Quelle mouche a donc piqué les trois grands d’Italie hier, Fabio Aru (Astana), Alberto Contador (Tinkoff-Saxo) et Richie Porte (Team Sky) ? Loin des scénarios aseptisés des premières semaines de Grands Tours traditionnellement dédiées aux sprinteurs et aux seconds couteaux, les favoris semblent fermement décidés à croiser le fer dès que les routes se cabrent dans les premiers jours de course. Et ce avant même la première arrivée au sommet aujourd’hui à Abetone. Avec 17,3 kilomètres à 5,4 %, et au vu des difficultés qui attendent encore le peloton dans les deux semaines et demie qui viennent, on aurait très bien pu penser que cette difficulté serait escamotée, même si elle était le premier rendez-vous pointé par les observateurs avant le Grand Départ de ce Tour d’Italie qui ne s’annonce pas tout à fait comme les autres.

A dire vrai, c’est à un scénario de ce type vers lequel le peloton se dirige quand il franchit le panneau annonçant l’entrée dans les cinq derniers kilomètres. Les favoris s’observent et temporisent alors qu’à l’avant, l’échappée est bien partie pour se disputer le gain de l’étape. Sylvain Chavanel (IAM Cycling), Silvan Dillier (BMC Racing Team), Axel Domont (Ag2r La Mondiale), Jan Polanc (Lampre-Merida) et Serghei Tvetcov (Androni-Sidermec) ont pu bénéficier de la bénédiction du peloton pour porter leur avance au-delà des 10 minutes. Celle-ci s’est considérablement réduite quand ils attaquent le pied de la longue montée finale, surtout difficile dans sa partie centrale, mais tout reste possible avec 6’30 » de marge.

Mais pour espérer monter sur le podium et recevoir le traditionnel baiser des hôtesses italiennes, il ne faut pas tarder en cours de route. Sylvain Chavanel l’a bien compris. Même s’il a « encore du pain sur la planche avant de pouvoir montrer quelque chose » , comme il le reconnaissait lui même après l’étape de la veille terminée dans le gruppetto, il n’en demeure pas moins l’élément le plus expérimenté du groupe de tête. Malheureusement, comme il le laissait supposer, les jambes du Châtelleraudais ne sont pas encore tout à fait au rendez-vous. En tout cas, pas assez pour supporter le démarrage de Jan Polanc à 10,6 kilomètres de l’arrivée. Le Slovène creuse immédiatement l’écart et même s’il entame la poursuite, Sylvain Chavanel ne parvient pas à recoller au coureur de l’équipe Lampre-Merida qui affiche encore une belle aisance.

Alberto Contador coupe l’herbe sous le pied de Fabio Aru et prend le maillot rose.

Telle est donc la situation à 5 kilomètres de l’arrivée et ce n’est qu’à ce moment que les choses vont s’emballer. L’équipe Astana ayant manifestement bien récupéré de son coup de force de la veille se montre une nouvelle fois active pour préparer le terrain pour Fabio Aru. C’est pourtant Alberto Contador qui surprend son monde. L’Espagnol coupe l’herbe sous le pied du grimpeur sarde et porte la première offensive. L’attaque est puissante, longue et elle permet de confirmer la hiérarchie de la veille. Le trio d’hommes forts constitué de Aru, Porte et Contador se dégage nettement du reste de la meute. Chacun leur tour, les trois leaders tenteront de distancer leurs rivaux. Les pourcentages de la montée vers Abetone n’étaient manifestement pas encore suffisants pour créer des différences entre ces trois-là qui rallient la ligne dans le même temps.

Une nouvelle fois, il n’y a donc pas de trace de Rigoberto Uran (Etixx-Quick Step) aux côtés de ceux qui devaient être ses camarades de jeu. Encore incapable de suivre leur accélération, le Colombien concède 28 nouvelles secondes. Rien d’irrémédiable, mais ce n’est jamais bon signe. Le podium du Giro est-il déjà connu ? C’est possible, sauf énorme coup d’arrêt de l’un des trois prétendants. Dans quel ordre ? Nul ne le sait, mais ce soir, le maillot rose atterrit sur les épaules de Contador qui possède 2 secondes d’avance sur Aru et 20 sur Porte. Jamais l’Espagnol n’avait pris au cours de sa carrière un maillot de leader d’un Grand Tour si tôt dans l’épreuve. Mais jamais il n’a cédé les commandes d’un classement général après les avoir prises. Peut-il le faire avec encore seize étapes à couvrir ? La réponse ne devrait pas tarder à venir.

