Ils avaient pris l’habitude de se prendre en duel sur les plus grandes courses du calendrier cette saison. Et parce qu’ils sont certainement les deux pilotes les plus forts du monde, Nino Schurter et Julien Absalon ont régulièrement dû faire appel à la chance (et la malchance, les deux vont de pair) pour arbitrer leurs rendez-vous. Elle n’aura pas eu à intervenir cette fois au Championnat du Monde. Tout du moins pas dans le cadre de la course au titre. La sorcière aux dents vertes s’est bien encore invitée en Afrique du Sud, mais c’est plus tôt dans la semaine qu’elle a frappé. Et c’est encore sur Julien Absalon qu’elle s’est acharnée. Une chute dans le rock garden mardi lui a fêlé une côte. Une autre deux jours plus tard s’est chargée de lui en enfoncer deux autres. Le Français est au départ, mais il sait que ce Mondial sera des plus compliqués à gérer.

Nino Schurter, lui, n’a pas connu toutes ces mésaventures. Mais il veut s’épargner un nouvel affrontement avec Absalon. Se sachant plus explosif que le Français sur les départs, le Suisse a pris le parti de rouler fort dès les premiers tours. Et c’est ce qu’il met en place au coup de starter. Comme enragé, le pilote Scott applique sa stratégie à la perfection. Il ne laisse aucun répit à ses adversaires dans le premier des sept tours du circuit de Cascades Park. Il n’y aura pas la place pour un round d’observation. Pas la place non plus pour un coureur de plus dans la roue arrière de Nino Schurter, déterminé à faire cavalier seul sur un tracé qu’il affectionne et maîtrise surtout avec une grande habileté.

Si José-Antonio Hermida (Espagne) fera pression sur le leader en s’accrochant une poignée de secondes derrière lui durant trois tours, Julien Absalon est déjà hors d’état de vaincre. Ses deux côtes cassées le font horriblement souffrir. A tel point que le Vosgien affirmera à l’arrivée n’avoir jamais autant eu mal sur un vélo, incapable de respirer à fond ou de tirer sur son guidon. Dans de telles conditions, la 6ème place qu’il ira chercher à Pietermaritzburg, l’une des moins bonnes de sa carrière dans un Championnat du Monde (il avait abandonné en 2008 et fini 12ème en 2003), est tout à fait remarquable. Dommage cependant que le sort s’en soit encore mêlé car le déroulé de ce Mondial en aurait à coup sûr été tout à fait autrement.

Il faut bien l’admettre, Nino Schurter est sans adversaire aujourd’hui. Ceux qui ont cherché à s’en approcher sont allés à la faute. Lukas Flückiger a quitté la course prématurément sur chute, Marco-Aurelio Fontana a commis une erreur technique et Manuel Fumic s’est accroché dans Tree House, le spectaculaire pierrier du circuit sud-africain. Bien qu’il ait longtemps gardé le champion helvétique à portée de fusil, José-Antonio Hermida est brusquement rétrogradé à mi-course. L’Espagnol abandonne la poursuite pour se concentrer sur une médaille d’argent que lui conteste dorénavant Manuel Fumic. De retour de blessure, l’Allemand va réaliser la seconde partie de course avec le vétéran espagnol, qu’il distancera dans le final pour aller chercher la médaille d’argent, laissant le bronze au valeureux José-Antonio Hermida.

Nino Schurter, lui, a déjà course gagnée. Sacré à Canberra en 2009 puis à Saalfelden en 2012, il porte désormais à trois le nombre de ses titres mondiaux. En tête d’un bout à l’autre, impressionnant de pilotage dans les descentes techniques, exceptionnel dans le redoutable rock garden de Tree House, le Suisse se sera montré impérial. Et ce n’est pas la petite frayeur qu’il se sera faite en glissant dans le dernier tour qui aura pu déstabiliser un champion de 27 ans en pleine confiance.

Derrière les trois pilotes qui auront rapidement pris une option sur une médaille, Maxime Marotte aura été remarquable lui aussi, 4ème sans jamais avoir pu s’approcher du podium, mais auteur au final de son meilleur Championnat du Monde. Il se classe d’ailleurs 24 secondes devant le champion olympique Jaroslav Kulhavy, 5ème, qui aura épaté par sa capacité à conclure ce Mondial après être passé complètement à travers au départ.

Classement :

1. Nino Schurter (SUI, Suisse) les 32,9 km en 1h40’17 » (19,7 km/h)
2. Manuel Fumic (ALL, Allemagne) à 7 sec.
3. José-Antonio Hermida (ESP, Espagne) à 21 sec.
4. Maxime Marotte (FRA, France) à 53 sec.
5. Jaroslav Kulhavy (TCH, République Tchèque) à 1’17 »
6. Julien Absalon (FRA, France) à 1’31 »
7. Moritz Milatz (ALL, Allemagne) à 1’45 »
8. Ondrej Cink (TCH, République Tchèque) à 2’04 »
9. Stéphane Tempier (FRA, France) à 2’19 »
10. Fabian Giger (SUI, Suisse) à 2’30 »