Bryan, vous arrivez au très haut niveau à l’âge de 20 ans, n’est-ce pas trop de pression ?
Non, pas forcément. L’après Jeux Olympiques a été bizarre (NDLR : il a obtenu l’argent dans l’omnium). Trois heures seulement après le podium, je me suis retrouvé devant plein de caméras et de micros et je n’étais pas forcément préparé à ça. Heureusement que je n’ai pas peur devant les micros, ça s’est donc plutôt bien passé. Après les Jeux, j’ai eu du mal à reprendre l’entraînement, donc je suis parti en vacances et, à mon retour, j’avais deux fois plus d’envie. Je pense que ça m’a fait du bien de partir un peu, loin de tout cet impact médiatique. Maintenant, les journalistes parlent de moi comme le sprinteur de l’équipe…

Ce n’est pas vrai ?
Oui et non. Oui car je vais vite au sprint et que je suis pressé d’en disputer dès l’Etoile de Bessèges. J’ai envie de gagner rapidement. Et non parce que l’équipe ne me met pas du tout la pression. Par exemple quand je suis arrivé au premier stage ils ne m’ont pas dit « gamin c’est toi qui fera les sprints, on roulera pour toi comme ça ». Ils me laissent beaucoup de liberté. Après, c’est sûr qu’ils vont me donner les cartes pour pouvoir gagner les courses et performer du mieux que je le peux et le plus vite possible, mais sans me mettre la pression.

Pour vous aider à gagner, l’équipe vous a associé à Sébastien Chavanel pour vous lancer les sprints, c’est pas mal…
Oui bien sûr, c’est une sacrée carte ! Sébastien est un grand sprinteur. Il a fait de très belles choses, 2ème sur des étapes du Tour, il a gagné de très grandes courses. J’ai de très bonnes affinités avec lui, on a eu l’occasion de discuter, et maintenant il sent qu’au sprint il est moins rapide, il a un peu plus de difficultés, donc il se lance entre guillemets dans une nouvelle carrière où il va plus se concentrer sur les courses flandriennes et m’aider au maximum dans les sprints. C’est très intéressant, ça va me faire gagner beaucoup de temps.

Arnaud Démare ne vous a pas rendu un grand service en remportant énormément de courses dès sa première année ! Vous vous sentez-vous prêt à assurer face à lui ?
Je ne sais pas si je suis prêt mais j’ai envie de gagner. Arnaud, c’est quelqu’un de super, j’ai déjà eu l’occasion de courir avec lui, et c’est vrai que c’est génial ce qu’il a fait. C’est sûr que ce n’est pas me rendre service, car il a fait beaucoup, il a gagné une course WorldTour dès sa première saison, c’est quelque chose d’énorme. Après, ça me donne aussi des idées parce que ça me prouve que c’est possible. S’il y est arrivé, pourquoi pas moi ?

Quelles idées cela vous donne-t-il ?
Je souhaite gagner le plus de courses possibles et le plus rapidement. Ce qui est bien c’est que mon calendrier est fait de façon à ce que je puisse disputer le plus de sprints possible. Dès Bessèges, j’aurai le couteau entre les dents. Après, si je ne gagne pas de suite, ce n’est pas grave. Si je mets quatre sprints avant de lever les bras, ce sera comme ça, mais j’espère que ça se passera du mieux possible.

Ce que vous avez accumulé en 2012 vous aidera forcément, car vous avez été confronté à beaucoup de pression…
Oui, c’est sûr, mais on n’est jamais certain. La pression je le prends différemment, j’ai encore l’image de moi lors de mon premier Championnat du Monde sur piste où je termine l’omnium en tête et où, le lendemain, je perds tous mes moyens à cause de l’enjeu. C’était la première fois que je passais à la télé, et un peu touché par ça, j’avais complètement perdu mes moyens. Depuis cet épisode, j’ai eu l’occasion de travailler sur moi et je l’ai montré aux Jeux cet été. Je n’ai pas perdu mes moyens et j’ai fait pour moi des Jeux parfaits. Je suis prêt à débuter ma carrière professionnelle.

Que pensez-vous de toute cette nouvelle vague de Français décomplexés ?
Ça donne des idées, ça donne envie, et surtout ça prouve que c’est possible. Je vais travailler sur tout ça pour pouvoir lever les bras le plus vite possible.

Quelle victoire vous ferait rêver ?
Ce serait sans hésiter une victoire sur le Tour de France. Ça fait rêver. Pour en avoir parlé avec Thomas Voeckler ou Pierre Rolland, c’est quelque chose qui nous apporte énormément d’émotions et de frissons.

Avez-vous déjà parlé du Tour avec vos dirigeants ?
Oui, j’en ai parlé. Pour l’instant il n’est pas prévu que je prenne le départ. Maintenant, la position n’est pas fermée car on peut envisager une première participation pour apprendre. Donc on va voir. Je ne sais pas du tout quel niveau j’aurai parce qu’avant, entre la piste et la route, je fonctionnais plutôt en termes de demi-saisons. J’arrive un peu dans l’inconnue. On va voir comment je prends mes marques, comment j’encaisse les courses par étapes. Mais si tout se passe bien, j’ai envie de dire pourquoi pas.

Propos recueillis par Marion Gachies à Montigny-le-Bretonneux le 11 janvier 2013.