Florian, vous étiez jusqu’en mars 2013 le responsable du pôle France sprint à l’INSEP. Quel rôle occupez-vous aujourd’hui ?
Je travaille à la Mission d’Optimisation de la Performance (MOP), ce qui est historiquement la préparation olympique. Cette mission du ministère basée à l’INSEP est composée de dix personnes disposant d’un portefeuille de fédérations. Nous, on est plutôt en soutien des fédérations dans leurs projets olympiques. On est le trait d’union entre les différents services de l’INSEP ou du grand INSEP quand ils ont des problématiques de préparation touchant à l’entraînement ou à ce qui est périphérique à l’entraînement comme le sommeil, la nutrition, la récupération. La MOP propose des personnes qui peuvent les accompagner dans le projet de performance. On fait aussi des projections de médailles par rapport à Rio. On a des indicateurs de performance et nous réalisons aussi le suivi des sportifs potentiellement médaillables pour les Jeux, tous sports confondus, olympiques et paralympiques.

Quelle place occupe l’équipe de France olympique au tableau des médailles dans vos projections ?
L’objectif qui a été signé par la ministre quand je suis arrivé dans la mission, c’était 5ème nation aux Jeux Olympiques et 10ème aux Jeux Paralympiques. A Londres, la France a terminé 7ème, donc l’idéal serait de faire mieux, mais 5ème ça va être difficile. Le ranking se fait sur le nombre de médailles d’or et aujourd’hui, pour nos potentielles médailles d’or, la fourchette haute serait à quatorze et la fourchette basse à dix. Dix médailles d’or, ça nous place 7ème ou 8ème nation alors qu’avec quatorze on serait plutôt autour de la 6ème place. Ce serait d’ailleurs déjà très bien car ce serait une progression par rapport à Londres. On verra, on va croiser les doigts pour que tout se passe bien pour nos sportifs.

La piste, historiquement, est pourvoyeuse de médailles pour l’équipe de France, qui reste de loin la nation la plus médaillée en cyclisme depuis 1896. Que peut-on attendre de nos athlètes qui entreront en piste demain à Rio ?
Nous avons un certain nombre d’athlètes médaillables. Il y a Laurie Berthon sur l’omnium féminin, la vitesse par équipes masculine avec Grégory Baugé, François Pervis et Michael D’Almeida, la vitesse individuelle avec Baugé et Pervis, et le keirin avec Pervis. On est déjà à quatre médailles potentielles. Dans les possibles, il reste pourquoi pas Virginie Cueff sur le keirin, sur lequel elle a progressé, même si en vitesse individuelle ça semble un peu plus difficile, ou encore Thomas Boudat sur l’omnium, qui a été champion du monde en 2014.

Les Championnats du Monde de Londres en mars se sont avérés décevants, avec trois médailles et pas un titre, soit le plus modeste bilan depuis 1992. Peut-on vraiment y croire ?
Oui, on peut y croire, parce que la période entre les Championnats du Monde et les Jeux est assez longue. Les Championnats du Monde étaient début mars alors que les Jeux sont au mois d’août. Les athlètes ont déclaré que les Mondiaux n’étaient pas leur objectif, qui reste bien entendu les Jeux. Certains étaient dans le coup, pas très loin, et pour d’autres c’était un peu plus compliqué parce qu’ils étaient assez loin des meilleurs. J’espère que c’était une petite erreur de programmation, d’erreur dans le parcours, mais ce sont des garçons d’expérience. Les sprinteurs que j’ai entraînés savent ce que sont les Jeux, ce que ça représente, donc il n’y a pas d’inquiétude à avoir par rapport à eux. Après, les médailles, c’est dur à gagner. Les médailles d’or encore plus. Mais je leur souhaite d’obtenir des titres olympiques.

François Pervis est engagé dans trois disciplines entre le keirin et les vitesses par équipes et individuelle. Est-ce problématique ?
Non, parce qu’il l’a déjà fait au niveau mondial. Et la règle aux Jeux veut que les trois sprinteurs de la vitesse par équipes se répartissent sur les deux autres disciplines du sprint, la vitesse individuelle et le keirin. François Pervis a été champion du monde de vitesse en 2014, champion du monde de keirin en 2014 et 2015. La sélection n’était pas facile mais elle est plutôt logique.

Pourtant, le trio aligné en vitesse par équipes est inédit…
Ce trio n’a en effet jamais été aligné aux Championnats du Monde. François Pervis a disputé une fois les Mondiaux en vitesse par équipes en 2013, quand le groupe avait fait 3ème avec Julien Palma et Michaël D’Almeida. Depuis, ça a souvent été Grégory Baugé, Kevin Sireau et Michaël D’Almeida, que ce soit sur la dernière Olympiade ou aux Championnats du Monde.

Vous avez approché des athlètes d’autres disciplines, comme l’athlétisme, qu’est-ce qu’un ancien pistard peut apporter à ces sportifs ?
Dans le cadre de ma mission, je suis l’athlétisme, la natation, le pentathlon moderne et depuis peu le taekwondo. Je n’interviens pas sur la préparation physique ou le côté technique de l’entraînement car je ne suis pas spécialiste de ces disciplines, mais plutôt sur le côté stratégie en donnant mon avis sur les choix de stage, de programmation, quand le Directeur Technique National ou les directeurs des équipes de France me le demandent. J’apporte un regard extérieur avec mon expérience du haut niveau en tant qu’athlète et qu’entraîneur. Ce que j’ai vécu dans le cyclisme, ce que je peux voir, me permet de donner un avis avec beaucoup d’humilité. Je suis plutôt dans le partage pour les aider.

Qu’est-ce qui a été le plus fort : gagner soi-même ou gagner en tant qu’entraîneur ?
C’est très différent ! C’est très fort aussi en tant qu’entraîneur. Ma première année à ce poste en 2006, les Championnats du Monde avaient eu lieu en France, à Bordeaux, et le groupe avait gagné la vitesse par équipes. C’était beaucoup d’émotion. J’étais très satisfait, très heureux pour l’équipe. Mais être entraineur, c’est aussi beaucoup de stress. Quand on est athlète on fait ses choix, c’est nous qui performons. Quand on est entraîneur on accompagne les coureurs tout au long de l’année, mais ce sont eux qui sont sur la piste. Nous, sur le bord, on voit les choses, des fois on voudrait que ce soit autrement ! On ne maîtrise pas tout.

Les choses ont-elles changé depuis votre démission du poste d’entraîneur en 2013 ?
Je n’étais pas en phase avec le projet de la fédé. A partir de là, j’ai décidé de partir. Après il y a des choses qui ont évolué comme à Saint-Quentin-en-Yvelines avec le vélodrome qui était quand même une nécessité pour les pistards. Mais moi, je suis parti sans regret, et ce que je souhaite aux athlètes – et bien aux athlètes, car la fédération n’a pas à s’approprier leurs médailles –, c’est d’avoir des médailles.

Qu’est-ce qui se passera après les Jeux Olympiques de Rio pour vous ?
Mon contrat avec l’INSEP continue après les Jeux. Je vais finir mon travail avec la MOP et, après les Jeux, je vais commencer à réfléchir à ce que je veux faire pour la suite. Il va forcément se passer beaucoup de choses, il y aura des élections dans les fédérations, des DTN qui vont partir, et je ne parle pas que de la fédération de cyclisme.

Propos recueillis par Louis Bocher.