Cette année, le Tour de France a décidé de jouer avec son histoire. Pour les 100 ans du Galibier, deux ascensions de ce monstre étaient au programme, une hier et une aujourd’hui. Et la tension est palpable, en ce début d’après-midi, au départ à Modane. 169 visages anxieux face à une étape atypique. L’ambiance qui règne sur le départ et ses environs ne trompe pas, le Tour de France devrait vivre là, sans aucun doute, une étape de légende, à l’instar de celle d’hier. Hier, Andy Schleck a réalisé un numéro de haute voltige, parti seul sur les pentes les plus raides du Col d’Izoard, relayé un temps par Maxime Monfort, le Luxembourgeois s’est alors envolé vers une victoire d’étape venue de nulle part si ce n’est d’un authentique exploit. Oui mais voilà, hier, Andy Schleck a échoué dans sa quête de maillot jaune en butant sur un extraordinaire Thomas Voeckler. Si en ce début d’après-midi, les talents de grimpeur découverts de Thomas Voeckler ne font plus aucun doute, reste à savoir s’il peut vraiment tenir sur une étape comme celle proposée aujourd’hui.

Comprenez bien que cette 19ème étape est réservée à un très grand coureur. 109,5 kilomètres entre Modane Valfréjus et l’Alpe d’Huez via le Col du Télégraphe, un col de première catégorie de 11,9 kilomètres à 7,1%, enchainé avec le Col du Galibier, le mythique Galibier, escaladé pour la première fois il y a 100 ans et qui devrait aujourd’hui comme en 1911, créer une première véritable différence avec sa pente à 6,8% pendant 16,7 kilomètres, hors catégorie, ce col là. Enfin, il faut affronter l’Alpe d’Huez, ses mythiques 21 virages, les milliers de supporters présents sur le bord de la route et la pression qui accompagnera sans aucun doute les coureurs compte tenu de l’enjeu, sachez-le, d’habitude, le Tour de France se joue à l’Alpe d’Huez. Dix attaquants l’ont bien compris et souhaitent se mettre à l’abri de la bagarre annoncée. Urtasun Perez (Euskaltel-Euskadi), Burghardt (BMC Racing Team) et Buffaz (Cofidis) puis Izagirre (Euskaltel-Euskadi), Greipel (Omega-Pharma-Lotto), Iglinskiy (Astana), Costa, Gutierrez (Movistar), Koren (Liquigas), Riblon (Ag2r La Mondiale), Flecha (Team Sky), Pineau (Quick Step) et Duque (Cofidis) s’échappent.

Et puis ce que beaucoup craignaient arrive. Hier, Alberto Contador affirmait avoir course perdue étant donné son retard au classement général. Et l’Espagnol attaque dès le départ, après 2 kilomètres d’ascension à peine. Mais cette attaque là, elle est presque logique compte tenu de la situation du garçon au classement général provisoire. Et puis, quand Alberto Contador attaque, on se dit que les autres vont laisser faire, ils vont le laisser puiser dans ses réserves et venir le cueillir sur les pentes les plus abruptes de l’Alpe d’Huez, au mieux. Mais voilà, dans sa roue, saute quasiment instantanément un autre grand de ce Tour de France, auteur hier d’une épopée que seuls les plus grands peuvent se vanter d’avoir fait, Andy Schleck attaque en compagnie de l’Espagnol. Là, il reste encore 100 kilomètres de course, imaginez ne serait-ce que quelques secondes ce que cela peut signifier. 100 kilomètres et le Télégraphe, le Galibier puis l’Alpe d’Huez à escalader, rien que ça. On imagine un round d’observation derrière, il n’en est rien, Cadel Evans décide de rejoindre les deux hommes devant.

Voeckler cède du terrain à 5 kilomètres du sommet du Col du Galibier et laisse carte blanche à Pierre Rolland. 

