Nicolas, pour atteindre le top niveau, une relation optimale, stable et durable entre l’entraîneur et l’entraîné est-elle impérative ?
Je ne dirais pas que c’est impératif, mais je pense que tant Julien Absalon que Nino Schurter ont démontré que c’était un facteur très important. Pour eux en tout cas…

Des progrès, des optimisations, sont-ils envisageables dans le domaine de l’entraînement ?
Oui ! Nous utilisons les capteurs de puissance. Ils nous permettent d’optimiser la charge externe de certaines unités. Dans le domaine de l’entraînement du VTT, nous en sommes aux balbutiements.

Avec du recul et vos connaissances, pensez-vous que Nino Schurter soit plus fort en 2012 qu’en 2008 pour les JO de Pékin ?
Oui, sans aucun doute. Il est meilleur tacticien, très bon metteur au point. Mais c’est dans sa manière de courir qu’il a fait le plus de progrès. Il prend la course en main. Il n’est plus attentiste. En Afrique du Sud et à Nove Mesto, il a montré qu’il pouvait gagner en patron. Mais pour faire cela, il faut en avoir les moyens. Il les as car depuis 2008, sa progression (en watts/kg) est impressionnante. Mais vous comprendrez que je ne peux donner trop de précisions.

Est-il votre favori pour Londres ?
Je ne veux pas faire de pronostics. La seule chose que je ne voudrais pas, c’est que le meilleur soit battu sur un problème mécanique ou une irrégularité. Pour le reste, que le meilleur gagne mais attention à Liam Killeen, qui était très présent à Pékin et qui n’a rien à perdre. Sinon, Julie Bresset et Julien Absalon seront devant, j’en suis persuadé !

A vos yeux, quels sont les principaux atouts et faiblesses de Schurter ?
Nino est très fort mentalement, physiquement et techniquement. Mais il est peut-être un peu souvent malade.

Qu’est-ce qui différencie Absalon de Schurter ?
L’anthropométrie, l’âge, la situation familiale. Mais Nino a beaucoup de respect pour un champion qui, quoi qu’il arrive, aura fait progresser notre sport. Julien Absalon est arrivé à un stade où les résultats ne font plus la notoriété. Comme Cuche ou Federer, Absalon reste Absalon !

La fédération suisse a officialisé la sélection de Florian Vogel et Ralph Näf pour accompagner Nino Schurter à londres. Trois pilotes proches en performance : avantage ou inconvénient ?
La Suisse a trois chances de médailles. C’est un avantage, mais ce sera chacun pour soi. En tout cas en première partie de course.

A Pékin en 2008, une rivalité interne en Suisse a été perçue, à l’image du duel entre Schurter et Sauser pour le podium au détriment d’une course d’équipe pour la victoire. En 2012, Vogel peut-il être un atout pour Schurter ?
A Pékin, Julien était imbattable. Il n’a jamais été question de victoire, même avec un travail d’équipe. Pour Nino et moi, cette médaille de bronze était inespérée, de même que la sélection elle-même. N’oublions pas qu’il était encore Espoir !

Quel regard portez-vous sur le VTT français, le grand rival de la nation suisse ?
Dans la catégorie Juniors filles et garçons, je vois énormément de maillots tricolores. Chez nous, les contenus des entraînements ne sont pas discutés de manière systématique. Il faudrait des axes de travail plus précis. Je pense que la Suisse est moins bien qu’avant. On verra, mais la France travaille bien.

On a l’impression que Christoph Sauser est toujours à part de cette équipe suisse, pourquoi ?
Je ne veux pas trop m’exprimer sur Sauser même si je le respecte et que je l’aime bien. J’ai travaillé avec lui durant une saison. C’était très difficile car il a des idées fixes sur la manière de s’entraîner. Il est difficile à « bouger ». Cela dit, il reste un grand champion qui aura marqué lui aussi son sport.

Scott, DT Swiss et Dugast ont un accord pour fournir un matériel spécifique au team Scott-Swisspower, y a-t-il d’autres améliorations techniques ?
D’autres améliorations techniques, à voir… Oui, pour Nino et Vogel le concept 27.5 est un avantage lié à leur taille. Kulhavy a trouvé son vélo ! Eux aussi.

Serez-vous présent aux JO de Londres ?
Ni dans le staff des Suisses car j’ai été en conflit avec ma fédération durant une trop longue période, ni dans le staff des… Polonais et surtout pas en spectateur. En principe, comme Thomas, je commenterai les compétitions pour la RTS, lui de Zürich et moi de Genève. Et si ce n’était pas le cas, je serai chez moi, devant ma télévision, pour vivre peut-être un des plus beaux jours de ma vie. En fait, soit j’étais accrédité par Swissolympic, ce que Nino avait demandé, et je travaillais avec Nino durant la dernière semaine, soit je n’étais pas accrédité et c’est notre physio du team (qui est également physio des Suisses à Londres) qui travaillera les séances de force max avec Nino. Pour ce qui est du plus gros du travail, il sera terminé avant le 6 août.

Un dernier mot sur votre fille, Emilie ?
Emilie est 6ème UCI en DH, championne de Suisse en titre. Elle est partie pour Val di Sole ce week-end. Elle aime beaucoup cette piste très technique. En même temps, elle termine un Master en neuropsychologie à l’université de Genève et elle se destine à la recherche en psychologie du… sport !

Propos recueillis par Jean-Baptiste Trauchessec.