Thomas, depuis combien de temps avais-tu planifié ta participation à la Cape Epic et depuis combien de temps es-tu en Afrique du Sud ?
Ça faisait un an que je savais que j’allais participer à l’édition 2012 de la Cape Epic. C’est une course très importante, très médiatique pour le Team Bulls. Et c’est un objectif pour nous d’y être et de bien y figurer. C’est ma quatrième participation en quatre ans, j’apprécie cette course, même si pour moi c’est la course la plus éprouvante au monde.

Tu es le spécialiste français de cette discipline VTT marathon. Quels sont les éléments qui conditionnent une victoire sur cette sélective épreuve ?
C’est une course par équipes de deux, il faut donc être en osmose avec son partenaire, rouler ensemble. Puis il faut être préparé, en forme en début de saison, ce qui n’est pas évident selon les conditions hivernales. Moi j’ai préféré me préparer en Afrique du Sud et aux îles Canaries. On peut perdre cette course si l’entente avec son partenaire n’est pas bonne. De mon côté, pas de soucis, je connais bien Tim, on a l’habitude de faire équipe. C’est une course dure, éprouvante, autant pour les pilotes que pour le matériel. Chaque année depuis trois ans, on subit des crevaisons. En 2011 j’ai cassé mon dérailleur. Il faut vraiment gérer son matériel, la casse mécanique peut être importante. Il y a une part de chance aussi…

De par sa médiatisation, l’enchaînement des jours, les parcours et le plateau des pilotes, beaucoup de monde s’accorde à dire que la Cape Epic est la référence mondiale du marathon, qu’en penses-tu ?
Oui, c’est une certitude ! De toutes les courses auxquelles je participe chaque année c’est la plus belle sans doute et la plus dure certainement. On retrouve des paysages différents de ceux de l’Europe. L’organisation est super-méga-professionnelle, il n’y a rien à dire au niveau sécurité, logistique, balisage, restauration-ravito… Tout est parfait. On a des hélicos, des quads, des motos, qui nous suivent durant la course ! Rien qu’avant la course, tout est fignolé, on a cette conférence de presse, puis des séances photos et vidéos afin que l’organisation dispose de documents pour les films d’animation les soirs d’étapes ou les directs à la télé.

Résidant dans le nord-est de la France, comment se sont passés ton hiver et ton début de saison ?
Mon hiver s’est bien passé malgré le froid et la météo rigoureuse. Comme d’habitude j’ai fait beaucoup de ski de fond et du VTT aussi car les routes étaient difficilement praticables avec le gel. J’ai aussi inclus des footings et des trails dans mon planning hivernal. Mi-janvier, je suis parti aux îles Canaries pour faire un bloc de foncier sur trois semaines puis nous sommes venus ici en Afrique du Sud participer à la Grappes Cape, qui est une course de VTT sur quatre jours fin février. C’est bien moins dur que la Cape Epic mais ça reprend des sentiers de cette course, des cailloux, des pierres abrasives… Comme un peu dans le Sud de la France. C’est bien d’avoir pu venir s’entraîner ici, prendre nos marques. On termine 3èmes avec mon équipier, il y avait un plateau relevé avec Sauser et Burry qui gagnent devant mes équipiers Stephan et Karl.

En France, au mois d’octobre, il y le Championnat du Monde Marathon à Ornans, sur un parcours qui ne t’a pas toujours réussi…
On est encore au début de saison mais il est certain que j’ai planifié ma fin de saison avec le Championnat de France en Bretagne début septembre, la Forestière, le Roc d’Azur et les Championnats du Monde, qui sont un gros objectif de ma saison ! Ornans ne m’a pas toujours réussi. Il y a deux ans, avant le Championnat de France, lors des recos, je suis tombé et j’ai explosé mon humérus. On m’a posé une plaque dans l’os et j’en garde encore des séquelles à présent. Je doute que ça revienne comme avant. Ce sont les risques du métier, c’est ainsi, je n’en veux pas à mon sport. Ce qui est sûr c’est que ma fin de saison est plus importante que mon début actuel !

Niveau matériel, tu utilises un semi-rigide en 29″ de la marque Bulls. Quel est ton point de vue sur l’évolution du matériel et son application aux épreuves marathon ?
J’utilise un VTT en carbone en 29″ depuis presque deux ans maintenant. Pour la Cape Epic, ça aurait été un avantage certain d’avoir pu utiliser le tout-suspendu en 29″ mais il est en cours de fabrication encore. On devrait l’avoir en milieu d’année 2012. L’an dernier on en disposait d’un mais il était lourd et peu compétitif. Les ingénieurs l’ont optimisé, la version 2012 sera bien mieux. Maintenant, on le constatera lors de la Cape Epic, il n’y a quasiment plus de 26″ au départ, c’est incroyable. La tendance est au 29″ c’est certain. Vu mon gabarit (1,92 mètre), le VTT en 29″ est idéal. Chaque début d’année, Bulls me demande si je veux un 26 ou 29… Pour moi c’est du 29″, c’est définitif. Quand je suis sur un 26″ j’ai l’impression de faire du BMX. Il faut être vigilant à la pression des pneus aussi, on gonfle moins pour une meilleure adhérence, un bon rendement et un peu plus de confort.

Tu as 37 ans, as-tu déjà pensé à ton après-carrière sportive ?
La fin de carrière, j’y pense forcement, même si en 2011 j’ai resigné pour deux ans avec une troisième année en option avec le Team Bulls. J’ai 37 ans, je dois y penser, mais ma reconversion se fera dans le vélo, forcément. Je pense déjà à créer un centre cycliste en Alsace pour faire partager ma passion, c’est en projet et ça avance.

En France, la tendance marathon a du mal à percer et voir son niveau sportif s’élever. Toi qui évolue dans une structure allemande ou le VTT marathon est une culture, comment perçois-tu la position française ?
C’est dommage… Moi je vais courir trois ou quatre fois en France en fin d’année pour les courses que j’ai citées avant. Mais en France il y a très peu de courses professionnelles en VTT marathon et c’est dommage. Il y a une autre culture dans les autres pays, notamment en Allemagne… Mais c’est même dans l’approche générale que c’est différent : les gens prennent le vélo pour se balader le week-end, ou aller au travail. C’est regrettable et j’espère que les mentalités vont évoluer pour voir plus de courses de ce type en France. On revient à l’essence du VTT avec les marathons, loin de la lassitude des courses de cross-country répétitives sur des circuits courts en boucle. En Allemagne, il y a plus de courses professionnelles, plus de courses par étapes et je participe régulièrement à des épreuves avec 2000, 3000 voire 5000 participants entre l’Allemagne, l’Italie, la Suisse ou l’Autriche. Je dispose d’un calendrier riche de belles épreuves.

Quel est ton avis sur la composition de la sélection française pour les JO de Londres ?
Chez les filles je ne sais pas trop, donc pas d’avis, mais chez les hommes ça pourrait être Absalon, Marotte et Tempier. Julien Absalon est sûr d’y être, il est champion olympique… Et c’est une moto ! Pour le moment Tempier et Marotte sont les mieux placés pour l’accompagner. Mais je pense qu’il faut voir plus large que la sélection… Il faut viser quelque chose sur les JO et y aller pour faire un résultat, pas juste y participer au sein de la sélection française. Je pense que les trois pilotes précités peuvent faire un résultat et ont de bonnes chances de médailles pour notre pays.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Trauchessec en Afrique du Sud.