Alors, Thomas Voeckler n’a finalement plus vraiment le choix, il se doit de les suivre à son tour s’il ne veut éviter de perdre toute chance de gagner le Tour de France sur un tel coup de poker. Thomas Voeckler, maillot jaune sur les épaules, va s’employer pour revenir sur le trio de tête. Il y parvient en deux temps. Voilà les quatre grands champions partis pour un numéro auquel il était impossible de penser. Le problème pour le Français, c’est que Contador relance sans cesse et finit par partir en compagnie d’Andy Schleck, voilà les deux garçons partis rattraper les échappés matinaux qui s’égrainent au fur et à mesure. Cadel Evans est victime d’un incident mécanique, Voeckler part seul à la poursuite des hommes de tête, incroyable que le panache du Maillot Jaune qui refuse d’abdiquer et de laisser le peloton derrière lui revenir. Il est en train de résister à Schleck et Contador et domine Evans, Basso et Cunego.

Le scénario est incroyable, ce Tour de France est décidément géant, l’étape d’hier n’était finalement qu’une mise en bouche, alors. Une mise en bouche, peut être mais surtout une étape qui a lessivé des corps déjà marqués par un effort intense de plus de deux semaines. Et Thomas Voeckler, pourtant impérial les jours précédents va craquer, un temps repris par le groupe Cadel Evans, il va céder à 5 kilomètres du sommet du Galibier, donnant au passage carte blanche à son coéquipier Pierre Rolland, parti chercher le maillot blanc. La descente amorcée, les écarts semblent figés. Voeckler à 2′ ne reviendra pas malgré la présence de trois de ses équipiers. Et pourtant. Ce Tour de France n’est pas comme les autres. Au pied de l’Alpe d’Huez, la vallée a fait son travail, interminable vallée, regroupement général au pied de la dernière montée. L’Alpe d’Huez est prêt à s’enflammer pour accueillir un groupe que l’on ne pouvait attendre aussi nombreux, et dès les premiers hectomètres de la montée, ce groupe va exploser.

Alberto Contador est resté sur sa faim et repart à l’attaque, rattrapant et déposant Pierre Rolland, un temps échappé, à 12 kilomètres de l’arrivée, personne ne le suit, l’écart grimpe à une vitesse folle, on se dit que le scénario peut entrainer un bouleversement fou, Alberto Contador est en train de reconquérir le maillot jaune. Sur le papier, cela aurait pu être le cas. Mais derrière, Pierre Rolland passe un nouveau cap et relance. Incroyable d’aisance, avec une facilité déconcertante, le Français part cueillir le maillot blanc, certainement. Car derrière, Taaramae craque et accompagne Voeckler à quelques trois minutes de la tête de course. Et puis, incroyable situation, les frères Schleck et Cadel Evans sont incapables d’attaquer. Seul Sanchez peut repartir en contre, avant de revenir sur Pierre Rolland, rapidement. L’Espagnol va étonnamment ramener le Français sur son compatriote. A 2,5 kilomètres du sommet, le Français ne pense plus uniquement au maillot blanc mais aussi à la victoire d’étape. Et il a de la suite dans les idées. A 2 kilomètres de l’arrivée il passe à l’attaque pour creuser un irrémédiable écart sur ses poursuivants. Contador troisième de l’étape voit son rêve jaune s’évaporer définitivement. Andy Schleck, lui, récupère la tunique jaune à un Thomas Voeckler ovationné, adulé, qui laisse la vedette à son coéquipier. Armstrong le qualifiait de « rockstar », aujourd’hui, il est un géant.

Demain, Cadel Evans aura 42,5 kilomètres autour de Grenoble pour combler un retard de 53″ sur Andy Schleck. Un contre-la-montre extrêmement exigeant, qui plus est après trois semaines de Tour.

