Tout avait pourtant mal commencé. Dans un virage à l’angle trompeur qui menait le peloton au pied de l’Atomium de Bruxelles, Mark Cavendish avait perdu le contrôle de sa machine et avait coupé la route à une bonne partie du peloton qu’il se mettait du même coup  à dos. A vrai dire, depuis un bon moment Cavendish ne maitrisait  ni son vélo, ni son image. Dans le tumulte d’une chute collective intervenue sur les routes helvètes au beau milieu du mois de juin, il avait suscité la haine de ses collègues. Ce dimanche 4 juillet, après une nouvelle chute, Cavendish était au fond du trou. Sorti de ses tourments, il s’était imposé à Cambrai, trois jours plus tard, pour vaincre une sorte de malédiction qui lui avait empêché d’empocher plus de trois petits succès depuis le mois de février. Dimanche 25 juillet, son compteur affiche 5 succès. Depuis son réveil, aucun sprint du peloton ne lui a échappé.

Le dernier coup de pub de Lance Armstrong n’a pas échappé non plus aux suiveurs. Au départ de Longjumeau, les coureurs de la Team RadioShack ont enfilé un nouveau maillot pour défendre la cause des malades du cancer et de la très lucrative entreprise Livestrong. Comme prévu par l’ « advertising agency » de Lance Armstrong, les commissaires sont passés par là et ont contraint les coureurs de l’équipe « made in USA » à changer de maillot. Bien content d’avoir réussi son coup médiatique, Armstrong revêt son ancien maillot, sourire aux lèvres, sous l’œil de caméras complices involontairement de ce coup de pub. La politique du buzz, le dernier avatar du règne de Lance Armstrong, qui ne pouvait s’empêcher de quitter cette Grande Boucle après 17 ans d’amour turbulent avec elle, sans passer par la simple case départ. Avant qu’une autre case ne l’attende, peut-être, un peu plus tard ,outre atlantique.

Une fois les choses rentrées dans l’ordre et la traditionnelle parade sur les routes de la capitale passée, une échappée se forme à l’entrée des Champs-Elysées. Onze coureurs battent le pavé parisien devant le peloton. Anthony Roux et Sandy Casar (FDJ), Christian Knees (Milram), Daniele Hondo (Lampre-Farnese Vini), Tony Martin (HTC-Columbia), Ruben Perez (Euskaltel), Nicki Sorensen (Saxo Bank), Rémi Pauriol (Cofidis), Karsten Kroon (Bmc), Christophe Riblon (AG2R La Mondiale), et Aitor Perez (Footon-Servetto). Les onze francs-tireurs se battent corps et âme pour avoir un mince espoir de voir leur initiative triompher d’un peloton fatigué. Mais les équipiers des sprinteurs ont le couteau entre les dents pour ce dernier rendez-vous parisien. La fusée Katusha pilotée par les patriotes Alexandre Kolobnev et Pavel Brutt se lance à la poursuite des resquilleurs. Et comme à la parade, les HTC-Columbia suivis par les Lampre entrent en pistent pour le dernier duel de ce Tour, celui du Maillot Vert. Alessandro Petacchi possède 10 points d’avance sur Thor Hushovd (Cervélo) et 16 sur Mark Cavendish.

Le mercenaire espagnol Carlos Barredo (Quick Step) se moque bien de l’affrontement entre les sprinteurs. Après que les onze échappés aient été repris, il prend le relai en tête de la course. Mais, seul contre une meute de gregarii surmotivés par l’évènement, il doit rentrer dans le rang à 2 kilomètres de l’arrivée. Les Champs s’offrent enfin aux sprinteurs. Les Cervélo ouvrent la voie à leur leader norvégien. Mais le colosse a décidément des pieds d’argile sur ce Tour. Lui comme Petacchi ne peuvent rien face au missile Cavendish qui s’extrait des premières places avec une vélocité stupéfiante. Petacchi franchit la ligne en seconde position.

