« Le Tour avait besoin de Blondin, Blondin avait besoin du Tour, c’était un échange complémentaire », raconte Jacques Augendre, qui partageait son quotidien à bord de la voiture de L’Equipe. Formidable géniteur de la littérature sportive, Antoine Blondin a raconté le Tour, entre 1954 et 1982, comme personne ne le fera plus jamais. Un jour sur deux, nous partageons avec vous les chroniques savoureuses du voyageur de la voiture 101.

Il s’agit maintenant de passer en Angleterre. La chose a posé des problèmes à de nombreux conquérants (ou concurrents). Guillaume, premier du nom dans cette course de côtes, se prit les pieds dans son armure en débarquant sur le rivage d’en face, ce qui constituait une manière de se couronner avant la lettre. Il remporta ensuite la bataille d’Hastings en dissimulant à tombeaux ouverts ses compagnons dans des cercueils. Tout cela, qui peut paraître étonnant, est historique. Ce qui l’est encore davantage, c’est le mot de Raymond Poulidor, rapporté par nos amis Georges Dirand et Pierre Joly. Comme on lui disait que la vieillesse est un naufrage, selon la proposition bien connue, il répondit : « on ne fait pas naufrage à vélo ». Nous le saurons dans quelques minutes. Nous écrivons ces lignes à l’instant où les pensées se partagent en direction de Roscoff.
Pour beaucoup d’entre nous, qui eûmes des amis prévoyants, Roscoff a constitué la capitale de la thalassothérapie. Il est digne d’être apprécié que la bicyclette lui rende aujourd’hui, en l’effleurant, un sceptre qu’elle lui a légèrement dérobé. Entendons par là que le Tour de France a donné à Louison Bobet l’envergure qui a fait Quiberon et que le Morbihan a fait rebondir l’intérêt légitime de ce genre de traitement. Ainsi nous est-il donné à constater que tout se tient dans un vaste et perpétuel mouvement. Ce mouvement même qui enchaîne les marées les unes aux autres et les Tours de France.
Antoine Blondin