Il aurait été prématuré d’annoncer ce matin que le Tour d’Italie avait rendez-vous avec son Histoire. Une chose était certaine, la course rose avait pris date avec son passé. A l’occasion du passage du Giro en Toscane, entre Carrara et Montalcino (222 km), une idée avait germé dans l’esprit des organisateurs : faire transiter les coureurs par ce qu’on appelle ici les « routes blanches ». Ceux qui ont découvert l’Eroica ces toutes dernières années savent de quoi il retourne. En fait de routes, il s’agit de pistes terreuses, gravillonneuses, poussiéreuses, dont l’aspect blanchâtre a donné son nom à ce site, témoin des routes du passé. Celles qu’empruntaient encore les coureurs au milieu du siècle dernier. Celles qu’emprunteront aujourd’hui les guerriers du Giro 2010. 19500 mètres de routes de ce genre attendent les coureurs dans les 30 derniers kilomètres.

C’est une course d’un autre temps à laquelle il faut s’attendre à assister. Et les conditions climatiques exécrables qui sont au programme du jour vont rendre l’épreuve encore plus dantesque. La pluie qui s’abat sans discontinuer sur la Toscane va transformer les pistes sablonneuses en chemins ocre gorgés d’eau. Il est écrit que cette étape ne sera pas sans incidence au classement général. Diablement sélective, la course du jour pourrait bien dessiner, bien avant l’heure, les contours d’un classement général sérieux. Tous les favoris en ont conscience, eux qui ne sont guère rompus à ce genre de course, et qui sont en proie à une perte de temps importante en cas de pépin. Et ceux-ci ne vont pas manquer de s’abattre sur les valeureux concurrents qui progressent sous la pluie en direction d’un final stupéfiant. Avec une certitude qui s’affirme en cours de route : le peloton ne se présentera pas groupé sur les routes blanches.

La première partie d’étape est marquée par une échappée de Rick Flens (Rabobank) et Nicki Sörensen (Team Saxo Bank), qui s’octroient neuf minutes et demie d’avance avant de piocher sous la pluie et de déposer les armes à plus de 40 kilomètres de l’arrivée. Déjà, un favori a fait les frais de ce début de course. Carlos Sastre (Cervélo TestTeam), encore lui, s’est fait surprendre par une cassure à une soixantaine de kilomètres de l’arrivée. Piégé, il abordera les routes blanches avec un temps de retard sur ses adversaires. Comme pour corser le tout, ces routes-là sont d’ailleurs précédées par l’ascension du Passo del Rospatoio (6,2 km à 4,7 %). C’est ici que va commencer la grande bagarre, déclenchée par Alexandre Vinokourov (Astana) et Stefano Garzelli (Acqua & Sapone), qui s’exilent avec Bakelantds, Gerdemann et Rohregger.

Les Liquigas vont à la faute, Nibali et Basso chutent, ils ne reviendront pas…

Et tandis que les cinq hommes de tête s’avancent vers le premier sentier, long de 5500 mètres, une chute d’une dizaine de coureurs provoque soudain l’émoi dans le peloton. On est alors à 35 kilomètres de l’arrivée et ce sont les coureurs de la Liquigas-Doimo qui vont à la faute. Sont à terre le Maillot Rose Vincenzo Nibali, le Maillot Blanc Valerio Agnoli et le capitaine de route de la formation Ivan Basso ! Cet incident intervient au plus mauvais moment. Sonnés mais visiblement indemnes, les coureurs de la Liquigas reprennent la route après les changements de matériel adéquats. Mais le peloton de tête, réduit à quelques dizaines de coureurs, possède déjà plus d’une minute d’avance. Qui plus est, l’entrée sur les pistes boueuses ne favorise pas le travail des poursuivants. Désemparés et bientôt privés d’équipiers, Vincenzo Nibali et Ivan Basso s’élancent en tandem à la poursuite d’un peloton qu’ils ne reverront plus. Et ils le savent.

Devant, c’est donc un groupe orphelin du Maillot Rose qui fait irruption sur les chemins sales. La première tentative de Vinokourov a échoué, son groupe est repris par un peloton minuscule à la sortie de la première piste. Mais la seconde piste va être beaucoup plus sélective : 14000 mètres de galère en profil ascendant (12,6 km à 3,7 %). Du fait de la progression des coureurs dans la boue, les maillots souillés deviennent bientôt méconnaissables. Chacun porte le masque, au propre (passez-nous l’expression) comme au figuré. Et sur une nouvelle accélération de Vinokourov, un groupe finit par se détacher à 15 kilomètres du but. Répondent Cadel Evans (BMC Racing Team), Damiano Cunego (Lampre-Farnese Vini), David Arroyo (Caisse d’Epargne), John Gadret (Ag2r La Mondiale), Marco Pinotti (Team HTC-Columbia) et Stefano Garzelli.