La tunique verte est sienne après trois semaines de combat acharné. Quarante-deux ans que les transalpins attendaient un succès des leurs dans le challenge du meilleur sprinteur. Petacchi, lui, a attendu 7 ans pour revenir sur le Tour. Et au moment même où il signe son retour en grâce dans le gotha des meilleurs sprinteurs mondiaux, le Ligurien se retrouve au centre d’un mouvement sous-jacent venu d’Italie et qui pourrait, dans les semaines à venir, couper l’enthousiasme général qui règne en cette fin de Tour. Malmené par la justice italienne qui l’accuse d’avoir un rôle dans un trafic de produits dopants – dans lequel est impliqué le fidèle Lorenzo Bernucci (Lampre-Farnese Vini) qui était déjà à ses côtés en 2003 – Petacchi s’est offert un sursis bien provisoire avec ce Maillot Vert. Dès la semaine prochaine, il devra témoigner devant la justice italienne. Lui aussi pourrait bientôt se retrouver seul au monde.

Quant à Alberto Contador (Astana), il est monté sur le podium protocolaire avec la foulée du champion conquérant, mais toujours égal à lui-même, sans artifices. Dans un geste de dévotion à l’épreuve, il a brandit la coupe du vainqueur vers le ciel, avec le soulagement du chevalier qui vient de trouver le Saint Graal. En homme sincère, il a évoqué, devant le public massé sur l’avenue des Champs, ses doutes, son manque de confiance en lui, comme pour crier son humanité au public français afin qu’il ne lui réserve pas le même sort qu’il avait réservé à Lance Armstrong tout au long de son règne. Je ne suis pas un cannibale, je ne suis pas une machine, je suis humain et battable a semblé vouloir dire le Madrilène. Mais à l’heure des récompenses, le public avait fait son choix. Même dans la capitale, les sifflets nés dans les Pyrénées, persistaient ça et là et transpersaient le coeur de l’Espagnol, dont le visage trahissait le malaise. Au même moment, Andy Schleck, le second, était acclamé et le grand triomphateur du Tour s’est retrouvé bien seul sur la plus haute marche du podium.

 

 

Classement de l’étape 20:

1. Mark Cavendish (GBR, HTC-Columbia)
2. Alessandro Petacchi (ITA, Lampre-Farnese Vini)
3. Julian Dean (NZL, Garmin-Transitions)
4. Jurgen Roelandts (BEL, Omega Pharma-Lotto)
5. Oscar Freire (ESP, Rabobank)
6. Gerald Ciolek (ALL, Milram)
7. Thor Hushovd (NOR, Cervélo)
8. Matti Breschel (DAN, Saxo Bank)
9. Robbie McEwen (AUS, Katusha)
10.Daniel Oss (ITA, Liquigas-Doimo) m.t
Classement complet

Classement général final :

1. Alberto Contador (ESP, Astana)
2. Andy Schleck (LUX, Saxo Bank) à 39sec.
3. Denis Menchov (RUS, Rabobank) à 2’01 »
4. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel) à 3’40 »
5. Jurgen Van Den Broeck (BEL, Omega Pharma-Lotto) à 6’54 »
6. Robert Gesink (HOL, Rabobank) à 9’31 »
7. Ryder Hesjedal (CAN, Garmin-Transitions) à 10’15 »
8. Joaquin Rodriguez (ESP, Katusha) à 11’37 »
9. Roman Kreuziger (CZE, Liquigas-Doimo) à 11’54 »
10. Christopher Horner (USA, RadioShack) à 12’02 »
Classement complet

Classement par points :

1. Alessandro Petacchi (ITA, Lampre-Farnese Vini) 243 points
2. Mark Cavendish (GBR, HTC-Columbia) 232 points
3. Thor Hushovd (NOR, Cervélo) 222 points
4. Joaquin Rojas (ESP, Caisse d’Epargne) 179 points
5. Robbie McEwen (AUS, Katusha) 179 points
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7. Sébastien Turgot (FRA, Bbox Bouygues Télécom) 135 points

Classement du meilleur grimpeur :

1. Anthony Charteau (FRA, Bbox Bouygues Télécom) 143 points
2. Christophe Moreau (FRA, Caisse d’Epargne) 128 points
3. Andy Schleck (LUX, Saxo Bank) 116 points
4. Alberto Contador (ESP, Astana) 112 points
5. Damiano Cunego (ITA, Lampre-Farnese Vini) 99 points