Classement 19ème étape :

1. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) les 109,5 kilomètres en 3h13’25 »
2. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 14 sec.
3. Alberto Contador (ESP, Saxo Bank-SunGard) à 23 sec.
4. Peter Velits (SLO, HTC-Highroad) à 57 sec.
5. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) m.t.
6. Thomas De Gendt (BEL, Vacansoleil-DCM) m.t.
7. Damiano Cunego (ITA, Lampre-ISD) m.t.
8. Frank Schleck (LUX, Leopard-Trek) m.t.
9. Andy Schleck (LUX, Leopard-Trek) m.t.
10. Ryder Hesjedal (CAN, Garmin-Cervélo) à 1’15 »

Classement général :

1. Andy Schleck (LUX, Leopard-Trek) en 82h48’43 »
2. Frank Schleck (LUX, Leopard-Trek) à 53 sec.
3. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 57 sec.
4. Thomas Voeckler (FRA, Team Europcar) à 2’10 »
5. Damiano Cunego (ITA, Lampre-ISD) à 3’31 »
6. Alberto Contador (ESP, Saxo Bank-SunGard) à 3’55 »
7. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 4’22 »
8. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Cannondale) à 4’40 »
9. Tom Danielson (USA, Garmin-Cervélo) à 7’11 »
10. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) à 8’57 »

Classement par points :

1. Mark Cavendish (GBR, HTC-Highroad) 280 pt
2. José-Joaquin Rojas (ESP, Movistar Team) 265 pt
3. Philippe Gilbert (BEL, Omega Pharma-Lotto) 230 pt
4. Thor Hushovd (NOR, Garmin-Cervélo) 195 pt
5. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 191 pt
6. Edvald Boasson Hagen (NOR, Team Sky) 153 pt
6. André Greipel (ALL, Omega Phrama-Lotto) 130 pt
8. Tyler Farrar (USA, Garmin-Cervélo) 101 pt
9. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel-Euskadi) 96 pt
10. Frank Schleck (FRA, Leopard-Trek) 94 pt

Classement de la montagne :

1. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel-Euskadi) 108 pt
2. Andy Schleck (LUX, Leopard-Trek) 98 pt
3. Jelle Vanendert (BEL, Omega Pharma-Lotto) 74 pt
4. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 58 pt
5. Frank Schleck (LUX, Leopard-Trek) 56 pt
6. Alberto Contador (ESP, Saxo Bank-SunGard) 51 pt
7. Jérémy Roy (FRA, FDJ) 45 pt
8. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) 44 pt
9. Maxim Iglinskiy (KAZ, Astana) 40 pt
10. Johnny Hoogerland (PBS, Vacansoleil-DCM) 40 pt

Classement des jeunes :

1. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) en 82h57’40 »
2. Rein Taaramae (EST, Cofidis) à 1’33 »
3. Jérôme Coppel (FRA, Saur-Sojasun) à 7’52 »
4. Arnold Jeannesson (FRA, FDJ) à 8’45 »
5. Rob Ruijgh (PBS, Vacansoleil-DCM) à 20’28 »
6. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) à 28’04 »
7. Geraint Thomas (GBR, Team Sky) à 48’31 »
8. Robert Gesink (PBS, Rabobank) à 53’15 »
9. Cyril Gautier (FRA, Team Europcar) à 1h14’49 »
10. Andrey Zeits (KAZ, Astana) à 1h18’50 »

Classement par équipes :

1. Team Garmin-Cervélo (USA) en 248h02’15 »
2. Ag2r La Mondiale (FRA) à 11’58 »
3. Team Leopard-Trek (LUX) à 12’57 »
4. Team Europcar (FRA) à 40’46 »
5. Euskaltel-Euskadi (ESP) à 49’50 »
6. Team Sky (GBR) à 56’20 »
7. Katusha (RUS) à 1h04’36 »
8. Saxo Bank-SunGard (DAN) à 1h18’34 »
9. FDJ (FRA) à 1h27’57 »
10. Cofidis (FRA) à 1h43’55 »