Il a gravi les marches les unes après les autres, patiemment, discrètement, en prenant le temps de mûrir et d’apprendre dans de petites structures nationales. Le Jurassien Alexis Vuillermoz réalise un début de saison un tantinet discret et en-dessous des attentes que nous laissait espérer sa tonitruante fin de saison 2009. Le début de saison 2010 du vice-champion du monde Espoirs a été pavé de belles tuiles : crevaisons à Cassis, mal de dos à Saint-Raphaël, coup de mou à Dalby Forest… Mais de nombreuses courses sont à venir, la saison sera longue et le jeune pilote est un homme patient qui relativise son début en demi-teinte. Discret, timide même, mais persévérant et pugnace, le vététiste du Team Lapierre International a déjà le regard porté vers le Mont Sainte-Anne avec l’ambition d’y enfiler le maillot irisé dans un site où la France avait réalisé un carnage en 1998. Entre temps, nul doute que ses adversaires ont subi quelques attaques éclair qui devraient éclairer l’avenir du jeune français et lui redonner l’étincelle !

Alexis, après une sublime fin de saison 2009, quelle analyse en fais-tu et comment as-tu passé cet hiver ?
La saison 2009 a vraiment été bonne pour moi. Rentrer dans le Top 20 en début de saison me semblait un bel objectif. Au fil des manches, je me suis approché du Top 15 pour signer un fabuleux Top 5 à Champéry. Un très bon souvenir ! On était en fin de saison, j’avais préparé le Mondial australien de façon intensive et j’ai mis à profit ma bonne forme face à des adversaires qui étaient usés sur les deux dernières manches, où tous les coureurs n’étaient pas à leur top condition. Bien entendu, j’aimerais refaire un Top 5 cette saison. Je me suis entraîné tout l’hiver avec cet objectif, entre autres, en tête.

Compte tenu du climat hivernal et de tes ambitions, as-tu modifié ton approche de l’entraînement en concertation avec ton entraîneur ?
Il n’y a pas eu de changement radical. On a procédé comme d’habitude, comme on procède depuis quelques saisons, en augmentant sensiblement la charge de travail. Cet hiver, j’ai fait plus de foncier malgré la mauvaise météo. J’ai repris les séances de fractionné plus tard. On reprend juste le travail lactique, je serai donc juste sur les premières manches de la Coupe du Monde mais les sensations vont venir au fil de la saison. Je mène en parallèle des études mais cette année j’ai terminé mon année scolaire plus tôt, en avril. Je vais donc pouvoir consacrer plus de temps au vélo. Je serai plus libre.

Quel regard as-tu porté sur le parcours proposé à Dalby Forest, pour l’ouverture internationale ?
Malgré les complications aériennes, j’ai pu arriver sur le site comme convenu par mon encadrement. J’ai donc effectué des reconnaissances de ce nouveau parcours, sur terrain sec. Ce n’était pas un parcours à mon avantage, il était trop plat. Mais il en faut pour tout le monde. Il est assez technique mais il ne présente pas de passage qui pose problème, tout passe sur le VTT.

En 2010, tu es classé Espoirs, quels sont tes objectifs à l’échelon mondial ?
Forcément, chaque année, on se fixe de nouveaux objectifs. En 2009, je termine 2ème de la Coupe du Monde et du Championnat du Monde Espoirs, alors logiquement j’ai l’ambition de conquérir la première place, de gravir la marche. Mais il y a des adversaires, à commencer par le Suisse Flückiger, et d’autres pilotes qui se seront hissés à notre niveau. Ce sont des objectifs élevés, j’en ai conscience, et c’est pour cette raison que l’obtention d’une médaille ne serait pas dégratifiante pour moi.

Et au niveau national, une victoire en Coupe de France est-elle ciblée ?
Gagner une manche de Coupe de France au scratch en étant Espoirs, ce serait sympa… Mais ce n’est pas forcément un objectif car je préfère me concentrer sur les échéances mondiales et prendre les Coupes de France comme des entraînements, pour me tester. Ces courses restent des épreuves de haut niveau et, en présence de Julien Absalon, ce sera toujours compliqué de gagner ! Au niveau national, je vais me concentrer sur le Championnat de France avec l’ambition de conserver la tenue tricolore.

