C’est une butte en herbe qui surplombe l’estuaire de la Tamise, là où le fleuve londonien se jette dans la mer du Nord. Hadleigh Farm est un site bucolique retenu pour la déclivité qu’il propose aux compétiteurs, choisi pour la visibilité qu’il offre aux spectateurs. Pour satisfaire à toutes les exigences, les organisateurs ont déniché cette prairie vallonnée (172 mètres de dénivelé) et exposée au vent, y ont fait pousser des cailloux sur 4,7 kilomètres de sentiers, pour y créer de toutes pièces un circuit VTT entièrement artificiel, parfaitement télévisuel. Ceux qui avaient voulu prêter à ce circuit des caractéristiques proches de celui d’un cyclo-cross se sont grossièrement mépris. Puisque tout n’est qu’artifice, ce n’est peut-être pas du vrai VTT dans le sens noble du terme, mais c’est engagé, physique, technique. A l’adresse des top pilotes.

Un soleil de plomb tout juste rafraîchi par l’air du large cogne ce midi sur les sentiers anglais, où les filles s’apprêtent à casser du caillou pendant six tours. Alors que l’incertitude prédomine quant au déroulement de la course olympique sur ce tracé atypique, la liste des candidates au podium est longue. Il y a du lourd chez les féminines, mais très vite la technique va prévaloir sur le physique, le terme « pilote » alloué aux vététistes prendre tout son sens, et les différences se créer sur l’habileté à manœuvrer. Avant de penser à gagner la course pour l’or, il faudra songer à ne pas la perdre. Gunn-Rita Dahle, revenue à son plus haut niveau à 39 ans, rêvait d’un second titre olympique après celui d’Athènes, mais le circuit la désavantage et elle se rate dès le premier pierrier descendant. Pour la confiance, il y a mieux qu’une chute comme entrée en matière. Victime plus tard d’une crevaison, la Norvégienne sera restée hors des Jeux.

Une à qui l’air du pays donne des ailes, c’est Annie Last. La Britannique ne sent pas ses pédales dans les premières minutes de course. Devant son public, et sur un circuit qu’elle a apprivoisé mieux que quiconque, c’est elle qui réalise la toute première sélection. Et déjà, Julie Bresset a ferré le poisson-pilote. Dans la roue de l’Anglaise, elle se fait emmener à bonne allure, concentrée sur son coup de pédale aérien, quand la Canadienne Catharine Pendrel a eu du mal à se mettre dans l’allure et que la Russe Irina Kalentieva a été rétrogradée après un léger accrochage avec Bresset, l’unique faute technique que commettra la Bretonne. Tout cela ne suffit pas à faire la différence, mais déjà ça place la Française dans les meilleures dispositions, elle qui a volontairement décidé de se brider dans les trois premiers tours avant de prendre son envol.

Au moment où Julie Bresset se détache, Sabine Spitz et Georgia Gould sont retardées par une maladresse.

Si le circuit des Jeux Olympiques est artificiel, le talent de sa conquérante ne pourra être que naturel. Après un gros début de course, Annie Last est rattrapée par la réalité et remise à sa place. A la fin du deuxième tour, elle commence à accuser le coup. Julie Bresset ayant eu le temps de jauger ses adversaires, elle se glisse devant et fait tout doucement pression. L’Allemande Sabine Spitz lui résiste, l’Américaine Georgia Gould aussi, en revanche la super favorite Catharine Pendrel apparaît définitivement en retrait. Avant la mi-course, le podium de ces Jeux 2012 est en train de prendre forme, et Julie Bresset s’attache à creuser l’écart avec les filles moins en verve. La championne du monde Espoirs porte un coup de semonce en se portant en tête dans toutes les sections techniques, franchissant les torrents de roche avec agilité, gravissant les portions physiques avec souplesse. A la pédale, elle commence à se démarquer.

A la mi-course, l’heure est venue pour Julie Bresset d’accentuer ses efforts. Un petit écart s’est formé sur les deux filles qui l’accompagnaient jusqu’alors, et le trou va brusquement s’accroître lorsque Sabine Spitz, à l’entame du quatrième tour, se rate dans un des nombreux pierriers descendants. La championne olympique en titre passe par-dessus son guidon, sans mal, mais sa lucidité est entamée et l’Américaine qu’elle tracte dans sa roue, Georgia Gould, est elle aussi retardée. L’écart est soudain évalué à une vingtaine de secondes. Ces éléments-là sont les seuls que Julie Bresset ne maîtrise pas, mais ils vont décidément dans le sens de la Bretonne, seule devant dans les trois derniers tours, et qui s’avance sereinement vers le titre olympique, couronnement d’une course parfaite durant laquelle tout aura absolument fonctionné pour elle.

Née le 9 juin 1989 à Saint-Brieuc, la pilote du team BH-SR Suntour-Peisey Vallandry s’en va non seulement décrocher le titre suprême dans la carrière d’un pilote VTT, mais elle s’affirme à 23 ans parmi les toutes meilleures au monde, statut duquel elle s’était approchée l’an dernier en s’adjugeant la Coupe du Monde puis en devenant championne du monde Espoirs. Après la consécration, c’est un aboutissement dont elle nous gratifie en ce samedi après-midi, qu’elle boucle dans la liesse et l’allégresse et qui restera forcément parmi les plus beaux jours de sa vie. Sacrée championne olympique devant Sabine Spitz et Georgia Gould, qu’elle précède d’une minute, Julie Bresset efface en une course la déception profonde du BMX, où l’on espérait au moins deux médailles hier. Et l’on espère déjà que son triomphe olympique boostera les garçons. Demain, un autre challenge attend Julien Absalon. La conquête d’un troisième titre.

Classement :

1. Julie Bresset (France) en 1h30’52 »
2. Sabine Spitz (Allemagne) à 1’02 »
3. Georgia Gould (Etats-Unis) à 1’08 »
4. Irina Kalentieva (Russie) à 1’41 »
5. Esther Süss (Suisse) à 1’54 »
6. Alexandra Engen (Suède) à 2’16 »
7. Aleksandra Dawidowicz (Pologne) à 2’28 »
8. Annie Last (Grande-Bretagne) à 2’55 »
9. Catharine Pendrel (Canada) à 3’36 »
10. Tanja Zakelj (Slovénie) à 3’49 »