Thierry, à l’arrivée du Tour de France, le bilan est-il satisfaisant pour la FDJ ?
Nous avons fait un bon Tour si l’on en juge l’état d’esprit des gars, parce que nos coureurs sont allés à la bagarre tous les jours (NDLR : l’équipe FDJ est l’équipe qui comptabilise le plus grand nombre de kilomètres passés en tête en juillet). Nous avons vu du FDJ devant pratiquement tous les jours, et jusque sur les Champs-Elysées. C’est donc un état d’esprit satisfaisant mais nous aurions aimé aller jusqu’au bout et gagner au moins une étape. Nous ne sommes pas passés loin avec Sandy Casar à Saint-Flour et Jérémy Roy à Lourdes.

C’est ce qui vous manque quand on fait l’état des comptes…
C’est bien sûr ce qui nous manque mais l’attitude des coureurs et la révélation d’Arnold Jeannesson, 15ème du Tour de France, sont plein de belles satisfactions pour la suite.

On vous a beaucoup vus devant en effet, mais n’avez-vous pas manqué de mettre la balle au fond en vous dispersant sur des cibles trop nombreuses ?
Ce n’est pas dans ce sens-là que nous prenons le problème. Nous n’avions pas de sprinteur pour gagner face à un Mark Cavendish, nous n’avions pas de grimpeur pour jouer le classement général… A partir de là, il ne restait plus beaucoup d’étapes pour nous exprimer, donc nous avons décidé de passer à l’offensive tous les jours, pour aller essayer d’aller chercher une étape pour baroudeurs. La seule fois où ça va au bout sans nous, c’est l’étape que gagne Rui-Alberto Faria Da Costa à Superbesse. C’est le seul petit côté frustrant.

Et puis vous êtes passés tout près à plusieurs reprises…
Sandy Casar était dans le coup à Saint-Flour, Jérémy Roy n’est pas passé loin à Lourdes… On a essayé, on n’a pas réussi, mais au bout du compte on ne regrette rien. A l’inverse de certaines équipes qui ont attendu le terme de la première semaine pour mettre en route et qu’on n’a finalement jamais vues. Notre tactique a impliqué les coureurs. Quand on fait le bilan, c’est vrai qu’on n’a rien gagné, mais on nous a vus, on était présents, et nos gars vont prendre de l’expérience pour la suite.

Jérémy Roy termine super combatif du Tour, c’est un lot de consolation ?
Le prix du super combatif est un clin d’œil à Jérémy Roy et à l’attitude de l’équipe FDJ pendant trois semaines, ça c’est le côté sympa. C’est même mérité. Dans la première semaine du Tour, si nous n’avions pas été à la bagarre, certains spectateurs se seraient un peu ennuyés. La troisième place de Jérémy Roy à Lourdes reste une frustration car il ne lui manque pas grand-chose. Ça se joue à peu de choses dans un final comme celui-là. Ça a tenu les spectateurs et nous-mêmes en haleine, ça fait partie du sport.

Sandy Casar a lui aussi pris une 3ème place à Saint-Flour, avec le sentiment de manquer de jambes, était-il à 100 % sur ce Tour de France ?
Sandy n’était effectivement pas à 100 %. Il marchait très bien tout de même car on n’est pas devant sur une étape comme ça par hasard. Mais ce n’était pas le Sandy Casar des trois dernières années, il lui manquait un petit quelque chose pour aller gagner. Reste que l’état d’esprit est là, le comportement offensif aussi, ce n’est pas nouveau. Mais sur le Tour ça ne pardonne pas, et pour gagner il faut être à 100 %.

La grosse satisfaction, elle vient finalement des jeunes, qui sont de belles promesses pour l’avenir ?
Pour le maillot blanc, on savait que ça allait être compliqué, mais Arnold Jeannesson, en terminant 15ème de son premier Tour, a pris beaucoup d’expérience pour la suite. Ce n’est pas rien et il pourra encore viser le maillot blanc l’année prochaine. Jérémy Roy a pris vraiment conscience du niveau qui est le sien depuis le début de la saison mais qui était passé un petit peu inaperçu jusque-là. Avec la caisse de résonance du Tour, il a pris conscience qu’il avait les capacités de jouer avec les meilleurs. Au-delà de cela, il nous a manqué un Pierrick Fédrigo à 100 % à l’approche du Tour, nous avons un Thibaut Pinot qui arrivera sans doute par la suite… On se dit que l’équipe a fière allure pour les années à venir.

On a vu les coureurs français aux avant-postes en juillet, comment le ressentez-vous ?
Il faut rester mesuré mais on a vu beaucoup de choses intéressantes. Les Français n’ont pas spécialement progressé, mais une nouvelle génération arrive auprès de coureurs mâtures qui sont toujours présents. On peut aussi imaginer que ça roule un peu moins vite, donc à partir de là les Français existent.

Les temps d’ascension des cols sont jusqu’à 10 % inférieurs à ceux de la fin des années 90, c’est tout de même significatif…
On ne peut pas se réfugier derrière des chiffres, mais juste pour l’anecdote, notre entraîneur Frédéric Grappe a vérifié que la performance de Pierre Rolland à l’Alpe d’Huez l’aurait placé 25ème de l’étape en 2006, l’année de la victoire tronquée de Floyd Landis… Après, on en déduit ce que l’on veut mais ce sont des valeurs intéressantes qui expliquent aussi pourquoi on voit des coureurs français émerger et des différences réduites entre les meilleurs.

Sur quels objectifs allez-vous rebondir pour la dernière partie de la saison ?
Nous avons rebondi dès samedi avec Matthieu Ladagnous au Tour de Wallonie. On sait que des coureurs qui n’étaient pas sur le Tour ont envie de faire une belle fin de saison : Ladagnous, Geslin, Fédrigo… Ceux qui ont fait le Tour vont reprendre du côté du Tour du Limousin, quelques courses en Italie, les Grands Prix de Québec et de Montréal en septembre.

Propos recueillis à Paris le 24 juillet 2011.