Sur les pentes d’Albulapass, on a bien cru revivre l’ascension du Mont Ventoux du Paris-Nice 2008. Ce jour-là, Robert Gesink s’était révélé aux yeux du grand public en effectuant un vrai numéro de grimpeur. Seul Evans avait pu le suivre. Mais aujourd’hui personne n’a pu prendre la roue du Hollandais volant. La sixième étape du Tour de Suisse a donc enfin décanté une course qui, faute d’un parcours véritablement exigeant, s’en tenait à une simple déclaration de guerre orale entre têtes d’affiche. Il a fallu attendre le sixième jour, les 4760 mètres de dénivelé, et le col d’Albulapass pour assister enfin à la bataille.

Les Vacansoleil, eux, n’ont pas attendu le dernier col pour déclencher les hostilités. A la faveur du premier col de la journée, Brice Feillu, Marco Marcato et  Wouter Poels lancent l’échappée du jour. Avec eux, on retrouve sept coureurs. Deux coureurs d’Euskaltel-Euskadi, en la personne de Juan-José Oroz et Amets Txurruka, Alessandro Vanotti pour la Liquigas, Pablo Lastras (Caisse d’Epargne), Juan-Manuel Garate (Rabobank) et le Français Jérémy Roy pour le compte de la Française des Jeux. L’association est efficace, les relais appuyés tant et si bien que les hommes de tête conservent, au pied du dernier col, un bénéfice de 4’44 » sur un peloton gêné dans sa chasse par… un passage à niveau. Mais dès les premiers lacets de l’Albulapass, l’entente s’enraye. En force, Brice Feillu décide de s’extirper du groupe de tête. Un temps accompagné par le Tourangeau Jérémy Roy, le longiligne coureur préfère faire cavalier seul.

Les pourcentages élevés font également leur œuvre dans le groupe des favoris. Fabian Cancellara (Team Saxo Bank), l’un des premiers coureurs décramponnés, ne fait guère illusion. Saxo Bank qui grimace et Saxo Bank qui attaque. Une accélération d’Andy Schleck (Team Saxo Bank) favorise un premier écrémage dans le groupe des favoris. Le Luxembourgeois prend quelques mètres. Son équipier Jakob Fuglsang (Team Saxo Bank) ainsi que Robert Gesink (Rabobank), Roman Kreuziger (Liquigas-Doimo) et Matteo Carrara (Vacansoleil) le suivent dans sa démarche. Très vite, ce petit groupe creuse un écart d’une trentaine de secondes avec le reste des favoris restés au chaud dans le groupe Maillot Jaune. Pointé à 2’45 » de Feillu, ce peloton s’effiloche. A 10 kilomètres du sommet,  ils ne sont plus qu’une petite vingtaine d’unités à tenter de renflouer l’écart qui les sépare du groupe d’Andy Schleck.

Pour le leader du classement général, Tony Martin (HTC-Columbia), le coup est fatal. Esseulé dans la montée, l’Allemand cède définitivement son paletot jaune. Devant, Frank Schleck ramène avec lui la plupart des prétendants à la victoire, de Lance Armstrong (RadioShack) à Andreas Klöden (RadioShack), de Joaquin Rodriguez (Team Katusha) à Rigoberto Uran (Caisse d’Epargne). En réaction, Andy Schleck se lève sur les pédales. Une attaque violente qui laisse la plupart des favoris KO. Il ne faut pas longtemps à Robert Gesink, l’un des coureurs le mieux placé pour le gain du Tour de Suisse, pour réagir. Le Hollandais est le seul à tenter de revenir.

Devant, Feillu tangue. Il est repris puis déposé par Txurruka et Garate qui ont gardé le cap toute la montée. Mais l’espoir d’une victoire pour les deux Espagnols est de faible durée. Schleck accompagné de Gesink, revenu dans ses roues, effectuent la jonction avec les deux rescapés de l’échappée matinale. Peu de temps après, Gesink, décidément intenable, part seul. Andy Schleck ne peut réagir. Une fois le cadet rattrapé par le groupe des favoris, c’est l’aîné, Frank, qui entre en scène. En bonne position au classement général après sa victoire d’étape mardi, il tente de refaire son retard sur le coureur de la Rabobank, principal adversaire pour la victoire finale. Le Suisse Oliver Zaugg (Liquigas-Doimo) l’accompagne. Mais leurs efforts conjugués sont vains. Le match à distance entre Robert Gesink et Frank Schleck tourne court. Bouche grande ouverte, épaules qui dandinent, le Hollandais, dans son style si caractéristique, s’est envolé sur les rampes ensoleillées. Avec une minute de retard, Frank Schleck capitule devant le numéro du Hollandais. Au sommet, Gesink passe avec 1’20 » d’avance sur Carrara, Rodriguez, Zaugg, Frank Schleck et Lance Armstrong, passif mais dans le rythme depuis le début de la montée.

Les neuf kilomètres de descente voient une entente cordiale se former entre les favoris.  Seul Andy Schleck manque à l’appel. Le Luxembourgeois, passé en retard au sommet, a sans doute payé sa fougue. Malgré les quelques trajectoires maladroites prises par Robert Gesink, la descente vers La Punt ne change rien au scénario. A l’arrivée, Gesink ne cède qu’une trentaine de secondes à la meute conduite par Rigoberto Uran et Lance Armstrong. Sa victoire construite avec la manière lui donne une option sérieuse pour la victoire finale. Elle prouve, si besoin est, qu’il faudra compter avec le Hollandais sur le prochain Tour de France. Demain, la septième étape conduira les coureurs de Savognin à Wetspikon (204,1 km).

Classement 6ème étape :

1. Robert Gesink (HOL, Rabobank)
2. Rigoberto Uran (COL, Caisse d’Epargne) à 42 sec.
3. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) m.t.
4. Oliver Zaugg (SUI, Liquigas-Doimo) m.t.
5. Lance Armstrong (USA, RadioShack) m.t.
6. Matteo Carrara (ITA, Vacansoleil) m.t.
7. Steve Morabito (SUI, BMC Racing Team) m.t.
8. Frank Schleck (LUX, Team Saxo Bank) m.t.
9. Roman Kreuziger (TCH, Liquigas-Doimo) m.t.
10. Jakob Fuglsang (DAN, Team Saxo Bank) à 1’20 »

Classement général :

1. Robert Gesink (HOL, Rabobank)
2. Rigoberto Uran (COL, Caisse d’Epargne) à 29 sec.
3. Steve Morabito (SUI, BMC Racing Team) à 36 sec.
4. Frank Schleck (LUX, Team Saxo Bank) à 38 sec.
5. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) à 42 sec.
6. Matteo Carrara (ITA, Vacansoleil) à 54 sec.
7. Lance Armstrong (USA, RadioShack) à 55 sec.
8. Oliver Zaugg (SUI, Liquigas-Doimo) à 1’01 »
9. Jakob Fuglsang (DAN, Team Saxo Bank) à 1’17 »
10. Thomas Lovkvist (SUE, Team Sky) à 1’38 »