Olivier, ta structure supervise l’entraînement de deux candidats aux Jeux Olympiques de Londres. Kohei Yamamoto est sauf incident qualifié, Stéphane Tempier pas encore, qu’est-ce que ça change dans l’approche de la saison 2012 ?
Dans l’approche de la saison ça change peu de choses sportivement. Il faut être performant dès le début de saison pour avoir un bon classement UCI car le placement sur la grille de départ aux JO sera très important pour y espérer un résultat. Psychologiquement, Kohei a plus de sérénité  car moins de concurrence nationale. Nous travaillons déjà sur les spécificités du circuit de Londres. Pour Steph, il y a des critères à remplir pour obtenir sa sélection, même si en toile de fond on a planifié la saison sur les JO.

Sur quels aspects as-tu mis l’accent vis-à-vis des saisons précédentes ?
L’important est d’être opérationnel dès le début de saison pour remplir les critères de résultat de la sélection. On a axé le travail sur les éléments perfectibles chez Stéphane Tempier. On va optimiser ses points faibles en vue de Londres pour qu’il franchisse un palier supplémentaire.

Qu’avez-vous changé prioritairement pour les disciplines d’hiver ?
Nous avons pris l’option d’effectuer un bloc cyclo-cross avec la participation à des épreuves régionales pour limiter les déplacements, le « stress » des courses de haut-niveau et optimiser le temps de récupération. Steph a fait un bloc de musculation en salle assez important, associé à des séances vélo très spécifiques. On a réduit le ski par rapport aux saisons précédentes. L’hiver a été un peu plus clément et a favorisé cette orientation. Concernant l’alimentation, Steph a une bonne base alimentaire, il mange sain et équilibré, il n’y pas eu de grosse adaptation à faire à ce niveau, si ce n’est sur la qualité des apports en lipide.

Jeune entraîneur, la présence de deux athlètes aux JO est-elle vécue comme un objectif, un challenge ?
C’est un challenge commun avec les coureurs. Je suis là pour les accompagner dans leurs préparations. Je ne ressens pas une pression personnelle particulière. La relation avec Steph ou Kohei, c’est de l’échange, du partage, un challenge commun très motivant. Je veux juste que la relation avec mes coureurs soit saine et qu’ils atteignent leurs objectifs. C’est très intéressant de travailler avec des athlètes de haut-niveau qui sont aussi de belles personnes en dehors du vélo.

Quelle différence perçois-tu entre Stéphane Tempier et Kohei Yamamoto dans l’approche de cette échéance olympique ?
Les deux sont très motivés pour cette échéance. Il n’y a pas de stress particulier, ni d’anxiété. Ils se focalisent sur leur travail et sur ce qu’ils ont à faire pour atteindre leurs objectifs.

L’ouverture de la Coupe du Monde a eu lieu à Pietermaritzburg le week-end dernier, les objectifs fixés avec tes deux coureurs olympiques ont-ils été atteints ?
Steph a atteint un des critères de sélection pour les JO, via sa 8ème place. C’est très bien. Kohei a égalé sa meilleure performance en Coupe du Monde. C’est plutôt rassurant pour leur début de saison compte tenu de certains contretemps survenus ces derniers temps. Je pense qu’ils ont tous les deux encore un peu de marge.

Quels sont les paramètres sur lesquels tu peux nous donner des indications comparatives entre ces deux athlètes ?
Je ne les compare pas, ça n’apporte rien. Steph et Kohei ont des fonctionnements d’organisme qui leur appartient, qui sont très différents. Steph a plus un profil « endurant », Kohei présente de grosses aptitudes de résistance aux lactates.

Tu n’entraînes pas de filles, pourquoi ?
En effet je n’ai pas d’athlètes féminines de haut-niveau, c’est un challenge qui me plairait, mais je n’ai pas eu de sollicitations ! J’ai une jeune Cadette, Clara Sanson, qui gagne le Trophée Français des Jeunes Vététistes en descente et trial l’année dernière, et qui présente de bonnes prédispositions !

Un autre athlète asiatique, dont tu assures le suivi, a rejoint le Team Calvisson en France. Comment vois-tu l’évolution de Na Sanghoon sur 2012 et l’intérêt qu’il a à courir en France ?
J’ai fait venir le champion de Corée dans cette structure amateur française qui, à mon avis, est une bonne structure pour faire ses armes. C’est un ami de Kohei, il a déjà eu une courte expérience en 2011 en France avec la participation à des Coupes du Monde européennes, pour des résultats compris entre la 80/100ème place. L’intérêt de venir en France est d’avoir plus de courses de haut-niveau face à une adversité plus homogène. Il faut acquérir des expériences de course, il a couru Banyoles et Cassis avec des résultats encourageants malgré une chute.

Quelle est ta relation avec lui ?
Je l’entraîne depuis un an. Son début de saison 2012 marque une progression. On a axé son programme sur les Coupes de France et les manches de Coupe du Monde européennes (Houffalize, La Bresse…). Être confronté à ce niveau va lui permettre de progresser davantage qu’en Corée où il y a peu de courses et toujours les mêmes adversaires. Son intégration au sein d’un groupe de compétiteurs va lui permettre d’acquérir  des connaissances et d’optimiser son approche de course, avoir des échanges.

Tu as cette particularité d’entraîner trois pilotes asiatiques. Comment et pourquoi une telle implication auprès de ces athlètes ?
Fin 2010, Victor Tomaz, manager du Team Brigestone-Anchor, cherchait un entraîneur pour conseiller Kohei. Mon travail avec les autres Asiatiques (Seiya Hirano et Na Sanghoon) découle de ma relation et du travail effectué avec le team et Kohei. Je viens de commencer une collaboration avec un Junior japonais, Toki Sawada, qui a fait 19ème du Mondial de cyclo-cross et qui vient d’intégrer la structure Bridgestone. Mon rôle est d’adapter les entraînements aux spécificités de chaque athlète, c’est intéressant et enrichissant de travailler avec des coureurs d’une autre culture.

Si l’un de tes athlètes est présent aux JO, feras-tu le déplacement à Londres ?
Oui bien sûr ! C’est une expérience et un événement sportif unique ! S’il y a un droit d’accès pour les coaches, j’y serai bien entendu ! Je me ferai un drapeau japonais sur la joue gauche et un tricolore sur la droite !

Un pronostic pour les Jeux ?
Il est trop tôt pour faire un pronostic. Il y a trois « gros » qui dominent pour l’instant la scène mondiale chez les hommes. Mais il pourrait y avoir des surprises autant chez les hommes que les femmes !

Propos recueillis par Jean-Baptiste Trauchessec le 22 mars 2012.