On a aimé

On a aimé les départs de Grands Tours à l’étrangers

Certes, sur la route, ils n’ont pas produit un spectacle inoubliable. Mais sur les bas-côtés, les serpents de foule démesurés qui accompagnaient le cortège des coureurs ont notoirement symbolisé la popularité du cyclisme en dehors de l’Europe latine. Hongrie pour le Giro, Danemark pour le Tour et Pays-Bas pour la Vuelta, chacun a pu témoigner au monde du cyclisme l’affection et la passion qui l’animait à son égard.

L'impressionnante ferveur danoise, ici lors de la 2e étape © ASO / Pauline Ballet

L’impressionnante ferveur danoise, ici lors de la 2e étape © ASO / Pauline Ballet

Orchestrés dans des théâtres splendides, de la petite sirène de Copenhague au Parlement de Budapest, ces Grands Départs ont honoré la Petite Reine d’un cadre à sa hauteur, accordant au cyclisme la dimension d’un spectacle qu’il mérite. Naturellement, les Grands Tours appartiendront toujours à leur mère patrie, et c’est bien nécessaire. Mais ces exports de quelques jours rappellent que le vélo est un bonheur qui se partage, notamment avec nos peuples voisins. Et la fête n’en est que plus belle !

On a aimé le panache époustouflant de Remco Evenepoel

L’Histoire rappelle la légende qui est en train de naître. Remporter un Monument, un Grand Tour et les Mondiaux la même année, seuls Alfredo Binda, Eddy Merckx et Bernard Hinault l’avaient fait. Un tel club, fermé à double tour, souligne parfaitement le prestige qu’est en train d’accoler Remco Evenepoel à son patronyme. Et si les prochaines générations ne retiendront peut-être que ses statistiques effarantes, ses contemporains pourront, quant à eux, se remémorer les herculéens exploits dont il est régulièrement l’auteur.

Remporter de telles épreuves en quelques mois forge naturellement le respect. Mais le faire avec un panache déconcertant ne peut que susciter l’admiration. On croyait Liège – Bastogne – Liège cantonnée à une course de côte dans la Roche aux Faucons, voire à un sprint quai des Ardennes ? « Remco » s’est définitivement détaché dans l’ascension de la côte de la Redoute, à 30 bornes de l’arrivée. On pensait qu’un Grand Tour se gagne lors de la 3e semaine de course ? « Remco » a écrasé la Vuelta dès les premières arrivées en altitude. On imaginait le parcours des championnats du monde de Wollongong promis aux sprinteurs – puncheurs ? « Remco », sa puissance et son audace ne leur ont laissé aucune chance, creusant constamment l’écart au cours d’un raid solitaire de 26 kilomètres. Pour toutes ces raisons, on a donc hâte de le retrouver en 2023 !

On a aimé la lutte incessante entre Pogacar et Vingegaard sur le Tour

La victoire de Tadej Pogacar sur le Tour de France 2020 avait créé la surprise et suscité l’extase de l’incroyable contre-la-montre de la Planche des Belles Filles, lors duquel il avait renversé un Primoz Roglic à qui le maillot jaune était promis. Son second sacre, en 2021, avait plutôt eu tendance à susciter la lassitude, faute d’adversaire à sa portée. En 2022, il l’a trouvé en la personne de Jonas Vingegaard, et leur confrontation a fait des étincelles.

Le duel entre Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar dans l'ascension du col du Granon © ASO - Charly Lopez

Le duel entre Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar dans l’ascension du col du Granon © ASO – Charly Lopez

Insaisissable sur les pavés et placé sur le trône dès le 6e jour de course, Tadej Pogacar n’a pas tardé à montrer ses muscles. Pourtant, il a étonnamment cédé dans la dantesque étape du Granon, épuisé par les attaques incessantes des cadors de la Jumbo-Visma, Primoz Roglic et Jonas Vingegaard. Rattrapé et distancé tour à tour par nombre d’adversaires, le slovène a perdu beaucoup de temps, mais n’a pas baissé les armes. Dès lors, chaque opportunité fut l’occasion d’une attaque de sa part, jusqu’à s’en ouvrir la main dans la périlleuse descente du col de Spandelles. Et s’il fut battu par son dauphin à Peyragudes, Jonas Vingegaard prouva à Hautacam qu’il était bel et bien le patron du 109e Tour de France.

On n’a pas aimé

On n’a pas aimé la saison morne de Julian Alaphilippe

Couronné champion du monde pour la deuxième année consécutive et maillot jaune pour la troisième fois en trois éditions du Tour de France, Julian Alaphilippe avait poursuivi, en 2021, une forme de constante dans l’excellence. Elle s’arrêta brusquement en 2022, finalement frappée par la traditionnelle malchance apportée par les liserés tricolores. Malade pour Milan – San Remo, victime d’une grave chute sur Liège – Bastogne – Liège, forfait pour le Tour de France, frappé par la COVID-19 et retombé à terre lors de la 11e étape de la Vuelta, la coqueluche des Français n’a pas été épargné par les maux cette année. Et son rendement habituel en a nettement pâti. Pas un monument ni la moindre classique à se mettre sous la dent. Seules deux petites victoires d’étape, au Pays Basque et en Wallonie, viennent légèrement éclaircir un tableau que Patrick Lefévère, manager de la Quick-Step, trouve particulièrement sombre.

