Il a les yeux plein de malice, Jean-Baptiste Quiclet, quand il parle de son métier. Entraîneur du Pôle France VTT de Besançon de 2008 à 2010, il s’occupe depuis de l’équipe Saur-Sojasun. Ce n’est donc pas un inconnu qui est venu se greffer à la cellule créée en 2004 par Stéphane Heulot, Lylian Lebreton et Xavier Jan. Non, car rien n’est laissé au hasard au sein de la formation française. Une équipe qui, depuis le début de l’année, n’a de de Continental Pro que la licence car son niveau de performance, lui, n’a rien à envier aux formations WorldTour. Pourtant, ils ne sont pas impatients et Stéphane Heulot sait que si le travail est bien fait, l’accession au niveau supérieur viendra.

A l’origine, c’est une vraie amitié entre les hommes précédemment cités, une grande idée finalement née au sein du peloton professionnel, l’idée de bâtir une équipe en partant de A à Z, imposer une vraie et nouvelle philosophie. C’est en Division Nationale qu’ils vont d’abord devoir faire leurs preuves. Sans jamais perdre de vue ce qu’ils ont en tête, cette philosophie si particulière. Dès lors, pour cette structure, tout fait l’objet d’un travail de fond. C’est une entreprise basée sur des détails. Ils construisent un puzzle au nombre incalculable de pièces, dans l’ombre et en silence. Avec des ressources limitées, certes, mais toujours en rupture avec ce qui se fait dans les autres équipes françaises et à l’image de ce qui se fait outre-Manche.

Et outre-Manche, le modèle, aujourd’hui, c’est le Team Sky. Une équipe semblable à Saur-Sojasun ? C’est « un peu poussé, même si on a le sentiment de tendre vers quelque chose d’assez idéal pour les athlètes, et de bien progresser », précise Jean-Baptiste Quiclet. Il ne s’en cache pas, le problème est avant tout économique. Alors, à leur niveau, ils optimisent les moyens mis à disposition. Toujours en respectant cette philosophie, en rupture avec les codes alors d’actualité.

Si le Team Sky n’est « pas comparable, c’est une autre planète », cela n’empêche pas l’entraîneur, pionnier dans le cyclisme français s’agissant de la recherche poussée à l’extrême en termes d’innovation, de voir dans le modèle anglo-saxon un exemple à suivre. « L’idée est simple, c’est de s’appuyer sur le développement technologique, s’intéresser aux développements scientifiques, aux études scientifiques qui paraissent toutes les semaines, tous les mois, sur le cyclisme et d’autres sports », ajoute-t-il sans se cacher.

Il n’a pas peur, le garçon. A l’image de l’équipe Saur-Sojasun dans son ensemble, il s’inspire d’autres sports, « pour voir dans quelle mesure on peut adapter certains concepts à la pratique du vélo à haut niveau ». Et parce que le cyclisme « a très longtemps eu des œillères et a très souvent évité de copier », eux ont décidé de ne plus se cacher. Adapter le programme de Bradley Wiggins à Jérôme Coppel, arrivé en 2010, séduit par le projet et la nouvelle approche proposée ? Pourquoi pas. Afin d’optimiser la performance des coureurs, le staff de l’équipe garde en permanence un œil sur ce qui se dit dans les médias ou les revues scientifiques par rapport aux autres coureurs. « Pour donner un exemple, l’an dernier, je trouvais que ceux qui avaient fait le Tour de Bavière en amont du Dauphiné avaient plutôt réussi ensuite. Donc j’en ai déduit que c’était une course concluante en termes de préparation. De ce fait, cette année, on a pris la décision de s’aligner au départ du Tour de Bavière », glisse avec passion celui qui dirige aujourd’hui les entraînements de l’ambitieuse formation.

Les Saur-Sojasun parlent français mais pensent à l’anglaise. Dans la philosophie de travail, ils sont dans la même idée. Reste à éclaircir ce qui se doit d’être entendu par préparation à l’anglo-saxonne. Jean-Baptiste Quiclet en a une idée précise et parle « d’une approche plus méthodique que par le passé. Le but n’est pas d’opposer la méthode empirique à la méthode moderne mais s’inspirer de la méthode empirique et l’adapter avec les méthodes modernes. » Evidemment, il faut pour ce faire une grande ouverture d’esprit. Comme ce qui peut se faire dans la littérature ou dans les sciences en tous genres, il ne faut pas avoir peur d’aller voir ce que fait le voisin. Le basket, le football, la natation, par exemple, ont énormément à apporter mais aussi à apprendre des autres sports, tout comme les sports nordiques avec des concepts souvent novateurs.

Ainsi, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, depuis quelques années déjà, se développent des profils de coureurs polyvalents, capables de gagner dans différentes disciplines. En France, les mentalités changent mais n’y sont pas encore. Saur-Sojasun est née en 2004 et, depuis, ne cesse de casser des codes pourtant bien établis. Ce sont ces avancées-là, permises par la motivation de quelques hommes, qui rafraîchissent le cyclisme français et permettent, dans un contexte où la mondialisation rend la confrontation toujours plus difficile, d’espérer de nouveau, sans brider les rêves, même les plus fous. – Simon Bernard