien les mouvements et on se sert de l’inertie. L’autre souci, c’est qu’on essaie de hisser quelque chose, la traction n’est pas toujours la même, en raison de la force de la voile. Si c’était régulier on pourrait appliquer cette force avec les jambes. Et pour finir, Franck Cammas ne s’en est pas beaucoup servi.

Vous passionnez-vous pour le Tour de France ?
Beaucoup moins. Il y a de beaux moments, mais je suis toujours méfiant vis-à-vis des grandes épreuves cyclistes pour les raisons que l’on sait et qui se confirment tous les ans. C’est agaçant de porter aux nues des mecs pendant des années avant de découvrir qu’ils ne méritaient pas d’être là. C’est un mauvais exemple pour les jeunes. Ce n’est pas le seul sport touché mais l’un dans lequel c’est le plus visible, sans doute parce que c’est le plus dur. C’est dommage de gâcher cela, de gâcher les efforts colossaux de la grande majorité par des détails aussi sordides que ça.

Propos recueillis à Londres le 4 août 2012.