Julian Alaphilippe au moment de son abandon, lors de la 11e étape de la Vuelta © ASO - Charly Lopez

Julian Alaphilippe au moment de son abandon, lors de la 11e étape de la Vuelta © ASO – Charly Lopez

Au-delà de la tristesse véhiculée par l’enchaînement aberrant des malheurs du natif de Saint-Amand-Montrond, cette morne saison 2022 se teinte également de la vive déception de ne pas avoir vu le champion du monde illuminer les routes du Tour de son talent. Principal pourvoyeur des bouquets tricolores lors des quatre précédentes éditions de la Grande Boucle, Julian Alaphilippe a cruellement manqué au cyclisme français jusqu’à ce que Christophe Laporte ne débloque enfin le compteur à Cahors. On espère donc le retrouver au plus fort de sa forme dès l’entame de la saison prochaine !

On n’a pas aimé le retour du spectre du dopage

De la perquisition de l’hôtel du Team Bahrain – Victorious à la suspension de Toon Aerts en passant par le contrôle positif de Nairo Quintana, la saison 2022 a été marquée par la multiplication des affaires de dopage, après une décennie d’accalmie.

En premier lieu, le Tour de France s’est ouvert par un nouveau scandale lié à l’équipe Bahrain – Victorious, objet d’une seconde perquisition, après la découverte d’un médicament ordinairement destiné à soigner la sclérose en plaques en 2021. Si aucune poursuite n’a été engagée à l’encontre de l’équipe bahreïnie, cette affaire fait toutefois perdurer la suspicion à son égard, et replonge le cyclisme dans un doute qui l’a un temps discrédité.

D’ailleurs, la Grande Boucle s’est également conclue par un retentissant scandale de dopage, touchant cette fois à la personne de Nairo Quintana. Contrôlé positif au tramadol, un puissant antidouleur interdit par le règlement médical de l’Union cycliste internationale, le colombien du Team Arkea-Samsic a finalement été rayé des tablettes de cette 109e édition. Licencié par son équipe dans la foulée, Nairo Quintana est le premier vainqueur de Grand Tour disqualifié du Tour de France depuis Alberto Contador et Lance Armstrong, en 2010.

Nairo Quintana, au départ de la 2e étape de Paris-Nice 2022 © ASO - Alex Broadway

Nairo Quintana, au départ de la 2e étape de Paris-Nice 2022 © ASO – Alex Broadway

Enfin, à l’heure où cette année 2022 se termine, la suspension de deux ans du belge Toon Aerts ajoute un nouveau pavé dans une marre de soupçons. Vainqueur des Coupes du monde 2019 et 2020 de cyclo-cross, la recrue du Team Intermarché Wanty Gobert continue de clamer son innocence, après un résultat d’analyse anormal lors d’un contrôle inopiné hors-compétition le 19 janvier dernier. Il n’en constitue pas moins une nouvelle star condamnée…

On n’a pas aimé la disparition de l’équipe B&B Hotels – KTM

Si la faillite d’une équipe cycliste est toujours regrettable, elle s’avère d’autant plus triste lorsqu’elle affecte l’une des principales formations françaises, torpillée par des promesses non tenues. Instigateur du « Pro Cycling Breizh » en 2018, Jérôme Pineau s’est finalement résigné à annoncer à ses coureurs, le 7 décembre dernier, la fin d’une aventure forte de trois Tours de France.

L'équipe B&B Hotels KTM © ASO / Aurélien Vialatte

L’équipe B&B Hotels KTM disparaît à la fin de la saison © ASO / Aurélien Vialatte

Non seulement cet effondrement met brutalement un terme au rêve du nantais de développer sa propre structure, mais il met également sur le carreau une vingtaine de coureurs, de ceux dont le contrat a été rompu aux recrues, masculines et féminines, qui devaient intégrer l’embarcation en 2023. Et si Victor Koretzky a pu trouver une place en World Tour, au sein du Team BORA – Hansgrohe, tous n’ont pas eu cette chance, à l’image de Mark Cavendish ou de Chloé Hosking, toujours sans contrat. D’autres ont été plus ou moins contraints de prendre une retraite anticipée, tels Pierre Rolland ou Cyril Lemoine.

Alors, quand le Tour 2023 s’élancera de Bilbao, on ne manquera pas d’avoir une pensée à leur égard lorsque l’on s’apercevra de l’absence des maillots glaz dans le peloton.