A ces cadors il manque encore une chose pour laquelle aucun d’entre eux n’a lutté : la victoire d’étape. Ce n’est pas encore pour aujourd’hui et Jan Polanc perpétue la tradition des outsiders triomphant sur les premières arrivées en altitude du Giro. Le Slovène résiste au retour des grands leaders sur les dernières rampes de la montée, faisant parler ses qualités de grimpeur déjà aperçues sur le Tour d’Italie l’an dernier. Pour son premier Grand Tour, celui qui possède un gabarit taillé pour la montagne (1,72 m, 59 kg) prenait la 4ème place à l’arrivée à Oropa. Un an plus tard, le voilà sur la plus haute marche du podium. Comme Davide Formolo hier, Jan Polanc, ancien vainqueur du Petit Tour de Lombardie chez les Espoirs, a sacrément bien choisi sa course pour signer sa première victoire chez les pros !

Demain, les sprinteurs devraient se mettre en valeur entre Montecatini Terme et Castiglione della Pescaia (183 km).

Classement 5ème étape :

1. Jan Polanc (SLO, Lampre-Merida) en 4h09’18 »
2. Sylvain Chavanel (FRA, IAM Cycling) à 1’31 »
3. Fabio Aru (ITA, Astana) m.t.
4. Alberto Contador (ESP, Tinkoff-Saxo) m.t.
5. Richie Porte (AUS, Team Sky) m.t.
6. Mikel Landa (ESP, Astana) à 1’44 »
7. Dario Cataldo (ITA, Astana) à 1’53 »
8. Yury Trofimov (RUS, Team Katusha) m.t.
9. Damiano Caruso (ITA, BMC Racing Team) m.t.
10. Darwin Atapuma (COL, BMC Racing Team) m.t.

Classement général :

1. Alberto Contador (ESP, Tinkoff-Saxo) en 16h05’54 »
2. Fabio Aru (ITA, Astana) à 2 sec.
3. Richie Porte (AUS, Team Sky) à 20 sec.
4. Roman Kreuziger (TCH, Tinkoff-Saxo) à 22 sec.
5. Dario Cataldo (ITA, Astana) à 28 sec.
6. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) à 37 sec.
7. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) à 56 sec.
8. Mikel Landa (ESP, Astana) à 1’01 »
9. Davide Formolo (ITA, Cannondale-Garmin) à 1’15 »
10. Andrey Amador (CRC, Movistar Team) à 1’18 »

Classement par points :

1. Elia Viviani (ITA, Team Sky) 53 pt
2. Marco Frapporti (ITA, Androni-Sidermec) 40 pt
3. Moreno Hofland (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 35 pt
4. Jan Polanc (SLO, Lampre-Merida) 34 pt
5. Davide Formolo (ITA, Cannondale-Garmin) 26 pt
6. Philippe Gilbert (BEL, BMC Racing Team) 26 pt
7. Simon Clarke (AUS, Orica-GreenEdge) 26 pt
8. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) 25 pt
9. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) 25 pt
10. Sylvain Chavanel (FRA, IAM Cycling) 23 pt

Classement de la montagne :

1. Jan Polanc (SLO, Lampre-Merida) 15 pt
2. Pavel Kochetkov (RUS, Team Katusha) 15 pt
3. Davide Formolo (ITA, Cannondale-Garmin) 14 pt
4. Edoardo Zardini (ITA, Bardiani-CSF) 14 pt
5. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) 12 pt
6. Sylvain Chavanel (FRA, IAM Cycling) 10 pt
7. Axel Domont (FRA, Ag2r La Mondiale) 7 pt
8. Fabio Aru (ITA, Astana) 6 pt
9. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) 6 pt
10. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) 6 pt

Classement des jeunes :

1. Fabio Aru (ITA, Astana) en 16h05’56 »
2. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) à 35 sec.
3. Davide Formolo (ITA, Cannondale-Garmin) à 1’13 »
4. Francesco-Manuel Bongiorno (ITA, Bardiani-CSF) à 15’43 »
5. Jan Polanc (SLO, Lampre-Merida) à 17’16 »
6. Tsgabu Grmay (ETH, Lampre-Merida) à 18’22 »
7. Kenny Elissonde (FRA, FDJ) à 19’38 »
8. Fabio Felline (ITA, Trek Factory Racing) à 20’01 »
9. Silvan Dillier (SUI, BMC Racing Team) à 21’35 »
10. Jesus Herrada (ESP, Movistar Team) à 22’31 »

Classement par équipes :

1. Astana (KAZ) en 47h39’59 »
2. BMC Racing Team (USA) à 43 sec.
3. Team Sky (GBR) à 2’23 »
4. Tinkoff-Saxo (RUS) à 3’43 »
5. Movistar Team (ESP) à 5’14 »
6. Cannondale-Garmin (USA) à 15’54 »
7. Lotto-Soudal (BEL) à 25’09 »
8. Orica-GreenEdge (AUS) à 30’22 »
9. Lampre-Merida (ITA) à 30’45 »
10. Bardiani-CSF (ITA) à 32’35 »