L’affaire a été traitée en toute discrétion mais sa révélation aujourd’hui fait grand bruit. Grégory Baugé (US Créteil), le sprinteur fétiche de l’équipe de France, va devoir rendre les deux  titres mondiaux acquis sur la piste d’Apeldoorn. La raison ? A trois reprises, dans le courant de l’année 2010, le Guadeloupéen a manqué de se localiser. Et voilà que l’on reparle du système ADAMS et de ses impitoyables contraintes, qui n’autorisent les athlètes qu’à deux erreurs de localisation en dix-huit mois. Baugé en a commis trois, la dernière en décembre 2010, et c’est un motif de suspension. Saisie dix mois plus tard par l’Union Cycliste Internationale, le 30 septembre dernier, la Fédération Française de Cyclisme a dû appliquer le règlement : elle a condamné Grégory Baugé à une suspension rétroactive d’un an, du 23 décembre 2010 au 22 décembre 2011.

On aurait pu en rester là, personne n’en aurait rien su, mais l’Union Cycliste Internationale s’est interrogée sur un point : si Grégory Baugé était suspendu durant cette période, il ne pouvait donc pas disputer les Championnats du Monde et y conquérir les tournois de vitesse individuelle et par équipes (avec Kevin Sireau et Michaël D’Almeida). Par conséquent, elle a ajouté une sanction : « tous les résultats obtenus par le coureur et par toute équipe dont il fut membre pendant cette période sont nuls. » Oui mais voilà, la FFC rappelle qu’elle avait « expressément exclu de son dispositif l’invalidité des résultats obtenus. » La fédé dénonce un « acte unilatéral de l’Union Cycliste Internationale » et « s’interroge sur le point de savoir comment une décision d’un organe disciplinaire peut être réformée sans qu’aucun recours à l’instance d’appel, le Tribunal Arbitral du Sport, n’ait été formulé dans les délais impartis. » Ça tourne au couac !

Car contrairement au cas d’un coureur comme Alberto Contador, qui a continué à cumuler les résultats alors qu’il est sous le coup d’une procédure, Grégory Baugé n’était nullement suspendu ni poursuivi disciplinairement avant que ne soit ouverte une enquête en fin d’année 2011. C’est d’ailleurs ces retards pris par l’UCI dans la gestion du dossier Baugé qui ont invité la commission disciplinaire française à promulguer, le 8 novembre dernier, une sanction rétroactive, estimant que dans de telles circonstances une annulation de ses résultats n’était pas justifiée. « La FFC regrette les manquements de Grégory Baugé dans l’accomplissement de ses obligations de localisation, mais elle regrette tout autant la légèreté avec laquelle l’UCI a géré ce dossier épineux », conclut la fédération. Malheureusement, l’autre point noir, c’est qu’il est désormais trop tard pour faire appel de la sanction devant le TAS. Baugé devra rendre ses titres.

Sacré champion du monde de vitesse individuelle trois fois de suite, en 2009, 2010 et 2011, Grégory Baugé était le premier sprinteur à avoir réalisé pareil exploit depuis Florian Rousseau (1996, 1997, 1998), qui l’entraîne aujourd’hui à l’INSEP. Son titre mondial devrait revenir à son second à Apeldoorn, l’Australien Shane Perkins. Mais la sanction dont fait les frais le sprinteur basé en région parisienne a d’autres répercussions. Kevin Sireau et Michaël D’Almeida, sacrés avec lui en vitesse par équipes, vont eux aussi devoir rendre leur maillot arc-en-ciel, qui sera remis au trio allemand Enders-Levy-Nimke. Dans ce véritable raz-de-marée, une seule bonne nouvelle. Les décisions prises ne remettent aucunement en cause le déroulement de la saison 2012 de Grégory Baugé ni sa participation aux Jeux Olympiques de Londres l’été prochain.