Les guerriers de tête vont ainsi poursuivre leur périple sur des chemins dégoulinant de terre humide, au rythme d’incessantes accélérations d’Alexandre Vinokourov. Mais le Kazakh est sans cesse contré par Cadel Evans, et si les deux coureurs parviennent un moment à faire le trou, ils sont rejoints par Arroyo, Cunego et Pinotti. Les cinq rescapés de l’étape du jour s’expliqueront au sprint. Au terme d’une étape qui restera dans les esprits de tous, il fallait un vainqueur de choix. Et qui mieux que Cadel Evans dans son maillot de champion du monde pouvait être celui-là ? L’Australien, la rage au ventre, décroche une étape extraordinaire, devant Cunego et Vinokourov, lequel reprend possession du Maillot Rose. Abattus par les événements, Vinceno Nibali et Ivan Basso terminent l’un auprès de l’autre, tant bien que mal, à 2’00 » et 2’05 ». Encore plus effondré, le regard groggy, Carlos Sastre lâche 5’20 ». Le Giro est à un tournant.

Demain dimanche, place à la montagne entre Chianciano Terre et Terminillo (189 km).
Toutes les photos du Giro.

Classement 7ème étape :

1. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) les 222 km en 5h13’37 »
2. Damiano Cunego (ITA, Lampre-Farnese Vini) à 2 sec.
3. Alexandre Vinokourov (KAZ, Astana) m.t.
4. Marco Pinotti (ITA, Team HTC-Columbia) à 6 sec.
5. David Arroyo (ESP, Caisse d’Epargne) à 12 sec.
6. Stefano Garzelli (ITA, Acqua & Sapone) à 27 sec.
7. John Gadret (FRA, Ag2r La Mondiale) à 29 sec.
8. Michele Scarponi (ITA, Androni Giocattoli) à 1’01 »
9. José-Cayetano Sarmiento (COL, Acqua & Sapone) à 1’07 »
10. Jan Bakelandts (BEL, Omega Pharma-Lotto) à 1’10 »
Classement complet

Classement général :

1. Alexandre Vinokourov (KAZ, Astana) en 24h09’42 »
2. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 1’12 »
3. David Millar (GBR, Garmin-Transitions) à 1’29 »
4. Vladimir Karpets (RUS, Team Katusha) à 1’30 »
5. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Doimo) à 1’33 »
6. Marco Pinotti (ITA, Team HTC-Columbia) à 1’40 »
7. Linus Gerdemann (ALL, Team Milram) à 1’50 »
8. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Doimo) à 1’51 »
9. Thomas Rohregger (AUT, Team Milram) à 1’56 »
10. Richie Porte (AUS, Team Saxo Bank) à 2’00 »

Classement par points :

1. Tyler Farrar (USA, Garmin-Transitions) 43 pt
2. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 41 pt
3. Graeme Brown (AUS, Rabobank) 40 pt
4. Jérôme Pineau (FRA, Quick Step) 39 pt
5. Alexandre Vinokourov (KAZ, Astana) 39 pt
6. Wouter Weylandt (BEL, Quick Step) 36 pt
7. Andre Greipel (ALL, Team HTC-Columbia) 32 pt
8. Matthew Lloyd (AUS, Omega Pharma-Lotto) 31 pt
9. Danilo Hondo (ALL, Lampre-Farnese Vini) 30 pt
10. Rubens Bertogliati (SUI, Androni Giocattoli) 28 pt

Classement de la montagne :

1. Matthew Lloyd (AUS, Omega Pharma-Lotto) 13 pt
2. Paul Voss (ALL, Team Milram) 10 pt
3. Rubens Bertogliati (SUI, Androni Giocattoli) 8 pt
4. Alexandre Vinokourov (KAZ, Astana) 5 pt
5. Stefano Pirazzi (ITA, Colnago-CSF Inox) 5 pt
6. Rick Flens (PBS, Rabobank) 4 pt
7. Thomas Rohregger (AUT, Team Milram) 3 pt
8. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 3 pt
9. Yukiya Arashiro (JAP, Bbox Bouygues Telecom) 3 pt
10. José Serpa (COL, Androni Giocattoli) 2 pt

Classement des jeunes :

1. Richie Porte (AUS, Team Saxo Bank) en 24h11’42 »
2. Valerio Agnoli (ITA, Liquigas-Doimo) à 1’38 »
3. Robert Kiserlovski (CRO, Liquigas-Doimo) à 2’05 »
4. Bauke Mollema (PBS, Rabobank) à 4’05 »
5. Jan Bakelandts (BEL, Omega Pharma-Lotto) à 8’12 »
6. Francis De Greef (BEL, Omega Pharma-Lotto) à 11’01 »
7. José-Cayetano Sarmiento (COL, Acqua & Sapone) à 12’22 »
8. Dario Cataldo (ITA, Quick Step) à 12’40 »
9. Jackson Rodriguez (VEN, Androni Giocattoli) à 16’04 »
10. Matthew Goss (AUS, Team HTC-Columbia) à 19’34 »

Classement par équipes :

1. Team Saxo Bank (DAN) en 71h21’35 »
2. Liquigas-Doimo (ITA) à 32 sec.
3. Astana (KAZ) à 4’33 »
4. Team Milram (ALL) à 8’12 »
5. Rabobank (PBS) à 8’17 »
6. Ag2r La Mondiale (FRA) à 13’25 »
7. Acqua & Sapone (ITA) à 13’36 »
8. Omega Pharma-Lotto (BEL) à 14’03 »
9. Team Sky (GBR) 14’45 »
10. Team Katusha (RUS) à 17’00 »