C’est une journée de repos qui a commencé ordinairement à l’hôtel Mercure de Bourg-en-Bresse, où logent les équipes Cofidis et Euskaltel-Euskadi, légèrement à l’écart des autres formations du Tour de France regroupées sur Mâcon. Tandis que les mécaniciens s’affairaient dans la bonne humeur autour des vélos, sous un soleil déjà plombant, les coureurs descendaient tour à tour prendre leur petit-déjeuner. Chacun à son rythme. Puis le groupe a passé le cuissard, enfilé le maillot, enfourché sa monture pour une sortie de deux heures dans les forêts alentours. David Moncoutié a perdu la roue de ses coéquipiers dès le premier rond-point, concentré à régler son GPS. Alors il a poursuivi seul avant de recroiser sur la fin le chemin des autres coureurs de Cofidis, partis décrasser sans véhicule d’assistance, le groupe terminant sa sortie ensemble.

Ensemble ou presque. Deux heures avant que l’équipe n’aille tourner les jambes sur les routes de l’Ain, une intervention discrète, furtive, « professionnelle » dira Yvon Sanquer, allait bouleverser cette vie paisible. A 9h00, des hommes de l’Office Central de Lutte contre les Atteintes à l’Environnement et à la Santé Publique (OCLAESP) se sont présentés dans le hall de l’hôtel. Ils se sont dirigés vers Rémy Di Gregorio, seul, et lui ont intimé l’ordre de les suivre. Sans vague. Sans sensationnalisme. L’interpellation s’est faite dans la discrétion la plus totale, passant inaperçue aux yeux du groupe. En quelques instants, le Marseillais était déjà conduit à la gendarmerie attenante à l’hôtel, placé en garde à vue pour présomption de dopage. Il serait transféré à 15h10 en Mégane bleue marine vers des locaux marseillais. Yvon Sanquer, le manager, n’a rien vu de la scène. Ce n’est que vers 10h30 qu’il a été mis au courant de l’interpellation de son coureur.

« Je n’ai pas encore tous les éléments, fait-il savoir cet après-midi. Les gens de l’OCLAESP ont jugé qu’il était nécessaire d’intervenir. Et pour qu’ils le fassent de manière aussi rapide, c’est qu’il a dû y avoir un gros problème. Ces gens-là ne travaillent pas à la légère et n’interviennent pas pour une futilité. Maintenant, on peut tout imaginer. » Arrivé chez Cofidis cette saison après un passage d’un an chez Astana, Rémy Di Gregorio aurait été, selon les premières indiscrétions, pris en flagrant délit. Placé sur écoute, il aurait contacté d’éventuels fournisseurs hier soir. Deux hommes ont d’ailleurs été arrêtés ce matin même du côté de Marseille, où ils sont actuellement interrogés. Ce midi, l’équipe Cofidis a annoncé la suspension à titre conservatoire de son coureur de 26 ans, dénonçant un cas isolé et maintenant la présence de son groupe sur le Tour.

Les coureurs, eux, ont été mis au courant de la situation à leur retour de l’entraînement, vers midi et demi. Yvon Sanquer s’en est chargé. « Dans les yeux des coureurs, le premier sentiment que j’ai rencontré, c’est la consternation et l’abattement. On est un groupe, on travaille ensemble. Au-delà de la présomption d’innocence due à chacun, des choses graves se sont passées, c’est clair. Et un sentiment de trahison règne. » Arrivé au poste de manager de Cofidis il y a une dizaine de jours, Yvon Sanquer se voit déjà contraint de gérer une nouvelle situation de crise. « Il va y avoir deux-trois jours difficiles pour les gars, ce n’est pas simple. Mais on a réagi tout de suite avec l’encadrement, nous sommes là pour les aider. » Lunettes noires sur le nez à sa sortie de table, Samuel Dumoulin, le camarade de chambre de Rémy Di Gregorio dans la chambre 149, n’a pas bronché. Pas plus que ses coéquipiers, circonspects et tenus au silence.

Ce soir, c’est un nouveau coup de tonnerre qui résonne dans une équipe Cofidis qui n’en est malheureusement plus au premier dérapage de l’un des siens. Un écart de conduite qu’Yvon Sanquer n’aura pas eu le temps de voir venir. « Je suis entré en fonction au départ du Tour, rappelle-t-il. J’ai brièvement échangé avec chacun des coureurs mais de manière constructive. J’ai bien sûr parlé avec Rémy Di Gregorio. Il semblait plutôt motivé. Tout le monde le connaît, c’est quelqu’un d’assez expansif. Franchement, il n’y avait rien à dire de spécial quant à son comportement. » Reflétant l’image d’un coureur sombre et taciturne, souvent en marge des autres, Rémy Di Gregorio a-t-il dérivé ? Passé pro à la Française des Jeux en 2005, vainqueur d’une étape de Paris-Nice l’an dernier, le grimpeur phocéen est ce soir loin du Tour. Pas son spectre.