Nadia, comment as-tu débuté le cyclisme ?
J’ai débuté le cyclisme à 15 ans, j’ai commencé par la route et le cyclo-cross. J’y suis venue par le biais de ma famille qui, à l’époque, pratiquait le cyclisme en compétition : père, frère et oncles ! Avant de me mettre au vélo, je faisais de la course à pied en compétition et j’en ai eu marre de partir seule avec mon club sur les compétitions. J’ai eu aussi de gros problèmes de cheville. Donc je me suis lancée à fond dans le vélo. Mon premier club était le club de ma ville, le Cercle Sportif Artistique Raonnais. Mon premier entraîneur était Greg Balland.

En dix-sept années de carrière, quels souvenirs garderas-tu de toutes ces saisons ?
En dix-sept ans de carrière, mes meilleurs souvenirs resteront pour les courses par étapes mon Tour de France 2003, le Tour du Qatar 2009 et le Tour de Chine 2010. Et pour les courses d’un jour mon titre de championne de France sur route en 1999 à Charade, mon podium (3ème) en Coupe du Monde cyclo-cross en 2004. La liste est encore bien longue car j’ai beaucoup de bons souvenirs en dix-sept années, mais voilà les principaux. Des mauvais souvenirs, je n’en ai pas beaucoup mais j’en garde un en particulier, un gros qui aurait pu me coûter la vie. C’est ma grave chute au Tour des Flandres en 2005.

Tu es surtout connue pour tes résultats en cyclo-cross, quel a été ton parcours ?
Ma discipline favorite est le cyclo-cross, c’est là que je m’épanouis le plus. En plus, avoir allié études/compétitions et ensuite magasin/compétition, il m’était plus facile de gérer la saison de cyclo-cross que celle de route. Donc je pratiquais la route en préparation pour le cyclo-cross. J’ai évolué dans plusieurs équipes professionnelles, deux ans pour les Pruneaux d’Agen, un an pour l’équipe des Carroz avec Jeannie Longo et un an à Vienne-Futuroscope. Sur route, ce que j’adore, ce sont les courses par étapes : Tour de France, de Chine, du Qatar, de Thuringe, de la Drôme, du Limousin, de Bretagne, de Haute-Vienne, de l’Aude, de l’Ardèche… J’étais une coéquipière mais j’aimais ce statut, donc pas trop de résultats personnels mais collectifs. J’ai fait juste une année de VTT en 1999, et j’avais pris la 2ème place au Championnat de France à Vars et plusieurs podiums en Coupe de France. J’ai fait aussi de la piste, mais là je n’ai jamais accroché. Je n’ai jamais totalisé le nombre de victoires, ni le nombre de sélections en équipe de France. Au minimum une centaine !

Quels regard et jugement portes-tu sur le cyclisme féminin français et les difficultés d’en vivre ?
Ce n’est plus une question, c’est un débat… Malheureusement comme les médias ne nous suivent pas, les sponsors ne suivent pas et le public non plus. En France, il n’y a pas de vrai professionnalisme, comme c’est le cas aux Etats-Unis ou en Italie. Donc les filles qui veulent un peu gagner leur vie dans le vélo doivent partir à l’étranger. Mais le mieux pour gagner sa vie c’est de travailler et de ne pas pédaler. Pour moi, le vélo est une passion, pas un métier.

A ton niveau, était-il possible de ne vivre que de la pratique du cyclisme ?
A mon niveau, ne vivre que du vélo serait possible mais moi je suis une grande dépensière alors avec le vélo je n’ai pas assez ! Pour vraiment bien gagner sa vie, il faut travailler à côté.

Malgré ta régularité sur les épreuves nationales et ton ancienneté, tu n’as pas été retenue en équipe de France pour le Mondial de Saint-Wendel. Cette non-sélection a été décriée collégialement, comment la perçois-tu ?
Ma non-sélection au Mondial à Saint-Wendel a été la surprise pour tout le monde. Même pour l’entraîneur national Pierre-Yves Châtelon. Nous étions quatre titulaires de l’équipe de France toute la saison et on a fait toutes les manches de Coupe du Monde. La France avait un quota de cinq filles ! Mais pour raison budgétaire la Fédération a fait le choix de n’emmener que trois filles. C’est sûr que j’ai une dent contre Isabelle Gautheron, la DTN, et je ne m’en cache pas. Car même si je n’étais pas médaillable au Mondial, il y avait beaucoup d’arguments pour me sélectionner. Tout d’abord par une reconnaissance et un accompagnent de fin de carrière à la suite de mes douze années passées en équipe de France. Ensuite pour terminer ma carrière sportive sur un Mondial, qui s’organisait à 2h30 de chez moi. Enfin on avait une cohésion de groupe parfaite avec les trois autres filles, un peu à l’image des quatre mousquetaires.

Tu as pris la décision de stopper ta carrière de haut-niveau après la Coupe du Monde de Pontchâteau. Pourquoi ?
Ca faisait déjà quelques mois que j’avais décidé de mettre un terme à ma carrière, mais je l’envisageais après le Mondial de Saint-Wendel. Ceci pour des raisons professionnelles, car mon magasin me prend de plus en plus de temps, et que cela devenait trop dur physiquement et psychologiquement de concilier le sport de haut niveau, la vie professionnelle et la vie familiale. Et il faut bien arrêter un jour.

Vas-tu t’investir dans le cyclisme lorrain ?
Absolument pas ! Si j’arrête ma carrière, c’est pour avoir du temps à consacrer à ma famille et mon magasin.

Via ton magasin de cycles, en tant que femme, essaies-tu de favoriser les filles dans la pratique du cyclisme ?
Je possède et je gère mon magasin de cycles, http://cycles-triquet.fr, et j’essaie d’encourager et de motiver les filles à pratiquer le cyclisme, mais cela n’est pas évident. C’est un sport très dur, mais je me fais souvent complimenter pour mon physique alors ça c’est un atout supplémentaire ! Et comme je dis toujours, on peut être très féminine et souffrir sur un vélo. D’ailleurs j’ai toujours mis ma féminité en avant !

Propos recueillis par Jean-Baptiste Trauchessec.