On avait promis le titre mondial 2013 à un grand champion, tant la sélectivité du circuit de Florence, un tracé de 16,6 kilomètres jonché de deux difficultés, était sans commune mesure avec celle des précédents Mondiaux. On avait seulement omis de prendre un paramètre en compte, pensant que ce début d’automne en Toscane serait synonyme de soleil et de douceur. Ce fut le cas toute la semaine. Mais le jour qui se lève ce matin fait place à une morne journée. Il pleut. Et pas qu’un peu ! C’est une pluie battante qui va longtemps accompagner les coureurs qui s’élancent à l’assaut du maillot arc-en-ciel. Elle ne s’éclipsera que dans les trois derniers tours de circuit. La route est gorgée d’eau, les concurrents emmitouflés dans les vêtements chauds. Ce Championnat du Monde 2013 en terre italienne n’en sera que plus spectaculaire. Plus élitiste encore.

Dans de telles circonstances, on sait bien que les candidats au titre ne se découvriront que dans la dernière heure. Mais au moment où ils entreront en scène, une intense sélection aura déjà eu lieu. Sous la pluie et sur les routes détrempées, les masques tombent rapidement derrière l’échappée matinale lancée tout de go par Jan Barta (République Tchèque), Matthias Brandle (Autriche), Rafaa Chtioui (Tunisie), Yonder Godoy (Venezuela) et Bartosz Huzarski (Pologne). Les cinq de tête pénètrent sur le circuit florentin avec 7’44 » d’avance sur un peloton piloté par la Squadra Azzurra. Et le tempo mené par les Italiens, associé à des conditions climatiques dantesques, pèse bientôt dans les jambes des moins aguerris. A 125 kilomètres de l’arrivée, le peloton explose déjà dans le sillage des transalpins. L’orage gronde pour un certain nombre de favoris qui dévoilent leurs limites. Mais les Italiens n’insistent pas.

Si loin du but, il faut ménager les troupes. Déjà, un nombre certain de prétendants au titre a été éliminé. A cette sélection par l’arrière il convient maintenant de remuer la course à l’avant. Et de reprendre les derniers échappés au premier rang desquels Jan Barta et Bartosz Huzarski, qui font de la résistance jusqu’à trois tours de l’arrivée. Du peloton le mouvement est venu de Cyril Gautier ! Le Français tente de secouer la meute mais c’est flanqué de Giovanni Visconti (Italie) qu’il gomme progressivement le retard sur l’échappée matinale. Finalement seul Visconti saura rentrer sur Huzarski, avant que les deux hommes ne soient revus dans la montée de Fiesole (4,4 km à 5,2 %) à moins de 30 kilomètres de l’arrivée. Le peloton, réduit à une petite quarantaine d’unités, est regroupé. La bataille augurée entre les meilleurs peut être lancée.

Quatre champions pour un titre : Costa, Nibali, Rodriguez et Valverde.

Bien sûr, c’est encore vers la Squadra Azzurra que se portent toutes les attentions. Et notamment sur Vincenzo Nibali, revenu dans le peloton après une mauvaise chute sur l’asphalte trempé. Le cuissard déchiré sur les deux cuisses, le Sicilien semble néanmoins en pleine possession de ses moyens. L’assaut final se précise alors qu’une audacieuse offensive de Romain Bardet dans le Via Salviati (600 mètres à 10,2 %) à 20 kilomètres de l’arrivée est aussitôt contestée par les Italiens. C’est le dernier tour de circuit qui désignera l’identité du nouveau champion du monde. Et c’est sur l’ascension de Fiesole que se dessine la présélection. Une attaque de Michele Scarponi lance cinq coureurs au commandement : les Espagnols Joaquim Rodriguez et Alejandro Valverde, le Portugais Rui-Alberto Faria Da Costa, l’Italien Vincenzo Nibali et le Colombien Rigoberto Uran, lequel va jouer de malchance et chuter lourdement dans la section descendante.

Le Fiesole, tant dans sa partie ascendante que descendante, a fait la décision. Quatre coureurs, et non des moindres, sont désormais en lice pour le titre mondial : Faria Da Costa, Nibali, Rodriguez et Valverde. Le quatuor plonge vers l’ultime rampe de ce Mondial, celle de Via Salviati, mais dans cet affrontement entre puncheurs, c’est dans la descente que préfère s’essayer Joaquim Rodriguez. Le Catalan fait le trou sur ses adversaires, or la butte de Salvati va paradoxalement le stopper dans son élan et permettre, sur l’insistance du seul Vincenzo Nibali, un regroupement des quatre coureurs les plus costauds de ce Championnat du Monde. Tout est à refaire au sommet de ce dernier obstacle. Qui de Rui-Alberto Faria Da Costa, Vincenzo Nibali, Joaquim Rodriguez et Alejandro Valverde deviendra champion du monde à Florence ?

Une fois encore, c’est Joaquim Rodriguez qui se montre le plus entreprenant. L’Espagnol repart à la relance et semble une fois encore avoir fait le trou. Mais dans les rues de Florence, la dernière ligne droite offre à ses adversaires un point de mire fatidique à l’homme de tête. C’est Rui-Alberto Faria Da Costa qui parvient à se défaire de Valverde et Nibali, attachés à se marquer. Le Portugais est lancé à la poursuite de l’Espagnol, qu’il rejoint à quelques hectomètres du but. Joaquim Rodriguez coupe son effort, s’étonne de la situation de course et de l’absence de son compatriote. Il vient de saisir que le titre lui avait échappé pour de bon, car au sprint Rui Costa va plus vite et le Portugais ne lui laisse aucune chance. Au sommet de sa carrière à 26 ans, le double vainqueur du Tour de Suisse et triple lauréat d’étape sur le Tour de France devient champion du monde devant les Espagnols Joaquim Rodriguez et Alejandro Valverde.

Classement :

1. Rui-Alberto Faria Da Costa (POR, Portugal) les 272,3 km en 7h25’44 » (36,7 km/h)
2. Joaquim Rodriguez (ESP, Espagne) m.t.
3. Alejandro Valverde (ESP, Espagne) à 16 sec.
4. Vincenzo Nibali (ITA, Italie) m.t.
5. Andriy Grivko (UKR, Ukraine) à 31 sec.
6. Peter Sagan (SVQ, Slovaquie) à 34 sec.
7. Simon Clarke (AUS, Australie) m.t.
8. Maxim Iglinskiy (KAZ, Kazakhstan) m.t.
9. Philippe Gilbert (BEL, Belgique) m.t.
10. Fabian Cancellara (SUI, Suisse) m.t.