Quel regard portes-tu sur les tops pilotes présents sur le circuit des Coupes du Monde ?
On a un noyau d’excellents pilotes avec Absalon, Burry, Schurter… et bien d’autres, beaucoup d’autres ! Il y a des nations très fortes, à commencer par la Suisse qui dispose de nombreux talentueux pilotes : Näf, Vogel, Sauser, Schurter, les frères Flückiger…  Et puis il y a les références, les pilotes qui sont là depuis de nombreuses années comme l’Espagnol Hermida. Ce sont des cadres. Je pense que la nouvelle génération est en train de pousser, de s’imposer petit à petit, en se mettant sur l’avant des courses. En France aussi on assiste à ce phénomène avec la progression de Stéphane Tempier, Marc Colom, Maxime Marotte… On est tous capable de performer dans les années à venir, à nous de travailler en ce sens.

Le retrait d’un cadre comme Jean-Christophe Péraud en ces années préolympiques n’est-il pas néfaste à la performance de l’équipe nationale ?
C’est sûr, on a assisté au retrait d’un leader du VTT français. Jusqu’alors on bénéficiait de ce noyau de très bons pilotes français, capables de batailler dans le Top 5, Top 10. Mais je comprends Jean-Christophe, je lui ai dit qu’il a eu raison de faire ce choix. Il est passionné. A nous maintenant d’assumer notre rôle, nos objectifs et nos ambitions pour aller chercher des points et obtenir le quota le plus favorable pour l’équipe nationale en vue des Championnats du Monde et des Jeux Olympiques surtout !

En parallèle, on assiste à une homogénéisation de l’effectif féminin français avec plusieurs Françaises capable d’intégrer le Top 20…
A une époque, seule Laurence Leboucher était capable de batailler à l’avant des Coupes du Monde, et elle était isolée. Cette émergence d’un noyau de filles est très bien pour l’équipe nationale, ça tire le niveau vers le haut, c’est moteur et propice aux performances via une émulation de groupe. On a tous l’objectif d’avoir trois pilotes hommes aux JO, on se donne à fond pour cela sur chaque manche. Pour les filles, c’est le même phénomène avec cette motivation de groupe qui se soude et se motive les unes les autres !

Au niveau du matériel, utilises-tu toujours le hardtrail de Lapierre ?
Je suis un coureur qui préfère un semi-rigide par rapport au rendement et à mon style de pilotage. Je suis toujours à la relance, je suis nerveux sur le vélo. Cette saison, Lapierre a sorti un nouveau cadre, plus rigide et nerveux et qui colle bien à mon pilotage, à mes attentes. Après, comme sur un circuit du style de l’OffRoad Cassis ou la Forestière, on peut envisager d’utiliser un X-control car on a besoin de confort sur la durée. On reste plus assis, on gagne en endurance sur ce genre d’épreuve où c’est la fraîcheur en fin de course qui compte. Eventuellement, je pourrais rouler sur un tel vélo sur ce genre d’épreuve, on perd de la rigidité mais on s’économise.

Tu as intégré le CC Etupes, une équipe DN route. Alors…
Les débuts n’ont pas été mauvais. Je fais 6ème du Souvenir Jean Masse, j’ai disputé les Boucles de l’Artois… C’est un club de ma région, je connais bien l’effectif car je côtoie la majorité des coureurs depuis les sélections du comité où vététistes et routiers se mélangeaient. Il y a une très bonne ambiance, conviviale, c’est sympa. Ca m’apporte des choses pour le VTT aussi. Je gagne en force et en puissance. Mon endurance se développe, je découvre de nouveaux exercices, des fractionnés, un autre milieu du cyclisme. Pour l’avenir, ce sont des expériences qui peuvent m’aider à progresser.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Trauchessec.