Thomas, vous avez réalisé des saisons toutes meilleures les unes que les autres ces dernières années, 2012 sera-t-il encore meilleur ?
J’essaie de ne pas trop comparer les années les unes par rapport aux autres. Mais c’est vrai que j’ai vécu ces trois dernières années de très bons moments sur le vélo. Pourvu que ça dure. Maintenant, est-ce que je vais en gagner autant en début d’année que l’an passé, on verra. On n’a pas toujours la même réussite dans le vélo. Il y a des paramètres qu’on ne peut pas maîtriser. En revanche, on peut maîtriser l’entraînement, le travail, et de ce côté-là ça va. Je garde le même état d’esprit et le même schéma que les années précédentes, parce que c’est ma manière de faire du vélo et de me sentir épanoui.

Où pensez-vous pouvoir créer l’effet de surprise cette année ?
C’est difficile, étant donné que j’ai été présent sur plusieurs terrains depuis plusieurs années. Il devient de plus en plus dur de créer l’effet de surprise. Il faut essayer de varier son champ d’action, car il est toujours plus dur de frapper là où on est attendu. Je sais qu’en 2012, en étant objectif, ce sera difficile de faire aussi bien qu’en 2011, mais au début de l’année dernière je n’aurais pas pensé non plus réaliser une saison pareille. Je ne joue pas petit bras mais je ne m’enflamme pas non plus.

Comment sentez-vous l’équipe dans sa nouvelle configuration ?
L’état d’esprit est toujours le même, le groupe n’a pas été chamboulé. Nous sommes plus nombreux. Nous étions vingt-deux l’an passé, on passe à vingt-six, nous ne sommes plus une petite équipe, avec un programmes de courses plus fourni. On sera divisés sur plus de fronts. Maintenant, ce qui parle, c’est le terrain, et on verra cela à la fin de l’année. Pour l’instant, en tout cas, les feux sont au vert.

Dans la foulée de ce que vous avez accompli l’an passé, d’autres peuvent-ils suivre le chemin cette année chez Europcar ?
Oui, c’est ouvert. J’ai toujours pris pour position que le vélo, c’est un sport d’équipe. Et le travail pour l’équipe n’est pas incompatible avec les ambitions personnelles. J’en ai fait l’expérience quand j’étais plus jeune. Je travaillais pour le groupe et le fait d’aller au-devant de la course m’a permis d’obtenir des résultats sur un plan personnel. Il faut que ça aille dans les deux sens. Quand je ne suis pas bien, j’essaie de donner un coup de main à celui qui se sent le mieux, c’est donnant-donnant.

Vous êtes-vous fixé des objectifs précis ?
Sur un plan personnel, je n’ai pas d’objectif en termes de victoires. Même si toutes les courses sont belles à gagner, il faut aussi savoir regarder les choses en face. Certaines épreuves n’ont pas la même valeur que d’autres. Gagner un Liège-Bastogne-Liège, ce qui ne nous est jamais arrivé, ce n’est pas comme gagner une étape d’une course de deuxième classe. Il y a victoire et victoire, et il n’y a pas d’objectif quantifié.

Votre 4ème place sur le Tour de France ne vous a-t-elle pas incité à repenser votre saison à venir ?
Moi, je suis le présent, Pierrot c’est le présent et l’avenir. Si j’avais fait 10ème du Tour de France à 25 ans, son âge, j’aurais peut-être orienté ma carrière sur le Tour. Mais ça fait des années que je fais du vélo, j’ai trouvé une façon de faire qui me va bien, je ne vais pas tout chambouler. C’est cette manière de faire du vélo qui m’a permis de faire 4ème du Tour alors que je ne pensais pas en être capable. Je reste sur ma ligne de conduite, je suis épanoui dans ce que je fais, je veux que ça continue ainsi.

Vous suscitez forcément beaucoup d’attentes cette année, vous en avez conscience ?
Je ne perds pas de vue qu’il y a beaucoup de chances que les gens soient déçus, que je ne réponde pas aux attentes, mais ça ne m’embête pas, je n’ai aucun compte à rendre à personne. Ni au sponsor, ni à l’équipe, ni au public. Si tout le monde est d’accord, tant mieux, mais mon but premier est d’être fier de moi, content de ce que j’ai accompli et d’aller au bout de moi-même.

Ressentez-vous néanmoins une certaine pression ?
La pression, elle est là sans être là. On se la met nous-même. Et à vrai dire je n’ai pas de pression mais l’envie de bien faire. J’ai passé l’âge d’être contrarié si on me dit que je n’étais pas là le jour où on m’attendait. Ça me fait plaisir quand on me dit que c’est bien, si ce n’est pas le cas ça ne m’empêche pas de dormir le soir. Je fais du vélo pour moi, pas pour les gens. Si je n’ai pas la tape dans le dos à la boulangerie le matin, ça ne va pas m’empêcher d’être bien dans ma peau.

A votre sens, jusqu’où peut aller Pierre Rolland ?
Le plus haut possible. Tout le monde a envie qu’il gagne le Tour de France. Il a terminé premier du classement des moins de 25 ans, c’est très parlant. Il a un potentiel supérieur à la moyenne, surtout sur des courses par étapes aux profils durs. Laissons-lui le temps, sachant que lui estime ne pas l’avoir, parce que c’est un gros bosseur et qu’il a envie d’y aller. Si c’est moins bien l’été prochain, il ne faudra pas trop le descendre. Et si c’est mieux, peut-être qu’il pourra accrocher le podium. On ignore simplement combien de temps ça prendra.

Irez-vous reconnaître certaines étapes du Tour cette année ?
Ça va dépendre de mon programme de courses mais je pense que oui, clairement, il y a des étapes qu’il faudra aller voir avant. Maintenant, il y a encore du temps. Un coureur comme Pierrot, sur un plan personnel, ira davantage reconnaître les étapes. Il est plus perfectionniste que moi dans ce domaine et il risque de mettre l’accent là-dessus. Moi, mon mode de fonctionnement a sans doute des lacunes, mais c’est avec celui-là que je me sens bien.

Postulerez-vous pour une place aux Jeux Olympiques de Londres ?
Quel que soit le parcours, les JO, c’est exceptionnel. C’est clairement une épreuve sur laquelle on a envie de bien faire. Cette année, c’est le samedi qui suit le Tour de France. De ce fait personne n’aura spécifiquement préparé l’événement. Si on est bien au Tour, on sera bien aux Jeux. Le parcours est assez particulier, pas trop sélectif. J’ai déjà fait une Olympiade, je n’aurai pas l’occasion d’en faire encore deux ou trois ! Si je peux être sélectionné, ce sera pour tâcher d’y faire quelque chose. Je ne fonctionne pas en termes d’objectifs mais ça fait partie des moments où je voudrais être présent cette saison.

Le Championnat du Monde à Valkenburg, avec la montée du Cauberg, peut-il mieux vous convenir ?
Je suis dans mes meilleures années et le parcours correspond à mes caractéristiques. Si je prends le départ, ce sera motivé et bien préparé pour y faire le meilleur résultat. J’aimerais bien être présent à cette époque-là aussi. J’aimerais me dire un jour que j’ai mis tous les atouts de mon côté pour réussir un beau résultat au Mondial.

Propos recueillis à Paris le 26 janvier 2012.