Les superlatifs ont manqué pour qualifier l’exploit : grandiose, incroyable ou exceptionnel suffisent à peine à traduire ce que le coureur franco-hollandais a accompli ce jour là.

Il est maintenant possible de poser la question sur les éventuelles limites du coureur. Car, si certains avaient pu émettre des réserves, début 2019, sur ses capacités à performer sur plus de 250 km, sa campagne de classiques a fait plus que chasser tous les doutes. Non seulement il a tenu la distance mais surtout il s’est montré quasi irrésistible dans le final de chacune dont il se savait l’un des protagonistes. Et qui sait ce qu’il serait arrivé sans sa chute au Tour des Flandres. Après avoir chassé seul durant plus de 30 km pendant que les autres cadors attendaient bien cachés dans les roues, les monts pour tenter de faire la décision, il s’est montré l’un des plus rapides au sprint.

 

MVDP04Mathieu Van der Poel sur le Tour des Flandres | © Sirotti

 

Et 3 jours après c’est Julian Alaphilippe qui était sa victime sur la Flèche Brabançonne et le dimanche suivant c’est donc cette fameuse Amstel Gold Race qui remplissait une ligne dans un palmarès que l’on voit déjà énorme très bientôt.

A ce sujet, quelle coïncidence de voir Van der Poel « marcher » à ce point quand Peter Sagan, le précédent surdoué sur ce registre puncheur/sprinteur, a calé sur cette même période. Il n’est pas possible de parler de passation de pouvoir entre les 2 coureurs, étant donné l’âge du Slovaque (28 ans), probablement davantage empêtré dans des problèmes personnels qu’en proie à un vieillissement qui touche peut-être Alejandro Valverde et ses 11 printemps supplémentaires.

Ces 3 jours de course répartis sur 8 jours consécutifs, montrent déjà à quel point la récupération du prodige est exceptionnelle. Il est possible de deviner que les courses par étapes seront aussi un terrain de chasse possible. Pour autant, si son explosivité, façonnée en partie par ses saisons de cyclo-cross, et ses capacités de rouleur lui offriront de nombreux autres succès, reste l’inconnue de son comportement en haute montagne. Les 15 kg qu’il rend par exemple à Egan Bernal, l’autre surdoué de sa génération, risquent d’être pour toujours un handicap quand il s’agira de monter pendant 20 km.

Cette réserve mise à part, on peut penser qu’aucune course ne peut résister à Mathieu Van der Poel qui semble être le parfait accord entre le punch de Julian Alaphilippe dans les bosses pentues, la vitesse de Peter Sagan et les capacités de rouleur d’un Tony Martin du temps de sa splendeur. 

En effet, si Mathieu Van der Poel n’a en apparence pas montré l’étendue de ses talents contre la montre, il suffit d’analyser, chiffres à l’appui, l’Amstel Gold Race pour se rendre compte à quel point « MVDP » réunit le potentiel de ces 3 coureurs.

 

MVDP02© Sirotti

 

Les chiffres proviennent directement de son compte Strava.

–          259 km en 6h26 soit 40,4 km/h de moyenne.

–          3488 m de dénivelé.

–          Puissance normalisée (pour simplifier : puissance mesurée seulement lors des moments où le coureur pédale) : 337w. Pour situer, cette puissance est celle de nombreux coureurs amateurs (on ne parle pas des Elites ici) sur… 5 à 10 min.

–          Pulsations moyennes : 140 bpm.

–          Pulsations maxi : 197 bpm.

–          Sur la montée du Keutenberg, 1,6 km à 5%, il a produit 451w. Pour ceux dont ces chiffres parlent peu, sa moyenne a été de 32 km/h, tout ceci après 5h45 de course.

–          Les 8 derniers kilomètres (11min15) ont été bouclés à 425w de moyenne sur un profil qui n’était pas exclusivement montant, loin de là. Cette puissance est à rapprocher de celle d’Oliver Naesen (dont le poids est voisin) dans le Poggio lors de Milan San Remo : 500w pendant 5’40. Certes, la puissance de Naesen est plus haute mais elle a été produite en montée seulement (profil plus facile pour sortir de la puissance) et pendant la moitié du temps.

–          Lors du sprint, il a produit 1200w pendant 16 sec avec un maxi à 1400w. C’est à peu près ce que produisent les meilleurs sprinteurs lors d’une arrivée d’étape… durant laquelle ils ont été protégés toute la journée.

–          Pour expliquer l’exploit, c’est comme si Naesen avait monté un « double Poggio » à la même vitesse puis avait directement enchainé avec un sprint digne du meilleur Cavendish. Après 260 km !

 

MVDP07Mathieu Van der Poel s’isole sur l’Amstel Gold Race | © Sirotti

Parfois, quelques chiffres valent mieux qu’un long discours. En décortiquant ceux de Mathieu Van der Poel sur l’Amstel Gold Race, il est ainsi possible de mesurer quel phénomène arrive dans le monde du cyclisme pro.

Pour l’heure, l’homme souhaite aussi se consacrer au VTT en vue de l’emporter aux JO à Tokyo. En plus de sa main mise sur le cyclo cross, un tel exploit ne sera finalement pas si étonnant…

 

Par Olivier Dulaurent