Dès le prologue, le lecteur se retrouve dérouté. L’auteur débute son récit par une scène de mariage. Quel est donc le rapport nous direz-vous ? Façon entonnoir, la conversation s’oriente vers l’utilisation du vélo comme moyen de transport quotidien pour rallier domicile et travail. Nous y voilà… L’auteur prend ensuite de la hauteur et une certaine distance critique afin d’aborder des constats plus généraux sur le « pouvoir de la pédale » qui combine aspects écologiques, environnementaux et gain de temps mais qui remet en cause nos habitudes et le fonctionnement des sociétés modernes conçues pour les automobilistes.

Le pouvoir de la pédale olivier razemon

Le Chapitre 1, Le Début d’un cycle, porte très bien son nom puisque l’auteur retrace l’historique du développement du vélo au sein de nos sociétés actuelles, en France, en Europe et plus largement à l’échelle mondiale, en rapport avec des événements historiques, les progrès techniques et les évolutions sociétales qui différent d’une nation à l’autre. En présentant ces comparaisons et différents parallèles, il apparait que le vélo se répand de plus en plus au 21ème siècle mais que malgré l’évolution de sa forme et des matériaux qui le constituent, son utilisation reste tout à fait marginale par rapport au 20ème siècle.

Nous avons apprécié les différents apports historiques et théoriques présents dans ce chapitre comme l’anecdote de la « machine à courir » avec deux roues, invention du 19ème siècle qui consistait à vouloir accélérer la marche à pieds et qui était en fait l’ancêtre du vélo.

Nous avons également trouvé très intéressante la partie concernant l’évolution linguistique du vocable « vélo » qui s’appelait à l’origine draisienne en 1818, puis vélocipède (néologisme composé des mots « rapide » et « pied » en latin). Le comparatif linguistique est également tout à fait pertinent puisque chaque langue nomme les objets de son quotidien en fonction de sa propre perception du réel et de ses propres besoins.

Exemple : en français « vélo » : véloce + pied, en allemand « Fahrad » : roue ou en danois « cyklen » : cycle

Les apports historiques permettent de comprendre le succès du vélo en fonction de son utilisation par les différentes classes sociales. D’abord objet d’intérêt pour la bourgeoisie et l’aristocratie (1860-1895), le vélo est ainsi devenu le mode de transport du prolétariat (20ème siècle), outil d’émancipation de la gente féminine désormais autorisée à porter un pantalon si celle-ci se déplace en vélo ou à cheval. Devenu populaire, le vélo se démocratise, le prix d’achat baisse, le matériel s’améliore et les premières courses cyclistes sont créent, comme le Tour de France. Le développement du cycle entraîne une augmentation du nombre d’embauches et il devient alors nécessaire de créer des trottoirs aménagés. Le vélo devient alors le « transport du pauvre ».

Malheureusement, la rivalité automobile de 1910 supplante petit à petit le vélo comme moyen de transport par sa vitesse et on assiste à la construction des autoroutes, des parkings et des centres-villes qui bannissent le vélo car il devient trop dangereux d’y circuler.

L’auteur explique que progressivement un basculement s’opère et les mairies et collectivités territoriales commencent à promettre des pistes cyclables, comme à Montréal, l’une des premières dans le domaine. D’ailleurs les chiffres issus du rapport de 2010 « Future of transport » sont consternants. Lorsqu’aux Pays-Bas, 31% des déplacements s’effectuent à vélo, ils n’ont lieu qu’à 3% en France.

Dans le Chapitre 2, l’auteur déconstruit les différents stéréotypes qui collent à la peau du cycle : Les sept (fausses) images du vélo.

Le vélo serait la voiture du pauvre car tout le monde rêve d’acquérir un véhicule motorisé à termes, le vélo ne serait qu’un mode de transport temporaire, en attendant d’avoir mieux. Le vélo serait un sport du dimanche pour se défouler avec les copains, soulever quelques coupes et faire un peu de compétition. Le vélo serait un simple passe-temps avec une image de vélo-loisir que l’on pratique à la campagne, pour se balader. En témoignent les nombreuses « voies vertes » qui existent actuellement. A la campagne, le vélo ne dérange pas et ne perturbe pas les fonctionnements…

Le vélo serait également un talisman écologique utilisé par les politiques comme un cheval de bataille et un mode de revendication pour prôner le développement durable et les bonnes pratiques ou le vélo serait encore une lubie de bobo car très récemment, dans les grandes villes, le vélo fait chic et donne l’illusion d’une vie saine et donc de privilégié car non concerné par les embouteillages.

Le Chapitre 3, La plus belle conquête de l’homme résume tous les plaisirs liés au vélo, tout comme le cheval à une autre époque, comme la beauté du paysage, le plaisir de la vitesse ou le fait d’entretenir son corps pour être en bonne santé. De son côté, le Chapitre 4, Le Pouvoir de la roue, fait état des nombreux avantages liés à l’utilisation du vélo au quotidien. Actuellement, le prix des transports augmentant, le vélo se présente comme plus rapide que la marche, peu coûteux, notamment dans les pays en voie de développement et devient un objet de consommation. A titre d’exemple, chaque année en Europe, 20 millions de vélo se vendent et font de ce marché un domaine très lucratif et en pleine expansion qui a d’ailleurs donné lieu à un tout nouveau type de vélo : le vélo à assistance électrique (VAE). A noter également les différentes créations d’emplois qui en résultent comme l’emploi de coursier. Qui n’a effectivement jamais croisé un livreur de pizza ou de sushis à vélo ?

Le Chapitre 5, La transition cyclable, un choix politique porte définitivement très bien son nom. L’auteur s’attache à expliquer que sans contrainte extérieure, comme les pénuries de pétrole ou les grèves, il est difficile d’assister à un essor naturel du vélo. Il aborde également un sujet qui fait régulièrement débat, à savoir les péages urbains, comme à Londres, afin de lutter contre la pollution, le bruit et le traffic.

L’auteur conclut son ouvrage en expliquant que si on laisse faire et que l’on compte sur une évolution progressive et autonome de la société, le vélo disparaitra. Pour que les choses changent, il est nécessaire qu’il y ait une véritable volonté politique de repenser les transports et les énergies, tout en sensibilisant au maximum les publics dès leur plus jeune âge.

L’ouvrage ne s’arrête pas là puisqu’un carnet pratique est disponible et présente tout un tas d’informations, de bonnes adresses, de liens internet pour parler vélo, acheter vélo, repérer un trajet vélo, assurer son vélo… Bref, manger / bouger / dormir vélo.

Nous avons aimé cet ouvrage riche et très dense en informations, à tous points de vue : dates, données historiques, nombreuses références, qui sont ponctuées par des anecdotes en italiques afin d’effectuer une pause dans le récit. Ces petits temps d’arrêt sont appréciables et permettent à l’esprit de souffler un peu et au lecteur de garder toute son attention. Cependant, le niveau de langue étant soutenu et les propos développés relativement complexes, nous recommandons cet ouvrage aux lecteurs aguerris, soucieux d’apprendre ou de remettent en cause ce qu’ils savent, et de ressortir enrichis de leur lecture.

 

Livre : Le Pouvoir de la Pédale

Auteur : Olivier Razemon

Editions : L’écopoche

Parution : 29 mars 2017

Format : 110 X 175 mm

Pages : 232

Prix : 9 euros

https://www.ruedelechiquier.net/l-ecopoche/165-le-pouvoir-de-la-p%C3%A9dale.html

 

Mathilde Duriez, vélo101