L’histoire qui lie le Tour de France et Hautacam est tourmentée. Pour la cinquième fois en vingt ans, la Grande Boucle fait étape dans cette station qui surplombe Argelès-Gazost. Lors de son premier passage, Luc Leblanc s’était imposé dans la brume en 1994 au terme d’un sprint d’anthologie face à Miguel Indurain tandis que le déluge s’abattait lors de la victoire de Javier Otxoa en 2000. Lorsque les conditions météo ont épargné les coureurs du Tour, l’atmosphère y était presque étouffante. Non pas en raison d’un mercure qui s’est subitement élevé, mais en raison des prestations trop stratosphériques pour être vraies de Bjarne Riis en 1996 et de Leonardo Piepoli en 2008. Aujourd’hui, même si la brume surplombe les cimes pyrénéennes, le jaune de Vincenzo Nibali (Astana) va éblouir de sa classe toute la caravane.

Depuis que Chris Froome et Alberto Contador ont prématurément quitté la course, l’Italien se retrouve privé de camarades de jeu à son niveau. Bien sûr, les prestations des Français sont éblouissantes, mais les tricolores n’ont jamais poussé le requin de Messine dans ses retranchements. Intouchable dès que la route s’élève, le Sicilien, pour cette dernière étape pyrénéenne, va mettre un point d’honneur à démontrer, si besoin était encore, qu’il est le patron de ce Tour 2014. Et tant pis si quelques rabat-joies parleront de victoire au rabais dimanche sur les Champs-Élysées. De cette 18ème étape, on retiendra donc avant tout le panache du Maillot Jaune qui voulait un peu plus enfoncer le clou avant le dernier grand rendez-vous de cette 101ème Grande Boucle : le contre-la-montre à Bergerac.

Avant de quitter les Pyrénées, Vincenzo Nibali voulait donc aller récolter un quatrième bouquet en plus des seize lions en peluches qu’il a amassées depuis le Grand Départ. Tant pis pour cette échappée de vingt coureurs qui prend les devants avant les premières difficultés de la journée, mais qui montre bien vite des signes d’agacement à la vue d’un écart qui dépasse à peine les quatre minutes. Tant pis aussi pour Blel Kadri (Ag2r La Mondiale) et Mikel Nieve (Team Sky) qui tentent de relancer l’allure dès les premières pentes du Tourmalet. Mais l’écart qu’ils possèdent au sommet ne laisse aucun doute quant à la possibilité d’une victoire d’étape de prestige. Ce dernier est trop faible pour espérer quoi que ce soit. Après avoir lâché Kadri dès le pied d’Hautacam, Nieve voit revenir sur lui un TGV nommé Nibali à 9,5 kilomètres de la ligne.

Nibali en démonstration à Hautacam, les Français montent sur le podium !

Car les coéquipiers de l’Italien n’ont pas hésité à mettre en route dans la vallée après avoir laissé le soin aux FDJ.fr et aux BMC de mener la cadence pendant la descente du Tourmalet où Alejandro Valverde (Movistar Team) a tenté un coup. Le collectif espagnol a adopté la même tactique qu’hier en plaçant deux hommes dans l’échappée. Jésus Herrada et Jon Izagirre ont beau se mettre à la planche pour leur leader, l’écart avec le peloton des favoris est rapidement limité. Et avant d’attaquer la vallée qui mène à Hautacam, le coup de génie se transforme vite en coup d’épée dans l’eau. Finalement, ce qui pouvait être considéré comme un coup de panache n’était peut-être qu’un moyen de cacher un coup de pompe du Murcian. Dans la montée finale, Nibali est parti depuis bien longtemps lorsque Alejandro Valverde craque à 5,5 kilomètres du sommet.

Les autres prétendants au podium n’ont même pas tenté de suivre le rythme infernal du Sicilien parti dès les premières pentes. Cette montée d’Hautacam n’est que la confirmation de ce que l’on sentait : en montagne, Nibali est seul au monde. Quelques lacets derrière cette parade de l’empereur, le podium se joue dans ce dernier col pyrénéen. Le coup de moins bien d’Alejandro Valverde pousse Thiabut Pinot à prendre les choses en main. Sur les rampes abruptes de cette montée grimpée sous la pluie par des milliers de cyclo dimanche dernier, l’Espagnol peine à trouver son rythme. Comme hier, mais cette fois sans l’aide de ses coéquipiers, il se ressaisit pour se poster en tête d’un groupe parti en chasse d’un trio composé de Thibaut Pinot, Jean-Christophe Péraud et Tejay Van Garderen (BMC Racing Team).

