Christian, comment expliques-tu que les fabricants américains des débuts soient parvenus à étendre leur marque au niveau mondial alors que les premiers fabricants européens ont aujourd’hui disparu ?
C’est l’évolution du milieu du vélo. Auparavant, tous les magasins étaient des revendeurs individuels. Chaque enseigne travaillait avec les marques avec lesquelles elle voulait travailler. Par la suite, il y a eu des regroupements. Par exemple en France, beaucoup de magasins sont franchisés dans le but de proposer à la clientèle des prix les plus réduits possible en ayant des marges intéressantes, mais aussi en proposant de nombreux produits sans avoir l’obligation de les stocker en permanence. Une organisation s’est crée au niveau des réseaux des revendeurs. Ce n’est par contre pas le cas en Suisse où il n’y a pas de réseau comme il y en a chez nous. Certaines marques devaient prendre un virage, mais il devait avoir derrière des capacités financières pour bien le négocier. Chez Cycleurope, nous avons onze marques dans le groupe. Le nerf de la guerre c’est le prix du vélo ou plutôt le rapport qualité de prix et l’image de la marque vont faire la différence. Quand une marque individuelle demande des tarifs chez Shimano pour 1000 ou 2000 vélos, ce n’est pas la même chose que lorsque de gros groupes demandent des tarifs pour 1 million. On change de colonne dans les prix d’achat. On réduit nos prix de revient, le revendeur paye moins cher on augmente nos marges, le vélo est moins cher que la concurrence. La guerre a été là.

Il faut aussi travailler sur l’image…
Pas mal de marques ont raté ce coche. Certaines marques sont très dures à travailler au niveau de l’image. Je prends l’exemple de Stronglight qui doit concurrencer Shimano et SRAM. Même en mettant des millions sur la table, ce n’est pas certain qu’ils parviennent à les concurrencer, car l’image est là et le travail qui a été fait à ce sujet est énorme. On le voit très bien avec Definitive chez Cycleurope. Il y a de super vélos, les choses sont bien abouties, on est un top, mais le problème c’est la communication. Il faut un gros investissement et avoir deux choses à l’esprit : l’argent qui est mis sur la table et ce que l’on récolte. Il faut faire rêver les clients et ne pas oublier qu’il s’agit de loisir.

Que veux-tu dire ?
À part le vélo utile où on touche un public qui n’est pas forcément passionné et connaisseur et qui cherche un produit et un prix adaptés à ce qu’il veut faire, le vélo loisir reste le cœur du business. Ces gens-là sont passionnés et des noms comme Scott, Specialized, Cannondale les font rêver. Ils veulent se faire plaisir en achetant un vélo qui leur plaît et qu’ils sont contents d’enjamber pour rouler.

Qui doit servir d’intermédiaire ?
Il ne faut pas oublier qu’il y a aussi une barrière entre le fabricant et le client qui est le revendeur. Je m’aperçois aujourd’hui que certains ont réussi à prendre ce virage avec l’arrivée d’internet. En revanche, beaucoup de revendeurs négligent le service et le relationnel ! C’est une énorme erreur ! On devrait presque accueillir le client avec un café et les croissants pour commencer à discuter avec lui. Il faut savoir le fidéliser. Face à des revendeurs pas toujours très commerçants, certains préfèrent acheter leur vélo sur internet. Au début, tout le monde en avait peur, mais aujourd’hui, le net devient presque un réflexe. Le vélociste doit offrir du service au client. C’est la faiblesse de notre réseau aujourd’hui, mais la jeunesse est plus forte que les anciens à ce sujet.

Tu fréquentes le monde du VTT pratiquement depuis ses débuts. Quels sont les personnages qui t’ont marqué ?
Je pourrai parler des pilotes avec les Absalon et les Vouilloz, mais si je pars des débuts du VTT, je dirai aujourd’hui que le milieu peut remercier Stéphane Hauvette. Il a cru en cette discipline et a contribué à son développement. On ne peut pas s’empêcher non plus de penser à George Edwards. Il a son caractère de cochon, on peut dire tout ce que l’on veut de lui, mais on doit aussi le remercier. Il a « extrémisé » les courses. En France, nous avions des parcours très difficiles. Les étrangers nous disaient que c’était très compliqué de rouler chez nous avec des parcours avec des sauts, des cassures, des bosses. À l’inverse, à l’étranger on avait l’impression de rouler sur des autoroutes. Avec lui, on avait de vrais parcours de descente. C’étaient des parcours naturels sur lesquels il n’y avait pas besoin de pédaler. Il a allié le VTT descente plus au pilotage qu’à l’effort physique. Par là, il nous a permis d’avoir de très bons pilotes en France. Ensuite, il y a beaucoup de personnes qui ont contribué au développement de la discipline. Des pilotes pour la plupart, mais il y en a tellement que je ne préfère pas les citer.