Le chrono de Bergerac donnera les écarts définitifs, mais ce soir, Alejandro Valverde ne figure plus sur le podium de la Grande Boucle. Le jaune et rouge du drapeau espagnol a cédé sa place aux couleurs du drapeau français. Pour une poignée de secondes, Thibaut Pinot et Jean-Christophe Péraud parviennent à monter sur le podium au soir de la dernière étape de montagne, respectivement aux 2ème et 3ème places. Mais les écarts sont minimes et le seul chrono de ce Tour de France sera définitif avec seulement quinze secondes entre le 2ème et le 4ème. Une broutille en comparaison des 7’10 » d’avance que possède un Vincenzo Nibali en démonstration ce soir. Le Tour est certes joué, mais le suspense est à son comble. Paradoxe d’une 101ème édition de la Grande Boucle mémorable en tout point.

Demain, l’étape entre Maubourguet Pays du Val d’Adour et Bergerac (208,5 km) servira de transition entre le dernier massif et le chrono.

Classement 18ème étape :

1. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) les 145,5 km en 4h04’17 » (35,7 km/h)
2. Thibaut Pinot (FRA, FDJ.fr) à 1’10 »
3. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) à 1’12 »
4. Jean-Christophe Péraud (FRA, Ag2r La Mondiale) à 1’15 »
5. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) m.t.
6. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) à 1’53 »
7. Bauke Mollema (PBS, Belkin) à 1’57 »
8. Leopold Konig (TCH, Team NetApp-Endura) m.t.
9. Haimar Zubeldia (ESP, Trek Factory Racing) à 1’59 »
10. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) m.t.

Classement général :

1. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) en 80h45’45 »
2. Thibaut Pinot (FRA, FDJ.fr) à 7’10 »
3. Jean-Christophe Péraud (FRA, Ag2r La Mondiale) à 7’23 »
4. Alejandro Valverde (ESP Movistar Team) à 7’25 »
5. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) à 9’27 »
6. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 11’34 »
7. Bauke Mollema (PBS, Belkin) à 13’56 »
8. Laurens Ten Dam (PBS, Belkin) à 14’15 »
9. Leopold Konig (TCH, Team NetApp-Endura) à 14’37 »
10. Haimar Zubeldia (ESP, Trek Factory Racing) à 16’25 »

Classement par points :

1. Peter Sagan (SVQ, Cannondale) 408 pt
2. Bryan Coquard (FRA, Team Europcar) 253 pt
3. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) 217 pt
4. Marcel Kittel (ALL, Giant-Shimano) 177 pt
5. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 169 pt
6. Mark Renshaw (AUS, Omega Pharma-Quick Step) 153 pt
7. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) 147 pt
8. André Greipel (ALL, Lotto-Belisol) 143 pt
9. Tony Gallopin (FRA, Lotto-Belisol) 105 pt
10. Samuel Dumoulin (FRA, Ag2r La Mondiale) 99 pt

Classement de la montagne :

1. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) 181 pt
2. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 168 pt
3. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 112 pt
4. Thibaut Pinot (FRA, FDJ.fr) 89 pt
5. Jean-Christophe Péraud (FRA, Ag2r La Mondiale) 85 pt
6. Alessandro De Marchi (ITA, Cannondale) 78 pt
7. Thomas Voeckler (FRA, Team Europcar) 61 pt
8. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) 54 pt
9. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 48 pt
10. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) 48 pt

Classement des jeunes :

1. Thibaut Pinot (FRA, FDJ.fr) en 80h52’55 »
2. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) à 2’17 »
3. Michal Kwiatkowski (POL, Omega Pharma-Quick Step) à 1h01’45 »
4. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Shimano) à 1h40’19 »
5. Jon Izagirre (ESP, Movistar Team) à 1h45’47 »
6. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) à 2h00’40 »
7. Rudy Molard (FRA, Cofidis) à 2h20’37 »
8. Benjamin King (USA, Garmin-Sharp) à 2h27’53 »
9. Tom Jelte-Slagter (PBS, Garmin-Sharp) à 2h31’35 »
10. Peter Sagan (SVQ, Cannondale) à 2h41’33 »

Classement de la combativité :

1. Mikel Nieve (ESP, Team Sky)

Classement par équipes :

1. Ag2r La Mondiale (FRA) en 242h40’57 »
2. Belkin (PBS) à 28’33 »
3. Movistar Team (ESP) à 1h05’47 »
4. BMC Racing Team (USA) à 1h12’25 »
5. Team Europcar (FRA) à 1h26’50 »
6. Team Sky (GBR) à 1h32’46 »
7. Astana (KAZ) à 1h39’06 »
8. Trek Factory Racing (USA) à 2h05’49 »
9. Lampre-Merida (ITA) à 2h29’02 »
10. FDJ.fr (FRA) à 2h30’20 »